Régulation bancaire : suivre le modèle espagnol

Par Jean Sassus, analyste bancaire chez Raymond James.

La crise du secteur financier mondial depuis le début 2007 a mis en évidence le rôle clef de la régulation. Les déficiences des systèmes de régulation ont été profondes, non seulement dans leur mise en ?uvre par les superviseurs, mais surtout dans leur conception et leur organisation par les Etats. L'incapacité persistante des Etats à concevoir ce que doit être la régulation des systèmes financiers, puis à la traduire en décisions techniques et à la faire appliquer, est probablement une des causes profondes de la crise actuelle. La refonte des logiques de régulation est donc un des chantiers des années à venir.

A contre tendance, l'Espagne a adopté bien avant la crise des mécanismes intéressants. Les résultats sont, pour le moment, probants au regard des bénéfices 2008 : Santander a engrangé 8,9 milliards d'euros de profits, BBVA 5 milliards, avec un retour sur capital de 15% à 20%. Le bilan de la régulation bancaire à l'espagnole paraît donc plutôt favorable, au moins par comparaison avec ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou de l'Allemagne. Il est vrai que la base de la comparaison n'est pas très exigeante?!

Cependant, au-delà des aspects techniques, il semble surtout qu'une partie du monde politique espagnol ait intégré plus tôt qu'ailleurs l'idée que la croissance économique passait par un système bancaire efficient et solide. L'efficience du système suppose, notamment, que la décision de crédit est fondée sur la seule logique économique et que le superviseur a le pouvoir de sanctionner les erreurs dans ce domaine. Indirectement, cela revient à admettre qu'une des fonctions économiques d'un système bancaire est aussi de savoir refuser de prêter et que le superviseur est là pour y veiller.

Ce consensus fondamental entre la Banque d'Espagne et les différents gouvernements espagnols (est-ce encore le cas??) s'est manifesté d'abord par plusieurs décisions brutales du régulateur, en particulier à l'égard du secteur privé. Mais surtout par le choix d'outils de pilotage originaux, à commencer par le mécanisme de provisionnement statistique. Ce mécanisme repose sur l'idée qu'il faut protéger les fonds propres des banques, donc leur solvabilité, des effets négatifs du cycle économique au travers des défauts de paiement. En protégeant les fonds propres des banques dans les périodes difficiles, on évite que les capacités de financement de l'économie soient alors contraintes par une solvabilité qui deviendrait insuffisante.

Or, la mise en question de la solvabilité des banques est bien aujourd'hui un des points de blocage majeur des marchés financiers. En pratique, la Banque d'Espagne exige que les banques constituent des provisions en fonction du total de leurs crédits et non pas, comme partout ailleurs, des défauts avérés. C'est donc en période de croissance que les banques constituent des provisions, et ce à des niveaux largement supérieurs aux défauts réels?: en haut de cycle, elles minorent ainsi leurs résultats. A l'inverse, en phase de récession, les banques peuvent puiser dans ces provisions inutilisées pour couvrir la hausse des impayés sans entamer leurs fonds propres. C'est le cas actuellement.

Cette régulation repose sur un consensus politique. La constitution des provisions générales est définie de manière précise et, surtout, les provisions qui en résultent sont fiscalement déductibles. Il a donc fallu que les différents gouvernements espagnols acceptent de se priver de recettes fiscales dans les années de croissance, de même que les actionnaires qui n'ont pas perçu les dividendes qu'ils auraient pu toucher.

Autre exemple de l'autorité de la Banque d'Espagne?: elle a virtuellement interdit les SIV, ces structures qui ont permis de sortir des bilans bancaires des actifs en attente de titrisation, mais qui sont devenues des pièges pour les banques.

Certes, les mécanismes mis en place ne sont ni omnipotents, ni irréprochables?: ils n'ont en particulier pas empêché la bulle immobilière, puis son éclatement. Mais, à la décharge de la Banque d'Espagne, aucune régulation bancaire n'est censée se substituer aux décisions de politique économique. Par ailleurs, l'influence politique, donc nuisible, sur les décisions de crédit des Caisses d'Epargne n'a pas pu être contrecarrée, malgré les nombreux avertissements lancés par la Banque d'Espagne.

En outre, cette dernière a laissé BBVA et Santander accumuler des expositions sur l'Amérique latine (38% et 32% des crédits respectivement) qui pourraient mettre en danger les deux groupes en cas de crise majeure. Enfin, on peut craindre que le provisionnement général qu'elle a imposé ait été sous-dimensionné en regard de la gravité de la crise. Si le modèle espagnol ne doit pas être appliqué sans réserve, il reste un des meilleurs modèles de supervision à ce jour?: ses succès ne se réduisent pas à des recettes techniques, mais bien à une logique économique et politique forte.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il n' y a qu' un analyste pour sortir des inepties pareilles. L' espagne est à terre !

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