Aïe aïe aïe, l’IA déraille !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. On approche de l'épilogue dans la crise des retraites. L'avenir s'annonce plus sombre pour ChatGPT avec un coup d'arrêt à la progression fulgurante de l'intelligence artificielle.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

« Comment saboter un pipeline » ? Emmanuel Macron a-t-il lu le petit livre d'Andreas Malm où le chercheur vedette des écolos suédois -inspirateur des dégonfleurs de pneus de SUV en ville- défend et justifie la radicalisation des modes d'action contre le changement climatique ? La fermeté de la réponse de l'Etat aux violentes manifestations anti-bassines montre en tout une bascule dans ce qui pourrait ressembler à une forme d'éco-terrorisme. La montée de la révolte d'une partie de la jeunesse contre une agriculture intensive jugée écocidaire interpelle.

Face à ce qui commence à ressembler à une « guerre de l'eau », selon l'expression de l'écologiste Sandrine Rousseau, le chef de l'Etat a voulu montrer que les réformes continuent, envers et contre tout, en annonçant des mesures fortes pour économiser l'eau. Hélas, il ne suffit pas de dire que la France va passer de 1% à 10% d'utilisation des eaux usées (c'est plus de 15% en Espagne) pour convaincre les agriculteurs d'arroser les cultures avec de l'eau de pipi... Dans le brouhaha du moment, la parole du chef de l'Etat a dû mal à percer.

A défaut d'être un lecteur d'Andreas Malm, Macron a en tout cas bien écrit le scénario d'un autre film, que l'on pourrait intituler « comment saboter une réforme des retraites » ! Certes, la loi va probablement passer, à moins d'une censure globale par le Conseil Constitutionnel, mais elle va mal passer et laisser une amertume au mieux et un goût de cendres et de poubelles au pire à une société du travail profondément meurtrie. La première ministre qui reçoit mercredi 5 avril l'intersyndicale et les organisations patronales à la veille d'une nouvelle mobilisation parviendra-t-elle à renouer les fils du dialogue ? Avec une CGT chauffée à blanc par son congrès, d'où est sortie l'élection surprise de la première femme secrétaire générale, une petite révolution, ce n'est pas gagné.

Sophie Binet, réputée plus modérée que Philippe Martinez, a affiché la couleur : « il n'y aura pas de trêve » sans retrait de la réforme. Exit l'espoir de Laurent Berger d'une pause et d'une médiation avant la décision du Conseil Constitutionnel. Médiation de toutes les façons refusée par Emmanuel Macron. Le président, qui avait autrefois l'espoir de se débarrasser des syndicats, a raté son coup : les adhésions affluent à la CGT et à la CFDT. Et la popularité de Laurent Berger atteint des sommets (selon Odoxa, 58% des Français ont une bonne opinion du leader de la CFDT soit +20 points par rapport à janvier) tandis que celle du chef de l'Etat s'enfonce...

La situation étant bloquée, nous voilà condamnés à attendre de voir la fumée blanche ou noire sortir du beau bureau de Laurent Fabius au Palais Royal. L'ancien Premier ministre socialiste, qui dit-on ne porte pas plus Emmanuel Macron dans son cœur que le président de la République n'apprécie Laurent Berger, pèsera-t-il pour que le Conseil censure une procédure parlementaire insincère du fait de l'usage abusif des articles 47.1, 44.3 et finalement 49.3 ? C'en serait fini des 64 ans et pacifierait le pays à la veille des vacances de printemps. A moins que l'esprit de Pâques ne souffle sur la France pour ramener le calme, effet parfois positif aussi des périodes de congés. Dans un pays épuisé par trois mois de tensions et de colère, la perspective d'une accalmie printanière n'est pas de refus. La solution à la crise a été donnée par Emmanuel Macron lui-même : dans un entretien à Pif Le Mag, l'ancien journal de la jeunesse créé par le parti communiste en 1948 et repris par un ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Frédéric Lefebvre, le chef de l'Etat évoque un scénario à la « de Gaulle 1969 » : en cas de crise grave, il pourrait remettre en jeu son mandat devant les électeurs. Macron démission ? La série « Baron noir » pourrait en faire une nouvelle saison...

Tant qu'on est dans la science-fiction, impossible d'achever ce résumé de la semaine sans évoquer, la polémique sur les dangers de ChatGPT et de l'IA générative. Le premier domino est tombé en Italie où l'équivalent de notre Cnil vient de sommer Microsoft de respecter les règles RGPD. Et donc de facto de bannir l'utilisation de GPT4. Une décision qui vient ponctuer une montée du débat sur le risque d'une perte de contrôle de cette technologie avec l'appel de plus de 100 personnalités de la Tech, dont Elon Musk à un moratoire de six mois en raison d'une « menace existentielle » pour l'humanité.

Nous vivons comme une répétition de l'histoire. Après avoir succombé aux Gafam, l'Europe est menacée d'une ultra-domination par une IA possédée et créée par les Américains. Mais, cette fois c'est différent, car un bloc de régulation comme le RGPD, mais aussi bientôt, un Data Act et un IA Act, sont en préparation pour rééquilibrer le marché. Certains ne verront dans ce moratoire qu'un vœu pieux, car rien n'arrêtera les progrès de la « machine », notamment dans le nouveau bloc anti-occidental composé par la nouvelle alliance de la Russie et de la Chine. On se souvient de la formule de Vladimir Poutine qui date de 1017, bien avant la guerre en Ukraine : celui qui deviendra le leader dans ce domaine de l'intelligence artificielle sera le maître du monde ».

Le futur, nous en parlerons au Grand Rex jeudi 6 avril avec les meilleurs experts réunis par la rédaction de La Tribune, il est encore temps ce weekend de vous inscrire au forum Tech For Future que nous organisons. Nous y recevrons le ministre chargé du numérique, Jean-Noël Barrot, la présidente de la CNIL, Marie-Laure Denis, Frédéric Mazzella, Laurence Devillers, Marie Ekeland et de nombreux autres acteurs et actrices de la scène tech française autour des grands défis de la France et de l'Europe face au numérique. Et en clôture, la dixième édition de notre grand concours « 10.000 startups pour changer le monde » avec l'annonce des lauréats 2023. Le programme ici et le site d'inscription ici. Il reste des places...

Philippe Mabille, Directeur de la rédaction

Twitter @phmabille

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