Plan auto : ce que Chatel a écrit à Kroes pour s'expliquer

Dans une lettre à la Commission européenne, le porte-parole du gouvernement s'est livré à un exercice de rétropédalage en règle suite à sa sortie sur le "rapatriement" par Renault d'emplois slovènes vers le site de Flins.

Souvenez vous. C'était le 20 mars. Ce matin-là, Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, informe en exclusivité les auditeurs d'Europe 1 que "

le groupe Renault va annoncer le rapatriement d'un véhicule qui était jusqu'à présent réalisé hors de France dans l'usine de Flins

".

L'animateur Marc-Olivier Fogiel se demande s'il a bien entendu.  "

Vous nous annoncez la relocalisation de Renault en France?

", demande-t-il.

Et le ministre de confirmer : "

Oui, le groupe Renault est conscient qu'aujourd'hui il y a un effort très important en matière de compétitivité de leur industrie automobile. Et bien concrètement, cela se traduit par une réorganisationde la production

".

Fogiel insiste : "

Donc concrètement, cela veut dire qu'il y avait des voitures françaises produites à l'étranger qui vont être maintenant produites en France?

".

Et le secrétaire d'Etat de confirmer: "

la réponse est oui

".

Il laissait ainsi entendre, au lendemain des manifestations monstre du 19 mars, que la relocalisation en France des emplois du groupe Renault en Europe était une bonne nouvelle et même qu'elle était le signe de la réussite de la stratégie de relance du gouvernement.

La commissaire européenne à la concurrence Neelie Kroes n'en crut pas ses oreilles et lui demanda sans tarder des explications. Trois semaines plus tôt, le même Luc Châtel ne lui avait-il pas promis qu'il n'y avait précisément aucune conditionnalité de localisation de l'activité aux aides à l'automobile? Et ce même 20 mars, Nicolas Sarkozy et ses 26 homologues européens réunis à Bruxelles ne s'apprêtaient-ils pas à déclarer que - je cite les conclusions du Conseil européen - "

le marché unique jouait un rôle capital pour ce qui est de réduire la durée de la récession en Europe et d'en atténuer l'intensité

"? Il y avait là pour le moins une contradiction.

On connaît désormais le fin mot de l'histoire. En fait, la langue de Luc Chatel avait  fourché.

Voici, en substance, la réponse qu'il a adressé il y a quelques jours à Neelie Kroes :

1) les aides apportées au secteur automobile par la France ne comportent aucune contrepartie de localisation ou de relocalisation des activités sur le territoire national,

2) les décisions de Renault sont motivées par des considérations commerciales liées au fait que l'usine de Flins avait déjà le savoir faire technique et l'équipement pour fabriquer la Clio,

3) et enfin, le clou : "

aucun emploi slovène n'est affecté par la réactivation de la Clio 2 à Flins

".

Commentaire du porte-parole de Neelie Kroes  :

"

la Commission a eu raison de demander des clarifications auprès des autorités françaises suite à ces déclarations qui laissaient penser que le plan d'aide à l'industrie automobile comportait des conditions de rapatriement des emplois

".

Et d'ajouter :

"

la Commission est contente de constater que cette décision était motivée par des raisons commerciales liées à une augmentation de demande suite aux primes à la casse introduites dans plusieurs pays européens

".

Qu'en termes diplomatiques ces choses là sont dites.

La triste conclusion de cette histoire est que Luc Chatel, sous la pression des manifestations, a jugé utile de faire vibrer la fibre nationaliste plutôt que de dire la vérité toute simple.

Cette vérité, comme il l'écrit lui-même, est que la création de 400 emplois à Flins, comme l'a dit et répété Renault, ne correspond pas à des transferts d'emplois depuis un autre pays de l'Union européenne. Elle est que ces 400 emplois sont imputables aux primes financées par les contribuables allemands, italiens, français, etc. Elle est que Renault tire les fruits de son positionnement sur le marché des voitures peu polluantes.

Imaginons un instant que le ministre de l'économie allemand ait laissé entendre que les primes à la casse accordées aux automobilistes allemands aient été destinées à soutenir uniquement la production automobile en Allemagne et que donc elles ne pouvaient financer l'achat de Clio produites à Flins ou même à Novo Mesto...

On peut imaginer meilleure publicité au "retour du politique" si bruyamment célébré.

F.A.

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