Pour une neutralité carbone ambitieuse et réaliste

OPINION. Atteindre la neutralité carbone s'est très vite imposé comme un enjeu central de la transition environnementale pour limiter le réchauffement climatique. Cet objectif impose aux entreprises d'agir rapidement, avec une stratégie à la hauteur du défi, des orientations claires et des solutions efficaces. (*) Par Thibault Ben Khelil et Camille Poutrin, experts de la réduction de l'empreinte carbone des organisations chez le cabinet GreenFlex.
Réduction des besoins, efficacité énergétique, achats bas carbone et écoconception sont autant de solutions à prioriser pour réduire drastiquement son impact.
Réduction des besoins, efficacité énergétique, achats bas carbone et écoconception sont autant de solutions à prioriser pour réduire drastiquement son impact. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

De notion perçue comme abstraite, la neutralité carbone est devenue un véritable objectif et joue désormais un rôle central dans la stratégie des États pour lutter contre le réchauffement climatique. Ainsi, nombreux sont les pays dont nous pouvons saluer l'engagement et l'intention de participer à cet effort collectif, géants asiatiques et États-Unis par exemple, où l'élection de Joe Biden ouvre de nouvelles perspectives.

Si ces premiers pas sont encourageants, ils doivent aller de pair avec le déploiement rapide de solutions efficaces: l'urgence climatique, et les crises sociétales qui en découlent, ne se soucient guère des déclarations médiatiques. Dans tous ces pays, entreprises et territoires sont la clé de voûte du succès de ce nécessaire changement de trajectoire. Une prise de conscience s'établit mais reste encore trop peu accompagnée d'actions concrètes, quand elle n'est pas simplement noyée dans des déclarations aventureuses frôlant le greenwashing.

La nécessité d'inclure les émissions indirectes

Pour une entreprise, contribuer de façon ambitieuse et réaliste à la neutralité carbone mondiale est pourtant possible, à condition de satisfaire trois critères incontournables, le premier étant de définir une ambition qui intègre toutes ses émissions indirectes, au-delà donc des émissions de ses opérations. En effet, nombre d'entreprises ne s'engagent vers la neutralité que sur leurs émissions directes et l'énergie qu'elles achètent, c'est-à-dire sur un périmètre qui se limite à leurs sites, usines ou magasins par exemple. L'amont et l'aval des activités sont ainsi souvent mis de côté alors que leur impact est majeur: souvent 5, 10 ou 30 fois plus que les émissions directes.

Un exemple parlant est celui de l'avion « neutre en carbone », qui revient régulièrement dans l'actualité mais qui sera, en réalité, loin d'être neutre: les émissions à la queue du réacteur prises comme référence dans cette formulation ne sont pas à confondre avec les émissions totales, qui comprennent, entre autres, la conception et fabrication de l'avion, la production et l'acheminement du carburant "vert" ou encore les traînées de condensation qui augmentent l'effet de serre. C'est le principe du sac à dos écologique.

La sobriété, une priorité

Pour rester dans l'objectif des 1,5°C, il nous faut réduire de 85 % les émissions globales liées à l'industrie et à la consommation d'énergies fossiles. Nombre d'entreprises ne jurent aujourd'hui que par la compensation de leurs émissions, pourtant, la neutralité carbone par l'achat de crédits est tout simplement impossible. Pour compenser l'ensemble des émissions mondiales actuelles, il faudrait planter plus de nouvelles forêts qu'il n'y a de surface continentale disponible pour cela (donc non occupée par des villes, forêts ou des terres arables). Compenser ne peut donc pas être une fin en soi.

En plus de la prise en compte des émissions indirectes, la sobriété est donc le second critère incontournable, afin de ne pas considérer le financement de plantations d'arbres comme une solution miracle. Réduction des besoins, efficacité énergétique, achats bas carbone et écoconception sont autant de solutions à prioriser pour réduire drastiquement son impact et faire de la sobriété la priorité absolue. Cela nécessite donc de mobiliser des expertises multiples qui vont au-delà des enjeux carbone tout en y associant les moyens humains et financiers pour permettre la mise en place rapide d'actions concrètes. La compensation ne doit intervenir qu'en dernière étape.

Encourager des projets d'évitement ou de stockage carbone

Le 3ème critère d'une neutralité carbone ambitieuse et réaliste est d'opter pour une véritable implication dans des projets à impacts positifs. Une stratégie climat ambitieuse doit, après réduction drastique de ses propres émissions, encourager des projets d'évitement ou de stockage carbone. Il s'agit, par exemple, d'encourager les agriculteurs dans la mise en place de pratiques permettant de stocker du carbone dans les sols, d'accompagner la régénération des forêts voisines par le Label Bas Carbone, ou encore de soutenir des projets environnementaux ambitieux chez ses fournisseurs de matières premières. Ces projets proposent généralement une grande diversité de co-bénéfices écologiques et sociaux. De nombreux projets existent déjà et ont besoin de financement, labels et certifications en garantissent la pertinence.

2020 aura vu fleurir les engagements à atteindre la neutralité carbone de la part de nombreux acteurs économiques. Espérons que 2021 permettra de franchir une nouvelle étape en étant l'année des actions, des feuilles de route ambitieuses et réalistes pour une réduction franche et concrète de nos émissions à l'échelle planétaire.

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Thibault Ben Khelil, Directeur conseil carbone chez GreenFlex
Camille Poutrin, Experte carbone et bioéconomie chez GreenFlex

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Commentaire 1
à écrit le 05/03/2021 à 9:59
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Nous consommons beaucoup trop et mal voilà la deuxième source de pollution dans le monde après l'obscurantisme agroindustrielle.

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