La finance et son syndrome

Par Pierre- Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, appelle cela le "syndrome du retour à la normale". C'est-à-dire : faire comme si rien ne s'était passé. Ce syndrome, les banquiers montrent qu'ils en sont chaque jour un peu plus affligés. On le savait des grands établissements américains, tellement pressés de s'affranchir du Trésor et de sa tentative de moralisation des rémunérations.

On le sait aussi, bien sûr, de la City, où Stephen Hester, le patron de Royal Bank of Scotland, sauvé in extremis par l'Etat britannique après des pertes historiques, s'est vu chahuter hier pour s'être fait attribuer des revenus himalayens - plus de 11 millions d'euros. Et le retour de ces habitudes si lucratives ne se limite pas aux seuls bonus. Il se rediffuse déjà dans les métiers des banques. Dans leurs surenchères. Dans leurs prises de risque. Ce syndrome est d'autant plus prégnant que le nombre d'acteurs a, lui, diminué.

Aux Etats-Unis, Lehman Brothers a disparu. En Europe, ABN-Amro et Fortis sont sortis du jeu et le suisse UBS joue sa survie. La tentation est donc grande de vouloir s'emparer de leurs oripeaux, de leurs équipes et de leurs parts de marché. De se positionner pour la sortie de crise. C'est ainsi que, en France, ING Direct, qui se transforme en banque à part entière, se lance dans une politique tarifaire agressive, alors que sa maison mère ne doit sa survie qu'à l'intervention salvatrice de l'Etat néerlandais. Que sur le marché européen de la banque de financement et d'investissement, Royal Bank of Scotland est accusé par ses concurrents de biaiser avec les règles pour mieux revenir dans la compétition. Que les débauchages d'équipes ont repris, quels qu'en soient le prix.

Une grande banque française vient de perdre une dizaine de traders. Et Calyon s'est fait prendre des banquiers en Asie par Natixis, que l'on croyait pourtant loin d'être tiré d'affaire. Il va falloir beaucoup de courage aux pouvoirs politiques pour mettre fin à ces surenchères. Pour imposer à une finance qui ne demande qu'à redevenir débridée les recommandations de la Banque des règlements internationaux, la plus ancienne des institutions financières internationales : limiter les risques en jouant d'effets de levier moins importants, accepter une taille plus modeste des établissements (pour éviter qu'une trop grande concentration des établissements ne favorise une crise systémique) et faire passer le message aux actionnaires qu'ils devront se contenter de rendements moins importants...

Dire cela suffit à mesurer l'ampleur de la tâche.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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SVP, arrêter d'asséner le gd public de ce genre de mensonge et faite votre travail de journaliste ! Les salaires élevés des patrons de la finance, les traders, les hedge funds et les paradis fiscaux ne sont pas à l'origine de la crise. Si les banquie...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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M.Pagay, un peu de respect pour le lecteur, qui n'est pas si mal informé que vous semblez le croire. Avec le web on a bien d'autres sources, et on sait bien que comme pour les équipes de foot, suivre les régles c'est accepter de perdre la partie et d...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Cet article est trés réaliste. Ce qui gangrène la finance c'est les égos de certains et le chacun pour soi. Pas d'accord avec Philiphi, le métier de banquier est de preter l'argent des déposants et donc de les proteger en analysant le risque de so...

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