Peut-on attendre le rétablissement des banques ?

Par Hervé Gourio, délégué général d'entreprise et Progrès.

Irait-on pour se soigner dans un hôpital où médecins et infirmiers circulent avec des béquilles ou en fauteuil roulant ? C'est pourtant cette image qui vient à l'esprit en voyant les prières et injonctions adressées aux banquiers par les pouvoirs publics les adjurant de soigner leurs économies thrombosées. Avec l'écroulement des activités de marché, la plupart des banques ont perdu l'usage d'au moins une de leurs deux jambes. Celle qui leur permettait de courir, aux plus jeunes de gambader.

Mais la plaisanterie perd son sel quand on comprend que ces grands blessés ne peuvent pas s'occuper en priorité d'autre chose que de se rétablir et de reconstruire leur modèle économique démoli. Bien sûr, les banques vont devoir gérer avec prudence et raison leurs prêts à l'économie et aux particuliers. Peut-on s'étonner de les voir sélectionner leurs clients avec une rigueur accrue et pratiquer des marges confortables ? Les discours présidentiels ou autres contrôles étatiques y compris les nationalisations glisseront vite sur leurs plumes. Surtout quand, munies du viatique de la garantie étatique sur leur survie, elles n'ont absolument aucune raison de se hâter pour se réorganiser ou restructurer leur industrie.

Cependant l'économie ne peut pas attendre leur guérison ni même leur convalescence. Il nous faut donc trouver une solution de substitution puissante, ce qui exige l'intervention directe de l'État dans le financement de l'économie, même si l'État n'a pas toujours été un banquier modèle.

Peut-on imaginer des modalités qui évitent ces chausse-trapes et faire en sorte que les pouvoirs publics investissent efficacement dans les hauts de bilan ? Le débat en cours aux États-Unis sur cette question offre une solution, un mécanisme très séduisant.

Depuis trois mois tous les économistes ayant créé des blogs se demandent pourquoi Washington intervient dans le capital des banques à des conditions moins favorables que celles négociées par Warren Buffett pour faire à peu près la même chose ? C'est en effet incompréhensible quand l'intervention étatique chez Goldman Sachs est 20 fois celle de « l'oracle d'Omaha ».

Alors pourquoi ne pas étudier ce qui se passerait en France si, pendant la période d'incapacité partielle des banques, l'État doublait les augmentations de capital effectives dans les entreprises non financières aux mêmes conditions que celles de l'investisseur privé ? Et ce, bien sûr, dans une proportion compatible à la fois avec les ressources de l'État et avec les besoins d'investissement du secteur privé en 2009 et 2010. Ce ratio devrait être inférieur mais pas trop éloigné de 1 en 2009. À défaut d'une augmentation de capital qui pourrait être difficile à accepter pour les autres actionnaires, on pourrait imaginer un prêt à très long terme. Cet investissement étatique pourrait se faire en utilisant le nouveau fonds stratégique, Oséo, la Caisse des dépôts ou encore le Fonds de réserve pour les retraites, ce qui témoignerait qu'il s'agit bien d'un placement de long terme.

Une telle intervention devrait sans doute être massive pour compenser la défaillance actuelle des banques. Mais elle peut, et doit, se substituer aux plans sectoriels et aux aides publiques à court terme qui semblent aujourd'hui monopoliser l'attention du gouvernement alors même que l'impact majeur de la crise est encore à venir dans notre pays. En effet, ces aides publiques devraient avoir un effet multiplicateur plus puissant que les plans de relance. Ce qui, dans un contexte de crédit très restreint de l'État, est un argument décisif pour aider notre économie à sortir de la crise.

 

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