Marchés émergents : quel avenir ?

Par Richard Titherington, directeur de la gestion "Actions émergentes" chez J.P.Morgan Asset Management.

Tout en restant très optimistes quant au potentiel à long terme du monde émergent, et convaincus que les actions émergentes pourront offrir des rendements intéressants aux investisseurs ainsi qu?une performance supérieure à celle des actions du G7, nous avons constamment insisté sur la volatilité inhérente à cette classe d?actifs. Cette volatilité est clairement manifeste actuellement, mais avant d?évoquer l?avenir, il est important de rappeler le cours des événements qui nous ont conduits jusqu?ici.

Depuis 1988 (une date choisie en fonction des données disponibles et non pas parce qu?elle permet commodément d?ignorer le krach de 1987), les marchés émergents ont offert un rendement en dollars d?environ 10% par an, contre 7% pour les actions américaines. Cette période a néanmoins vu les marchés émergents chuter de plus de 50% à trois reprises et de plus de 25% à neuf reprises, sans jamais produire de rendement annuel aux alentours des 10 %. Selon nous, ce modèle devrait perdurer sur les cinq à dix prochaines années, jusqu?à ce que les investissements institutionnels locaux (retraite et assurance) parviennent à supplanter les positions spéculatives des investisseurs individuels qui dominent actuellement les transactions dans nombre de grands pays émergents.

Si cette volatilité apparaît encore plus évidente aujourd?hui, il n?est pas inutile de présenter les périodes clés de l?année passée pour mieux comprendre les événements intervenus et leurs causes. Les actions émergentes ont atteint un plus haut à 1 345 en novembre 2007, puis ont connu une baisse de 20% typique des marchés émergents au cours des deux mois suivants, avant de se redresser fortement au début de l?année 2008 et jusqu?en mai.

Le marché est devenu baissier à l?été 2008, alors que l?aversion au risque augmentait et que les valorisations sont apparues excessives, avec un ratio cours/valeur comptable proche de 3. Les cours ont alors plongé de 30% et le recul s?est poursuivi jusqu?à la faillite de Lehman Brothers en septembre, qui a précipité la crise et le krach du quatrième trimestre 2008. En moins de deux mois, les actions émergentes ont subi une nouvelle chute de 48%.

De novembre 2007 à octobre 2008, les marchés émergents ont accusé un repli de 66% qui a ramené le ratio cours/valeur comptable de son niveau euphorique de 3 à un maigre 1 au plus bas. Durant cette période extrêmement pessimiste, les actions émergentes ont commencé à surperformer tout en affichant une très forte volatilité entre octobre et février. A l?opposé des marchés développés, les marchés émergents n?ont pas connu de nouveau creux et ont même surperformé de plus de 10% malgré une aversion au risque généralisée parmi les investisseurs internationaux.

De notre point de vue, cette période marque le début du processus de normalisation des marchés, dans la mesure où les investisseurs ont essayé d?assimiler le nouveau profil de croissance des économies et, de fait, les conséquences sur les bénéfices et le revenu des sociétés.

Depuis lors, la classe des actions émergentes a gagné 35% (au 30 avril 2009), ce qui atteste de deux choses : d?une part, les perspectives de bénéfice des entreprises sont meilleures et plus stables dans le monde émergent que dans les pays du G7, et d?autre part, les valorisations proches de la valeur comptable sont trop faibles pour une classe d?actifs présentant une rentabilité des capitaux durablement supérieure à 12% et un taux de croissance des bénéfices à long terme de 10%. Actuellement, le portefeuille du fonds JPMorgan Funds - Emerging Markets Equity Fund affiche une rentabilité financière de18% et un taux de croissance du bénéfice par action de 15%.

Après ce rappel, que pouvons nous dire de l?avenir ?

L?histoire nous enseigne deux choses : premièrement, que les actions émergentes offrent des bénéfices attrayants sur le long terme lorsqu?elle sont acquises à un ratio cours/valeur comptable inférieur à 1,5, et ensuite, que la volatilité est endémique, ce qui rend probable un recul de 20% au cours des deux prochains trimestres. Nous avons toujours encouragé les investisseurs à opter pour une surpondération structurelle des actions émergentes car, selon nous, elles vont à la fois surperformer les actions des marchés développés et voir leur pondération dans les indices actions mondiaux augmenter au cours des cinq à dix prochaines années. Rien de ce qui s?est passé dans les douze derniers mois ne change ce point de vue, mais les investisseurs doivent conserver la capacité de renforcer leurs positions après les inévitables vagues de repli de 20% plutôt que d?être contraints de vendre pendant les périodes de forte volatilité.

Au niveau des pays, nous continuons de penser que le taux de croissance des économies de taille continentale est davantage autosuffisant, et par conséquent moins dépendant de l?économie mondiale, que dans les pays plus modestes de cette classe d?actifs. Ces économies vont donc continuer à gagner en importance, à la fois relative et absolue, auprès des investisseurs internationaux. Parmi les pays Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), nous estimons que l?amélioration structurelle se poursuivra pour le Brésil alors qu?il évolue d?une économie à forte inflation vers un système à faible inflation et qu?il reste sous investi par la plupart de nos clients.

La Russie restera le marché au bêta le plus élevé du Bric en raison de son exposition aux matières premières, mais il ne faut pas oublier que, ces quinze dernières années, la Russie a assuré aux investisseurs un rendement annualisé de 12% (en dollars), malgré une chute de plus de 80% à deux reprises au cours de cette période. L?Inde et la Chine profitent d?une longue croissance qui perdurera pendant des décennies et, si la Chine offre actuellement un meilleur profil valorisation/croissance, les deux pays devraient selon nous faire partie des c?ur de portefeuille à long terme.

Les thèmes clés : consommation domestique et infrastructures

Au niveau des titres, la question essentielle pour 2009 et début 2010 sera d?identifier les sociétés ayant un profil de bénéfice durable dans un environnement de croissance mondiale ralentie et de liquidité moins abondante, tout en évitant les entreprises dont le profil de croissance dépend d?une poursuite des conditions de l?expansion de 2005-2007 (la hausse de la valeur des actifs, l?abondance du crédit et l?augmentation de la liquidité). Nos investissements iront de préférence vers les entreprises orientées sur la consommation intérieure et l?investissement d?infrastructures au sein des pays Bric, ainsi que celles capables de générer un cash-flow interne pour financer leur croissance.

Nous ne pensons pas que la valorisation des actions émergentes continuera de s?améliorer au rythme des deux derniers mois et préférerions que le ratio cours/valeur comptable se maintienne aux alentours de 1,5. C?est pourquoi, nos prévisions de rendements sont plus modestes pour le reste de l?année. Cependant, nous ne suivons pas le consensus écrasant en faveur d?un rallye de marché baissier, avec un renouvellement probable des creux connus en octobre 2008. Nous pensons que la tendance des deux prochaines années sera à la hausse, avec d?importantes corrections de 20%, et estimons que les actions émergentes continueront de surperformer les actions mondiales et la dette des marchés émergents.

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