Où est la volonté politique d'en finir avec les paradis fiscaux ?

En 2009, le G20 de Londres avait fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité. Trois ans plus tard, derrière les manifestations de bonne volonté, transparaît un fort désir au niveau international de ne pas faire avancer le dossier. S'agissant des efforts de transparence, on s'est arrêté en chemin.
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En 2009, le G20 de Londres s'était donné pour objectif de moraliser le capitalisme en renforçant la supervision et la transparence du système bancaire et financier mondial. Pour l'occasion, l'OCDE avait publié trois listes - noire, grise et blanche - des territoires non coopératifs en matière de transparence : les fameux paradis fiscaux.

Trois ans plus tard, derrière les manifestations de bonne volonté, transparaît un fort désir au niveau international de ne pas faire avancer plus avant les efforts de transparence. Et nous sommes encore loin des objectifs affichés lors du sommet londonien.

Pourtant, le sujet est loin d'être anecdotique. Les montants concernés sont énormes. A l'échelle de la France, environ 8% des patrimoines financiers français sont détenus dans les paradis fiscaux, selon les travaux de Gabriel Zucman, chercheur à l'Ecole d'économie de Paris. En se basant sur le chiffre de 10.000 milliards d'euros pour les ménages français, nous estimons que cela représente 800 milliards d'euros actuellement placés - consciemment ou inconsciemment - par les Français dans les paradis fiscaux. À titre de comparaison, le déficit public de la France s'élève en 2010 à 148,8 milliards d'euros.

S'agissant des structures de supervision, la question est celle-ci : disposera-t-on d'un bilan chiffré ? En effet, pour améliorer la supervision et la transparence financière et bancaire, la France et l'Europe ont créé en 2011 de nombreuses structures : Conseil européen du risque systémique, Autorité bancaire européenne (EBA), Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA), Autorité européenne des marchés financiers (Esma), Autorité de contrôle prudentiel (ACP)...

La France a été plus loin en créant une nouvelle cellule de régularisation, en étendant de trois à dix ans la prescription en matière d'évasion fiscale, et en mettant en place des vérifications sur tous les achats réalisés au cours des trois dernières années par des résidents français avec une carte bancaire étrangère. Cette dernière méthode, celle de la carte bancaire liée à un compte bancaire dans un paradis fiscal, reste en effet la plus simple et la plus efficace pour profiter de ses capitaux expatriés.

Ainsi en février 2011, le Groupe d'action financière (Gafi) évaluait le niveau de conformité de la France comme "très élevé". Néanmoins, certaines zones géographiques françaises, principalement les collectivités territoriales situées outre-mer, présentent sur place une quasi-absence d'action de contrôle. Le bilan mériterait d'être affiné. En effet, les structures mentionnées plus haut n'ont pas communiqué de résultats chiffrés sur leurs travaux. Le feront-elles en 2012 ?

Quant à la menace des fameuses listes de l'OCDE, trois ans après le G20 de Londres, elle n'existe plus. Plus de 700 conventions internationales d'échanges d'informations financières ont été signées, permettant à presque tous les territoires non coopératifs de s'affranchir. Mais cette menace a-t-elle seulement existé, tant il a été facile pour les membres des listes de l'OCDE d'en sortir ?

Parmi les exemples récents, le 30 juin 2011, la France et le Panama, membre de la liste grise, signaient un accord de convention fiscale. Trois mois plus tard, la commission des Finances du Sénat refusait d'entériner le projet de loi, jugeant cet accord prématuré au regard de l'état actuel de la législation panaméenne qui n'autorise pas un réel échange d'informations fiscales. Point également relevé par la ministre du Budget, Valérie Pécresse. S'agit-il d'une exception diplomatique, qui accepte d'anticiper largement à l'avance les mesures qui vont faire évoluer la législation panaméenne ?

Enfin, on peut se demander pourquoi certains territoires n'apparaissent pas dans les listes de l'OCDE ? Par exemple, une juridiction comme le Delaware (États-Unis), pourtant connue et reconnue pour sa fiscalité si particulière, n'est pas officiellement identifiée comme un paradis fiscal. Elle offre, pourtant, aux entreprises qui s'y installent une non-taxation de leurs profits provenant de leurs activités réalisées en dehors de ses frontières.

Dans ces conditions, existe-t-il une réelle volonté internationale de la part des Etats de supprimer, voire de réduire l'influence des paradis fiscaux ?

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