Macron, de moins en moins "en même temps" ?

OPINION. Il y a urgence pour le Président à retrouver une cohérence, en actant, par la force des choses, le volet « social » du quinquennat ou en confortant sa place au centre et au centre-droit. Par Jean-Michel Arnaud, Vice-président de Publicis Consultants et Directeur des publications de l'Abécédaire des institutions.
Jean-Michel Arnaud.
Jean-Michel Arnaud. (Crédits : DR)

Plus les mois avancent, plus la ligne centrale, sinon centriste, que le pouvoir macronien s'était fixée semble difficile à tenir. La création du groupe « Ecologie, démocratie, solidarité », rassemblant les déçus de gauche du macronisme à l'Assemblée nationale, l'illustre très bien : les marcheurs historiques, au Parlement et dans le parti, ne sont plus en phase avec l'électorat du Président qui s'est maintenant largement déporté vers la droite. Le problème reste de savoir si Emmanuel Macron doit acter ce changement de trajectoire ou bien rester fidèle au « en même temps » originel. Les récents événements apportent un éclairage nouveau sur cette question.

Emmanuel Macron avait assez habilement manœuvré lors du mouvement des Gilets Jaunes. Tout en lâchant du lest sur le social et en jouant la carte participative, comme une partie de ses troupes le demandait, il avait su incarner l'ordre républicain pour ne pas se dégarnir sur sa droite. Les élections européennes ont validé cette stratégie qui a permis de limiter la casse, mais elles ont aussi acté le départ des électeurs de gauche des terres du macronisme et leur remplacement par ceux issus de la droite modérée. La réforme des retraites, prenant finalement en compte l'équilibre financier du système, a conforté ce phénomène.

C'est justement sur cet aspect, réformes et budget, que la crise du coronavirus vient tout remettre en cause. Ses conséquences économiques profondes, imposent, au moins temporairement, un virage à 180 degrés. La dette n'est plus un problème et les réformes épineuses sont reportées aux calendes grecques. C'était sans doute la seule chose à faire à court-terme, la question est de savoir comment insérer ce tournant dans une réflexion plus large sur la dernière partie de mandat et la stratégie à adopter pour préparer au mieux l'élection présidentielle de 2022. Le dilemme revient donc, à l'identique : faut-il renouer rapidement avec le sérieux pour donner des gages à la droite, ou embrasser le « nouveau monde » et s'appuyer encore sur l'autre jambe de sa majorité, l'électorat urbain de gauche, qui a fait sa victoire en 2017 ?

Coup de barre à gauche?

On ne peut exclure, et on ne peut qu'espérer, qu'Emmanuel Macron profite de la crise pour définir des nouveaux objectifs, réalistes mais qui répondent à l'urgence environnementale, sociale et économique. Ce coup de barre à gauche correspondrait sans doute aux attentes de l'opinion, soutenue par la puissance médiatique, et permettrait de « trianguler » les oppositions. Mais pour qu'un tel repositionnement soit efficace, il devrait apparaître sincère. Les alliances faites avec la droite au niveau local pour le second tour des élections municipales, comme à Bordeaux, Lyon ou Strasbourg, dans le but avoué de barrer la route des mairies aux candidats écologistes, ne vont clairement pas dans ce sens. Cette situation est au moins autant le fruit de la recomposition de l'électorat macroniste que du fort rejet que suscitent les listes de la majorité à gauche.

Assumer un déport de la majorité vers la droite ne serait pas sans risque non plus. En plus de mettre à l'épreuve les troupes présidentielles, elle supposerait de continuer à donner des gages à cet électorat. Or, ce terrain promet d'être difficile dans la période qui s'annonce. Le sérieux budgétaire et les réformes n'offraient pas de prise facile à une droite qui a toujours fait de ces thématiques ses totems. Le relâchement généralisé qui s'annonce devrait lui permettre de rejouer sa partition favorite. Le débat sur les violences policières est aussi l'occasion de reprendre position sur des sujets sur lesquels elle est bien plus à l'aise que la majorité.

Le risque d'une "Hollandisation"

A deux ans de la fin de son mandat, le risque est grand d'une « Hollandisation » pour Emmanuel Macron : accusé de trahison par sa gauche sans pouvoir autant convaincre à droite. Mais nous n'en sommes pas encore là. Il y a néanmoins urgence pour le Président à retrouver une cohérence, en actant, par la force des choses, le volet « social » du quinquennat ou en confortant sa place au centre et au centre-droit. Les événements de ces prochaines semaines seront riches d'enseignement. Les résultats dans les grandes villes où la majorité s'est alliée à la droite confirmeront si la greffe à bien pris dans l'opinion. C'est un test capital, tant l'électorat urbain est crucial pour Emmanuel Macron. Quant au remaniement, il nous en dira un peu plus sur ses intentions. Va-t-il conserver Edouard Philippe dont la popularité, surtout à droite, ne faiblit pas, ou le remplacera-t-il par un nouveau Premier ministre issu de l'autre bord ? La réaction d'Edouard Philippe sera, dans tous les cas, intéressante à observer, il pourrait lui-même vouloir s'émanciper d'Emmanuel Macron à ce stade pour préparer l'après, comme tant d'autres l'ont fait avec plus ou moins de succès ... Le moment décisif du mandat est peut-être là.

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Commentaires 6
à écrit le 23/06/2020 à 15:59
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Non au contraire, il est de plus en plus "en même temps". Avant, du temps de la simple cacophonie les "en même temps" se suivaient tranquillement les uns les autres, on arrivait a suivre, maintenant les "en même temps" se bousculent, s'accumulent , s...

à écrit le 23/06/2020 à 11:13
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Quand deux choses sont faites en même temps, nous savons tous qu'elles seront mal faites! Tout ce que l'on a retenue c'est qu'il fait tout en même temps, ce qui n'amène qu'a la catastrophe...!

à écrit le 22/06/2020 à 11:54
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C'est clair pour à peu près tout le monde, il est ni de gauche ni de gauche, comme avant lui Giscard et ses "deux Français sur trois".

à écrit le 22/06/2020 à 11:15
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Comme d'autres avant lui en fin de mandat, Macron est sur un faux rythme. La partition est écrite, mais elle est mal jouée, voire pas jouée du tout. Voici venu le temps des "combines", des alliances douteuses, des pressions... mafieuses ? Bref, la ro...

à écrit le 22/06/2020 à 10:22
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Une question n'est pas une "information" mais un lancement de rumeur, il attend simplement les consignes venue d'en "haut"!

à écrit le 22/06/2020 à 9:44
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Le problème majeur de notre président est que sa faiblesse politique total du fait de sa seule servilité vis à vis des marchés financiers le contraignent à parler beaucoup, à nous inonder de bonnes paroles et autres promesses et intentions sans les t...

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