Ô Macron, suspends ton vol  !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Emmanuel Macron en pleine décantation, prépare les législatives et cherche un Premier ministre d'ouverture à gauche. Jean-Luc Mélenchon s'y verrait bien pour un mai 1981 à la sauce juin 2022. Le Président réélu tente de souder autour de son nouveau parti Renaissance une majorité à son image.
Philippe Mabille
(Crédits : Reuters)

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En amour comme en affaires, il ne faut jamais se précipiter... En politique non plus apparemment. A peine réélu et réinvesti pour un nouveau quinquennat ce samedi, Emmanuel Macron a décidé de prendre son temps. Un temps de décantation, comme pour le bon vin ? Il faut dire que la campagne a été longue et intense (sic), c'est le temps du repos pour le guerrier. Après tout, pourquoi se presser. En Allemagne, il a fallu plus de 2 mois entre le vote du 26 septembre 2021 et l'investiture du nouveau Chancelier social-démocrate Olaf Scholz à la tête d'une nouvelle coalition inédite SPD-Grünen-FDP. Un temps passé à négocier un projet commun, pendant lequel Angela Merkel a continué à gérer les affaires courantes sans que cela ne gêne personne.

Et si Emmanuel Macron s'inspirait de la démocratie allemande, lui qui dit vouloir « inventer quelque chose de nouveau pour rassembler ». Pour l'heure, la France n'en prend pas le chemin, et le tripartisme des extrêmes (de gauche, du centre et de droite) fait de la politique française une morne plaine et un champ de bataille. Marine Le Pen, la finaliste, attend qu'Emmanuel Macron affiche la couleur, nomme son nouveau gouvernement, pour prendre la tête du camp national identitaire et mener elle-même la campagne des législatives. Elle peut prendre quelques jours de repos, Jean Castex restera à Matignon « jusqu'au 13 mai, au moins », a expliqué le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

Jean-Luc Mélenchon, lui, n'a pas attendu pour faire le grand ménage à gauche, en réalisant une OPA sur le PS, le PC et les Verts pour former la NUPES, la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale. Son affiche de campagne : « élisez-moi Premier ministre » est tout un programme, sauf qu'il est peu probable que ses alliés de circonstance, qui, pris à la gorge, se vendent pour un plat de lentilles, le soutiennent avec sincérité sur un projet aussi radical, la preuve par l'explosion du PS. Alors que Manuel Valls se présente sous les couleurs du nouveau parti présidentiel baptisé Renaissance, que Bernard Cazeneuve déchire sa carte du parti, l'ex candidate Anne Hidalgo laisse faire (mais n'en pense sans doute pas moins), retranchée dans sa bonne ville de Paris.

Sous ces décombres encore fumantes, d'autres se préparent à aller à la soupe aussi du côté de LR, alors que Macron, à la recherche d'un parti unique introuvable, enregistre en bon notaire de province les offres de service, raconte Marc Endeweld, qui cite Catherine Nay : « Macron, c'est un allumeur, mais qui ne conclut jamais »...

Bref, le président réélu, qui a cru bon de dire à ses électeurs du second tour un « je suis votre obligé », n'a pas vraiment changé de méthode : il joue avec les nerfs des uns et des autres pour se faire des « obligés » qui ne lui feront pas d'ombre. Les tensions sont palpables avec le parti Horizons de son ex Premier ministre Edouard Philippe et homme politique le plus populaire de France qui n'a obtenu que 58 circonscriptions.

La situation politique française ne manque pas de piquant : un président autrefois socialiste cherche une femme de gauche et écolo pour diriger un gouvernement chargé de mener des réformes sociales de droite, avec une activation XXL du RSA, un report à 64 voire 65 ans de l'âge de départ à la retraite et qui, en même temps, mène une « planification écologique » ambitieuse pour tenir les engagements climatiques pris par la France. Le tout en pleine troisième guerre mondiale et dans un pays où une étincelle suffirait à rallumer le feu social, et dont le ministre des finances, Bruno Le Maire, annonce que pour l'économie française, « le plus dur est à venir ».

