Convertibles : le retour de Janus

Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

A chaque époque, son produit fétiche, qui recèle les aspirations et les craintes du moment. Ainsi, la rafale d'émissions d'obligations convertibles (OC), ces produits hybrides qui avaient disparu des marchés quand l'alerte était maximale, dit beaucoup de choses sur ce mois de juin 2009, cet entre-deux très particulier de la crise où les espoirs le disputent aux soupçons dans l'imaginaire collectif.

Elle dit d'abord que ces entreprises qui, hier, couraient après le cash, ont retrouvé une vraie bouffée oxygène sur les marchés financiers : entre une augmentation de capital, trop dilutive aux cours actuels, et une émission d'obligations classique, qui serait trop coûteuse, l'émission d'OC leur permet aujourd'hui de se refinancer à moindre coût. Et ce, sans avoir à solliciter leurs actionnaires ni à leur rendre des comptes.

Et si, malgré la faiblesse des rendements offerts, les investisseurs institutionnels en redemandent, c'est que la possibilité de convertir, d'ici cinq à six ans, leur papier en actions leur donne une option sur une vraie reprise? si elle a lieu. La possibilité d'un avenir radieux est donc revenue sur leur écran radar. Mais ce n'est encore qu'une éventualité. Car la ruée des émetteurs, qui s'engouffrent dans une fenêtre qui se refermera au mieux le 14 juillet, dit tout autant leur inquiétude sourde sur l'économie réelle. ArcelorMittal, Air France-KLM, Nexans, Publicis, Bulgari, etc., toutes les entreprises qui se sont présentées au guichet sont précisément celles qui sont certaines d'affronter dans les mois qui viennent une activité en repli. Elles profitent donc du printemps des marchés pour préparer l'hiver.

Au moment où les Bourses refluent et où la sortie de crise paraît plus que jamais incertaine, ceux qui vendent des obligations convertibles, comme ceux qui y investissent, y voient d'abord et avant tout un solide parachute. Gare donc à ne pas prendre ces levées de fonds pour le signe que la sortie de crise est bien là. Elles ont deux faces, comme Janus, ce dieu de la transition dans la mythologie romaine.

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