Il n'y a pas que l'art contemporain dans la vie...

L'art classique revient à la mode. Il n'est, pour s'en convaincre, que de constater la fréquentation des expositions consacrées aux peintres du XVIIIe ou du XIXe siècle, le succès du Salon du dessin à Paris, de l'European Fine Art Fair de Maastricht ou du salon Paris-Tableau, consacré à la peinture ancienne et dont la prochaine édition se déroulera en novembre. Naturellement, il y a un pas entre contempler une œuvre classique dans un musée, une exposition ou une galerie et se rendre acquéreur d'un tableau, d'un dessin ou d'une sculpture et pénétrer, ainsi, dans le club très prisé des collectionneurs ou au moins des amateurs éclairés. Il n'existe pas de méthode brevetée pour y faire ses premiers pas. Ni de budget, ou alors de 1.000 à 100.000 euros.L'œil, le hasard, les rencontres...Une caractéristique de cet art classique est qu'il nécessite un peu de travail personnel. Il faut rafraîchir son éducation artistique, acquérir des points de repère, exercer son œil en regardant des catalogues. Mais l'avantage par rapport à l'art contemporain, où les galeries font la cote, c'est que les artistes sont en général répertoriés, connus, leurs œuvres ont été en partie cataloguées et une multiplicité de sources, sur Internet, permettent de se documenter. Cela n'exclut naturellement pas les surprises, puisque l'on découvre quelquefois, dans des greniers ou chez des brocanteurs, des tableaux d'artistes qui avaient échappé au répertoire... On n'avance donc pas en terrain totalement inconnu. On sait, à peu près, ce que vaut un tableau de Greuze, de Boucher ou de Fragonard, pour ne citer que ces maîtres de la peinture française du XVIIIe. L'autre caractéristique de l'art classique est l'extraordinaire profusion des œuvres, de tous formats, de toutes techniques, tableaux, dessins, et de toutes inspirations. Que l'on songe un instant au nombre d'œuvres qui ont été produites entre le XVIIe et le XIXe siècle, dans l'Europe entière, au point qu'elles remplissent les musées et leurs réserves, et qu'il en reste encore sur le marché « libre ». Pour le reste, ce sont l'œil, les hasards, les rencontres avec des œuvres ou des artistes qui doivent guider. « La problématique du collectionneur ou de l'amateur est de trouver un équilibre entre son goût, ses connaissances et ses moyens financiers », explique Fabienne Fiacre, experte et conseil en tableaux et dessins, ancienne collaboratrice de galeries de renom comme Stair Sainty Matthiesen, à New York, ou Brame & Lorenceau, à Paris, pour laquelle elle a justement développé un département consacré aux peintures et dessins des XVIIe, XVIIIe siècles et début du XIXe siècle.Parmi les « découvertes » de Fabienne Fiacre ces derniers mois figurent des artistes tout à fait remarquables. À l'image de Louis-Alexandre Dubourg (1821-1891), natif de Honfleur, fondateur du musée municipal de cette même ville, devenu aujourd'hui le musée Eugène-Boudin. Dubourg a consacré presque toute son œuvre à cette bourgade normande, où il rencontrait d'ailleurs Eugène Boudin à la ferme Saint-Siméon. On retrouve chez Dubourg les bains de mer, les voiliers, les ciels normands, les portraits de jeunes campagnardes que Boudin a aussi couchés sur la toile. Mais les œuvres de Dubourg sont encore abordables même si leur côte avoisine le haut de notre fourchette... Dans un genre différent se range Paul-César Helleu (1859-1927), un peintre de la Belle Époque, ami de Robert de Montesquiou et qui a fait de son épouse (la célèbre Mme Helleu) l'objet principal de sa peinture. Il est vrai que son opulente chevelure rousse lui donnait un charme indéniable, qu'elle soit en pied, alanguie dans les herbes folles, en train de lire ou assise sur un banc avec leur fille. Daudet disait de lui : « Helleu revisite la grâce du XVIIIe siècle, mais moderne... C'est un Watteau à vapeur. »On peut aussi avoir un faible pour un autre peintre de talent, Étienne Bouhot (1780-1862), originaire de Bard-lès-Époisses, en Bourgogne, professeur à Semur-en-Auxois dont il a même dirigé l'école de dessin, peintre de paysages et de belles demeures dont le château d'Ancy-le-Franc, l'une de ses plus belles compositions, que Fabienne Fiacre a trouvée dans une vente de province avec son cadre et son cartel d'origine.Faire confiance aux marchandsCes quelques exemples, très parcellaires, ne sont là que pour montrer que les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles français recèlent une myriade de peintres, dont les cotes ne sont pas excessives, et dont certaines œuvres sont en tout point remarquables. On peut même étendre sa curiosité à la fin du XIXe ou au début du XXe et faire de belles trouvailles, comme ces petits lapins dessinés par Foujita en 1938 ou les aquarelles d'Alix Aymé, une peintre voyageuse dans l'Indochine des années 1920 à 1940, dont elle a rapporté des scènes et portraits d'une grande délicatesse de trait et de ton. Lire, regarder, visiter les marchands sans crainte, voilà qui peut constituer une bonne stratégie. Les marchands présentent l'avantage de savoir situer une œuvre, d'en expliquer l'importance esthétique, de la replacer dans l'œuvre d'un artiste, ce qui peut faire économiser beaucoup de temps et de recherche à un amateur très occupé. « Il existe trois sortes de marchands, disait l'un des plus célèbres d'entre eux, ceux qui ne pensent qu'à vendre, ceux qui aiment un artiste en particulier et les collectionneurs qui achètent et vendent selon leur goût. » Beaucoup sont en fait un peu les trois à la fois. « Il n'y a qu'une chose que l'on n'a jamais vue, poursuivait-il : un collectionneur acheter un tableau avant 10 heures du matin en galerie. »__________Repères :Le site Internet des Amis de Paul-César Helleu (www.helleu.org), où l’on peut admirer une sélection de ses oeuvres.Louis-Alexandre Dubourg, au musée Eugène-Boudin à Honfleur, place Erik Satie (www.museeshonfleur.fr).Étienne Bouhot, au musée municipal de Semur-en-Auxois, rue Jean-Jacques Collenot (tél. : 03 80 97 24 25) et au musée du Louvre à Paris.
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