Bon courage à la candidate. Autant supprimer le poste de Premier ministre et nommer à la place le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler. En attendant que le PS en déconfiture résolve sa fracture idéologique dans un Congrès de Tours ou d'Epinay, Jean-Luc Mélenchon pousse son avantage et propose rien de moins qu'un nouveau mai 1981 avec revalorisation du SMIC et nationalisation des banques.

Le temps suspend son vol aussi en Ukraine où la guerre s'enlise sur le front du Donbass ce qui inquiète l'OTAN à l'approche de la date du 9 mai, anniversaire de la victoire de l'URSS sur le nazisme et du défilé militaire sur la Place Rouge. Le scénario le plus dangereux est celui d'un Vladimir Poutine humilié qui a désespérément besoin d'une victoire, au risque de l'utilisation de l'arme atomique.

Mais rassurons-nous. La banque centrale américaine a tiré la première le feu nucléaire sur les marchés en relevant d'un demi-point ses taux d'intérêt et mis la pression sur la Banque centrale européenne qui prend son temps mais va finir par devoir agirSans trop faire de mal pour l'instant aux marchés financiers, qui s'apprêtent à traverser un printemps agité. « Le monde est à l'aube d'un des plus importants changements depuis 30 ans », affirme le patron du fonds souverain norvégien. Il se divisera entre ceux qui réussiront à faire la transition écologique et ceux qui ne la feront pas et seront sanctionnés pour cela en trouvant plus de financements.

Quant aux banques, la remontée des taux n'est pas une mauvaise nouvelle pour elles et au vu des excellents résultats de BNP Paribas, de Société Générale ou de Crédit Agricole, analysés par Eric Benhamou, leur éventuelle nationalisation coûtera cher....

Terminons la chronique de cette semaine sur une note positive : les Européens se préparent à passer de bonnes vacances en juillet et août : comme l'écrit notre expert aérien Léo Barnierl'été sera beau et chaud (célèbre contrepèterie belge) pour les compagnies aériennes, si l'on en juge par les prévisions de réservations d'Air France-KLM ou de Lufthansa.

Philippe Mabille

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Commentaires 8
à écrit le 08/05/2022 à 22:25
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S'il n'a pas de majorité aux législatives, ce qui est très probable même avec une coalition, son quinquennat risque d'être englué par les commissions parlementaires comme nous avons pu le voir avec l'affaire Mc Kinsey. Les affaires ne manquent pas, c...

à écrit le 08/05/2022 à 20:18
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Quand nous assistons à la restriction des libertés faite aux femmes en Afghanistan, la gauche se demande encore pourquoi elle a perdue. Mais c'est bien en essayant de théoriser la burqua ou le port du voile que l'on peut constater à quel point la gau...

à écrit le 08/05/2022 à 9:15
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"cherche un Premier ministre d'ouverture à gauche" BHL BHL. BHL ! Non mais qu'au moins on rigole ! ^^

à écrit le 07/05/2022 à 9:19
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Élu en 2017 puis réélu en 2022 face à l’extrême droite au deuxième tour, Emmanuel Macron est un « sous Président » qui a réussi à s’imposer en tuant les autres partis modérés de droite et de gauche dont beaucoup de personnalités sont bêtement venues ...

le 07/05/2022 à 13:12
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non m macron vous n'avez pas gagner vous etes simplement elu president des francais et a ce titre votre devoir et l'unite du pays pas le desordre comme lors du precedent mandat et proteger le peuple de france meme des pays de l'europe proteger s...

le 07/05/2022 à 22:41
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@Ludwig : au fait ce que vous voulez c'est qu'il ne fasse rien comme Chirac. Donc aucune réforme.Renvoyons toujours aux calendes grecques les réformes nécessaires. Vous avez une conception très personnelle du rôle du président. Ce pays doit être réfo...

le 09/05/2022 à 8:29
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il a le fonctionnement de l'etat a reformer et ce n'est pas les retraites qui vont changer la france ce sont les taxes et les charges des entreprises et la justice et la securite en 5 ans il a realise rien de rien ou si peut des illusions de refo...

à écrit le 07/05/2022 à 8:39
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Ne recherche t'il pas plutôt un 1er ministre a sacrifier en cas de problème? C'est la question!

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