Les fonds monétaires américains menacés par la baisse des taux

Dans le monde de la gestion collective, les fonds monétaires font figure de produits sécurisés et sûrs. Mais depuis quelques mois, ces véhicules traversent une épreuve sans précédent, notamment outre-Atlantique. Ils sont, à l'image de l'ensemble des classes d'actifs, victimes de la crise du crédit, des subprimes. Le mouvement déclencheur a été l'annonce par Putnam Investments de la liquidation du Prime Money Market Fund, fonds affichant un encours de 12 milliards de dollars. Le gérant ne pouvait plus faire face aux rachats massifs. Quelques jours plus tard, c'était au tour du Reserve Prime Fund de connaître une défaillance avec une baisse de ses encours de 65 % à 23 milliards de dollars. Ce fonds, qui était exposé pour 785 millions de dollars à la dette de Lehman Brothers, a vu sa valeur liquidative perdre 3 % à 0,97 dollar à la suite de la faillite de la banque d'affaires américaine. La SEC, l'équivalent de l'Autorité des marchés financiers, envisage même de poursuivre Bruce Bent et sa société Reserve Management Co. qui gérait ce fonds pour ne pas avoir respecté les règles d'investissement. Car, aux États-Unis, la réglementation sur les fonds monétaires, appelée Rule 2a-7, impose de délivrer une valeur liquidative constante de 1 dollar par part. Dans le cas du Reserve Prime Fund, on parle de « broken the buck » (le dollar cassé). En théorie, ces fonds sont des supports uniquement investis sur des obligations de court terme d'une maturité moyenne de 90 jours dont le prix peut être légèrement supérieur ou inférieur à 1 dollar. Quand on calcule la moyenne des prix, on obtient 1 dollar. crise de confianceTout cela a créé une crise de confiance des investisseurs qui ont massivement retiré leur argent des produits monétaires qui étaient investis en partie sur de la dette d'entreprise à travers des SIV qui détenaient des subprimes. Quelques semaines après le « broken the buck », on a estimé à 347 milliards de dollars les retraits sur ce type de produit. Selon l'Investment Company Institute, les actifs sous gestion des fonds monétaires sont aujourd'hui de 3.775 milliards de dollars, en hausse de 11 % par rapport à début octobre 2008. La situation s'est donc améliorée. Pas si sûr. En effet, pour sauver ce marché, le Trésor américain a déclaré qu'il garantissait les actifs des fonds monétaires jusqu'à 50 milliards de dollars pendant un an. Revu tous les trimestres, « The Temporary Guarantee Program for Money Market Funds » s'adresse aux investisseurs qui détenaient des parts de fonds au 19 septembre 2008 et concerne uniquement les produits domiciliés aux États-Unis. Les porteurs qui vendent leurs parts après cette date ne sont pas couverts par le plan. Pour en profiter, les sociétés de gestion doivent se déclarer auprès des autorités et il leur en coûtera entre 1 et 1,5 point de base des actifs à assurer. Or le Trésor vient de prolonger ce plan jusqu'en avril 2009. À titre d'exemple, les fonds Hartford Money Market et Hartford Money Market HLS ont décidé de continuer de profiter de cette garantie. The Hartford Mutual Fund justifie ce choix par la volonté de protéger ses investisseurs et de leur apporter un peu de sérénité dans cette période de forte volatilité.Mais ce qui inquiète surtout l'industrie des fonds monétaires américains, c'est la brutale baisse des taux d'intérêt ces dernières semaines. La forte demande pour les « Treasury » a entraîné une chute du rendement des taux à 3 mois qui sont passés, depuis la faillite de Lehman Brothers, de 2,87 % à 1,46 % (voir graphique). Par ailleurs, les taux directeurs de la Réserve fédérale sont compris entre 0 % et 0,25 %. En ne les mettant pas à zéro, elle a donné un peu d'air à l'industrie même si sa principale préoccupation est de relancer un marché interbancaire disloqué, source de nombreux problèmes. Les rendements des fonds monétaires ont donc plongé. Selon iMoneyNet, organisme américain qui recense ces produits, le rendement moyen d'un fonds monétaire pour particulier est aujourd'hui de 0,95 % contre 1,05 % la semaine dernière. Globalement, les supports investis dans les bons du Trésor ont vu leur rendement tomber à 0,80 % en moyenne contre 3,99 % un an plus tôt. Certains produits affichent même un rendement de 0,05 %, voire un peu moins. Une fois les frais de gestion prélevés, estimés entre 50 et 75 points de base, les rendements versés sont parfois négatifs. Les investisseurs n'ont donc plus d'intérêt d'y placer leur argent. De nombreux fonds ont suspendu leurs souscriptions. Si c'est une pratique courante chez les hedge funds, qui définissent la capacité des montants à gérer et ferment aux nouvelles souscriptions une fois ce niveau atteint, c'est plutôt rare sur les fonds monétaires. Avec des coûts de fonctionnement supérieurs aux commissions, et des taux d'intérêt à court terme aussi bas, il apparaît difficile pour les gérants de gagner de l'argent. Vanguard a fermé deux fonds la semaine dernière et Credit Suisse parle même de liquider trois fonds qui pèsent 8 milliards de dollars d'encours. Pour assurer un rendement, et éviter la fuite des clients, certaines maisons, comme Fidelity, remboursent une partie des commissions. D'autres, pour survivre, et en dérogeant à la loi, envisagent d'augmenter les commissions ou de charger les actifs du fonds. Une pratique qui, si elle venait à se généraliser, mettrait en péril toute l'industrie des fonds monétaires.
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