Osons financiariser le microcrédit pour redynamiser notre économie !

Par David Syed et Denis Fontaine-Besset, avocats chez Orrick Rambaud Martel.

Crise oblige, on redécouvre les vertus de la très petite entreprise, qui apparaît comme la nouvelle alternative aux emplois aidés dans le combat contre l'exclusion. A côté des subventions s'est développé un instrument de promotion majeur : le microcrédit, qui a été à l'honneur du 2 au 6 juin. De plus en plus utilisé pour contrer la pauvreté dans les pays les plus riches, le microcrédit devient une solution pour créer son entreprise en temps de crise - l'Adie a d'ailleurs annoncé un nombre de prêts en hausse de 30%. Le législateur et l'administration ont pris de nombreuses mesures visant à faciliter la vie des nouveaux entrepreneurs et l'accès au crédit - ce dernier point s'avouant crucial dans la période de turbulences financières que nous traversons.

Ces nouvelles options ne changent pas seulement les modalités de distribution de la manne publique ; elles traduisent une véritable évolution de la société. Tout contribue à faire prendre en charge par le monde économique une mission d'aide longtemps exclusivement dévolue au monde caritatif. Il s'agit d'adapter les règles et contraintes de l'économie pour faciliter le développement d'entreprises qui ne sauraient naître, ni croître dans la version la plus aboutie de l'économie moderne. Pour cela, selon nous, deux conditions s'avèrent incontournables.

Adopter des mesures favorisant l'esprit d'entreprise. Au niveau individuel d'abord, en facilitant le passage de l'emploi salarié au statut d'entrepreneur. Les exonérations de charges sociales durant les trois premières années d'activité, ou encore la réintégration d'indemnisation chômage ou de minima sociaux en cas d'échec, sont des moyens d'aller plus loin dans l'incitation. Au niveau politique ensuite, le coût et la complexité des démarches imposées aux nouvelles micro-entreprises sont souvent dissuasifs. Dans ce contexte, l'introduction de la société à un euro et la simplification des formalités de création des auto-entreprises doivent être saluées.

La mise en place de procédures de facturation et de déclaration simplifiées des opérations réalisées par les auto-entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises complète un dispositif de mesures favorables. Au niveau culturel enfin, pour les pays comme la France dont la culture de l'entrepreneuriat est moins forte, une image valorisante de l'entreprise doit être relayée par l'ensemble du système éducatif et accompagnée d'un plus grand effort de formation des nouveaux micro-entrepreneurs, souvent dépassés par l'ampleur des formalités.

Développer un système de financement adapté et faciliter son accès. Tout d'abord, le microcrédit doit devenir une véritable activité financière, ce qui suppose un cadre juridique clair. Aujourd'hui, la diversité des intervenants (banques, organismes de garantie comme le Fonds de cohésion sociale, pourvoyeurs de fonds propres, associations spécialisées comme l'Adie ou à vocation caritative plus générale...) donne une image floue du microcrédit. Une uniformisation des intervenants en charge de la distribution d'un nombre limité de solutions de financement, ainsi que la définition précise de leur rôle (prêteur ou caution), simplifieraient donc le développement de la micro-entreprise. Ensuite, pour devenir une part intégrante de l'économie de marché, le microcrédit doit devenir à terme une activité rentable, qui se soutient elle-même.

Cela implique une évaluation des risques et donc un accès aux bases de données de la Banque de France non seulement pour les organismes de crédit, mais aussi pour toute association légalement autorisée à distribuer des microcrédits en marge de la réglementation bancaire, comme c'est déjà le cas au Royaume-Uni. Cela impliquera également de faire en sorte qu'une fois les risques correctement évalués, ils puissent être justement rémunérés.

En outre, l'accompagnement de l'auto-entrepreneur peut générer pour lui un coût tel que cela peut dissuader les établissements financiers de fournir ce service indispensable. Si certains organismes caritatifs adoptent une démarche de bénévoles, les banques s'associent à des réseaux d'accompagnement plus professionnels, ce qui alourdit encore les processus et les coûts. Cette question devra par conséquent trouver une réponse satisfaisante.

Qui dit financiarisation, dit changement d'échelle, donc nouvelles obligations réglementaires et comptables auxquelles ne sont pas habitués des organismes relevant pour l'instant du monde associatif. Des règles de fonctionnement et de gouvernance vont devoir être adoptées, se rapprochant plus du modèle des institutions financières que des organisations sans but lucratif. Une adaptation ne s'impose pas qu'aux seuls organismes de distribution des microcrédits. Les organismes de tutelle devront aussi participer à cet effort d'adaptation et définir des normes tenant compte de la spécificité de ce financement.

Au nom de la liberté d'établissement dans l'Union européenne, d'aucuns envisagent déjà l'avènement d'un organisme de tutelle européen qui faciliterait le développement homogène du microcrédit dans les différents états membres. Une ambition louable. Mais il semble plus raisonnable d'envisager dans un premier temps un simple organisme fédérateur, chargé de veiller à la diffusion des bonnes pratiques et d'opérer l'harmonisation progressive des différentes solutions nationales. Un passage complet au marché unique semble plus compliqué. Et au vu de l'importance de la proximité de ce type de services et des missions d'accompagnement servies en complément des financements, est-ce nécessaire à ce stade ?

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le prêt solidaire (ADIE)reste pour des raisons sans doute légitimes un prêt à taux d'intérêt élevé et par ailleurs il est exigé du créateur d'entreprise de présenter une personne solvable se portant caution pour la moitié du montant du prêt. Le créa...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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