Nouvelle donne ou retour aux fondamentaux pour le "private equity" ?

Par Jean Boschat, vice-président d'A.T.Kearney, et Jérôme Souied, directeur chez A.T.Kearney.

La crise des «subprimes» a entraîné un ralentissement significatif de l?activité du secteur du "private equity". Entre 2007 et 2008, le nombre d?opérations de LBO ("leveraged buy out") en France a ainsi chuté d?environ 60%. En pratique, le comportement des différents acteurs (fonds de "private equity", banques de financement, banques d?affaires?) est en train de changer. Peut-on parler d?une nouvelle donne pour l?industrie du "private equity" ou s?agit-il tout simplement d?un retour aux fondamentaux ?

Les années 2002 à 2007 ont vu une explosion des opérations de LBO, sous tendue par une abondance de liquidités et la facilité à obtenir du crédit. Ce phénomène s?est accompagné de plusieurs tendances :

- le «crédit facile» a permis des financements comportant de plus en plus de dette apportée par les banques et de moins en moins de fonds propres apportés par les fonds de "private equity". Les garanties que pouvaient demander les banques en termes de performance économique se sont faites de moins en moins contraignantes, voire inexistantes? Cette situation a eu deux conséquences : d?un côté les capitaux propres engagés par les fonds étaient proportionnellement plus faibles avec donc un effet de levier et un rendement potentiel plus importants, de l?autre côté, plus l?effet de levier augmentait, plus la charge de la dette pour les entreprises sous LBO était lourde et plus le risque de défaillance augmentait.

- cette facilité de crédit a aussi autorisé une hausse des prix d?achat qui sont passés entre 2003 et 2007 d?environ 6,8 fois l?Ebitda ("earnings before interest, taxes, depreciation and amortization", revenus avant intérêts, impôts (taxes), dotations aux amortissements et provisions) à 9 fois l?Ebitda. En théorie, un investisseur qui achetait pour 680 millions d?euros une société dégageant 100 millions d?euros d?Ebitda en 2003 pouvait revendre quatre ans plus tard la même société, avec le même Ebitda, 900 millions d?euros ?

- cette tendance à la hausse des prix a par ailleurs été facilitée par l?accroissement du nombre de fonds en concurrence sur chaque dossier et l?organisation de véritables «concours de beauté» par les banques d?affaires. Quand trois ou quatre fonds se disputaient un dossier il y a cinq ans, ils étaient une dizaine en 2007 !

Dans la pratique, la plupart des opérations de LBO se sont traduites par une véritable création de valeur, avec des améliorations fortes en termes de croissance, d?efficacité opérationnelle et de rentabilité. Il reste néanmoins vrai que certains acteurs ont pu commencer à imaginer un monde sans risque, où il suffisait de jouer pour gagner.

Depuis le début de la crise des «subprimes», des évolutions majeures ont commencé à apparaître:

- l?accès au crédit est devenu problématique. Les banques questionnent beaucoup plus la qualité des dossiers (questionnement accru par le contexte de ralentissement économique), le coût du crédit est plus élevé et, surtout, ces mêmes banques exigent des fonds une part de capitaux propres plus élevée. L?effet de levier est moins puissant et les perspectives de rendement plus faibles.

- ces mêmes fonds commencent pour leur part à se lasser des « concours de beauté » qui conduisent à des prix d?achat élevés. De plus, les vendeurs continuent d?exiger des prix proches de ceux d?il y a un an alors que, dans le même temps, la valeur des entreprises cotées s?est effondrée de près de 30% ! Les fonds investissent donc leur énergie dans la recherche d?opportunités de LBO primaires, cherchant la belle endormie dont ils pourront approcher l?actionnaire en négociant une exclusivité à un prix raisonnable.

- enfin, les fonds savent qu?ils ne peuvent plus compter sur une amélioration des multiples pour assurer leur plus value et que le poids de la dette conjuguée au ralentissement économique peut rendre difficile la situation de certaines sociétés sous LBO. Ils se concentrent donc sur la gestion de leurs sociétés en portefeuille. La capacité à rendre ces sociétés robustes face au ralentissement économique en identifiant des améliorations opérationnelles, des leviers de croissance organique ou en réalisant des opérations de croissance externe dans de bonnes conditions devient donc critique.

Les fonds de "private equity" vont donc devoir démontrer leur capacité à dénicher les perles rares, faire preuve de sélectivité et de pertinence dans le choix de leurs investissements, confirmer leur compétence dans le développement et l?optimisation de rentabilité des sociétés en portefeuille et affirmer leur aptitude à mesurer et prendre des risques? Mais ne s?agit-il finalement pas des véritables fondamentaux de l?industrie du "private equity" ?

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