A Davos, l’IA en bouée de sauvetage du capitalisme

CHRONIQUE L'ŒIL DE L'ÉCO — Retour sur la hype de l'intelligence artificielle qui a occupé le devant de la scène au Forum économique mondial qui vient de s'achever à Davos. Avec des espoirs de progrès et de croissance mais aussi des inquiétudes croissantes pour l'avenir du travail et nos emplois.
Philippe Mabille
World Economic Forum 2024
World Economic Forum 2024 (Crédits : DENIS BALIBOUSE)

L'intelligence artificielle a été la véritable star de la 54ème édition du forum économique mondial qui vient de s'achever à Davos. Plus que les tensions politiques et géopolitiques, avec l'élection présidentielle américaine en ligne de mire, les dirigeants venus en nombre dans la petite station des Grisons suisses, ont surtout été impressionnés par les progrès fulgurants de l'IA générative, à l'image de ChatGPT (GPT pour Generative Pre-trained Transformers) dont la version 5 devrait sortir sous peu. A Davos, la "hype" de l'IA était partout : dans la rue principale, elle habillait les commerces investis par les géants de la tech et elle a envahi les débats, grâce à la présence de Sam Altman. 

Invité vedette de Davos, le patron d'OpenAI n'a pas caché que son ambition de développer une IA Générale - qui permettra de créer des machines d'une intelligence comparable à celle des humains avec des capacités de calcul bien supérieures- n'est pas une perspective si lointaine. « Je pense qu'un jour, nous créerons quelque chose qui sera considéré comme de l'IA générale, selon la définition floue que vous voulez. Le monde aura une crise de panique de deux semaines, puis chacun reprendra le cours de sa vie normale ». Sam Altman le reconnaît : « on ne peut pas savoir avec certitude ce que l'IA va provoquer comme changements à l'avenir ».

Face à cette disruption du capitalisme, « c'est la responsabilité des dirigeants que de préparer leurs salariés à un effort considérable de formation », explique Gianmarco Monsellato, l'un des principaux dirigeants de Deloitte, le premier cabinet mondial d'audit et de conseil. Mais si les transformations promises par l'IA sont certaines, « cette révolution prendra plus de temps qu'on ne le pense », selon lui, car après l'engouement sur l'IA va succéder « une période de déception, le temps que l'on découvre les cas d'usage concrets ». L'IA générative a de fait encore beaucoup de chemin à parcourir pour devenir une technologie mature. Très coûteuse en énergie, encore peu fiable en raison des « hallucinations » rencontrées dans certains résultats, elle va devoir se professionnaliser et reposer sur des données de meilleure qualité. Mais une chose est sûre : elle devrait engendrer des gains de productivité énormes, évalués à l'échelle mondiale à 4000 milliards de dollars par IBM. De quoi donner un coup de booster à la croissance, mais avec de vrais inquiétudes pour certains emplois. Selon Goldman Sachs, près de 300 millions pourraient disparaître dans le monde.

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De fait, selon un sondage réalisé par PwC auprès des PDG de 5000 entreprises dans 105 pays, près d'un quart des patrons interrogés s'attendent à couper dans leurs effectifs dès cette année, du fait des gains de productivité énormes attendus de l'IA. Et ce dans tous les secteurs, des médias à l'industrie, et tous les métiers aux tâches automatisables. Dans un monde déstabilisé par les tensions géopolitiques, les progrès vertigineux de cette technologie leur apparaît comme une bouée de sauvetage pour maintenir les profits face à une croissance ramollie. Tous les dirigeants présents au forum économique mondial l'ont dit : la course à l'IA est engagée et les pays, comme les entreprises, qui seront en retard courent le risque de disparaître.

Même le Premier ministre chinois a pointé à Davos les dangers de l'IA, parlant d'une « arme à double tranchant ». Selon Li Qiang, il y a « des lignes rouges à ne pas franchir » en matière d'éthique et de sécurité. A Davos, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres a confié que le président chinois Xi Jinping l'avait approché pour lui demander de réguler l'intelligence artificielle au niveau mondial. Un comble de la part d'un pays qui pratique le contrôle social et la reconnaissance faciale. Mais, alors que l'Europe vient de poser la première des limites avec son IA Act, le dirigeant chinois pose bien le problème. Qui doit fixer les règles ? L'intelligence artificielle entre-t-elle dans le cadre du multilatéralisme ou bien va-t-on assister à un véritable far-west digital avec des IA différentes selon les pays et les cultures ? Ce point n'a pas été tranché à Davos mais figure au premier rang de l'agenda des années à venir.

Pour en savoir plus, retrouvez sur latribune.fr nos meilleures analyses sur l'IA. Cette semaine, notre spécialiste, François Manens, a fait une recension des progrès inédits de l'IA Generative et des espoirs attendus en 2024, avec l'arrivée dans nos smartphones et nos ordinateurs de nouveaux outils qui vont changer nos vies et nos façons de travailler. Et face à la bataille entre Microsoft avec OpenAI et Google, il analyse le grand retour de Meta (ex-Facebook) qui après les errements de Mark Zuckerberg dans le Metavers veut devenir le numéro 1 de l'IA, rien que ça.
 
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Philippe Mabille, directeur de la rédaction

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Commentaires 5
à écrit le 22/01/2024 à 5:36
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Citoyen blase vous commencez bien mal l'annee. Pretendre que vous vous trompez "rarement" est un euphemisme. Vous n'annoncez a longueur de temps que des poncifs elimes. Changez de partition svp.

le 22/01/2024 à 9:05
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cela se comprend fort bien nos dirigeants ont effectuer beaucoup trop d'erreurs alors ils sont oblige de prendre leur idee avec l'ia ce qui explique que tous ont la meme vision du monde et ceux qui ose transgresser sont l'objet de toute les foudre...

à écrit le 21/01/2024 à 19:38
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Si l'IA existait vraiment, il annulerait non pas le capitalism, mais l'ultralibéralisme, dont le meilleur exemple sont des traders cupides, qui pillent le monde

le 22/01/2024 à 10:15
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Oui mais le père du néolibéralisme est bien le capitalisme incapable de générer du libéralisme. Donc c'est bel et bien en amont qu'est le problème et le problème est le capitalisme. Soit on génère de suite du libéralisme à fond, soit nous sommes dans...

à écrit le 21/01/2024 à 9:18
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Vous savez que je me trompe peu et c'est bien pour ça que vous validez mes commentaires pourtant particulièrement contrariants vis à vis de la classe dirigeante. Le but étant d'essayer de secouer le corps voir s'il est toujours vivant et soyons franc...

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