
L'aventure aura globalement duré presque un an et demi et occupé une place médiatique croissante. Ce week-end, elle prend officiellement fin. La Convention citoyenne pour le climat (CCC), constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur demande du gouvernement, tiendra entre vendredi et dimanche sa huitième et ultime session. Les 150 citoyens tirés au sort parmi les Français, avec le mandat de "définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici 2030 par rapport à 1990", se réuniront en version purement digitale, afin de s'exprimer collectivement pour une dernière fois.
L'objectif de ces trois jours est précis: rendre un avis sur les réponses données par le gouvernement à 146 de ses propositions votées par la CCC le 21 juin 2020. Cette faculté était explicitement envisagée dans le mandat conféré à la Convention, et la large majorité des 150 citoyens a souhaité s'en prévaloir, souligne Thierry Pech, co-président du comité de gouvernance: 145 d'entre eux ont d'ailleurs prévu de participer à la dernière session.
Un avis portant sur l'ensemble des propositions du gouvernement
L'avis portera donc sur les 69 articles du principal texte de mise en oeuvre législative des propositions de la CCC: le projet de loi "portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets" (dit projet de "loi climat et résilience"), présenté en Conseil des ministres le 10 février, et que le Parlement a commencé à examiner. Mais pas seulement. L'avis inclura également les autres textes qui, selon le gouvernement, participent à la traduction législative des propositions de la CCC: le plan de relance économique, la loi de finances, de nombreux décrets, etc.
Trois groupes de questions seront notamment soumis aux citoyens. Ces derniers seront d'abord appelés à évaluer la réponse du gouvernement par rapport aux 47 objectifs, puis aux six grands thèmes (se déplacer, consommer, se loger, produire et travailler, se nourrir, Constitution et gouvernance) regroupant leurs propositions.
"Les interroger ainsi par groupe de propositions permettra de leur demander indirectement s'ils retrouvent dans les réponses du gouvernement la cohérence qu'ils avaient eux-mêmes recherchée", explique Thierry Pech.
La CCC devra ensuite répondre à quatre questions plus larges, portant sur son appréciation de la prise en compte par le gouvernement de ses propositions, sur la pertinence des décisions gouvernementales par rapport à l'objectif de diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre avant 2030 dans un esprit de justice sociale, sur l'utilité qu'a pu avoir la CCC dans la lutte contre le changement climatique en France, et sur l'apport des conventions citoyennes à la vie démocratique du pays.
Pas de déclaration commune finale
Pour "formuler un jugement éclairé", les citoyens pourront s'appuyer sur les analyses "objectives, factuelles et indépendantes de tout avis tiers" du Groupe d'appui et du Comité légistique de la CCC qui leur seront présentées vendredi et samedi matin, explique le comité de gouvernance. Ils se réuniront ensuite en groupes (sans pour autant reproduire les groupes de travail thématiques qui avaient structuré leurs travaux), puis en plénière, pour débattre. Le vote final sera exprimé de manière individuelle et secrète. Afin de permettre une gradation de l'appréciation, il prendra la forme de notations comprises entre 0 ("très insatisfait") et 10 ("très satisfait").
"Le rapport final permettra en outre d'exprimer non seulement la moyenne et la médiane des résultats, mais aussi leur distribution", et contiendra un compte-rendu des débats, précise Thierry Pech. En revanche, en raison des contraintes liées à la forme digitale de la session, il n'y aura pas de déclaration commune, regrette le co-président.
Un état d'esprit difficile à prévoir
Quant aux résultats du vote, "il est difficile à ce jour de deviner l'état d'esprit de la CCC", estime Thierry Pech. Certes, de nombreux membres ont participé à la consultation préalable sur la loi "climat et résilience" organisée par le gouvernement à l'automne. Mais ils se sont exprimés à titre purement individuel, en dehors de "l'intelligence collective" de la convention, rappelle-t-il. Une cinquantaine de membres de la CCC n'ont en outre participé à aucune réunion depuis l'été.
Il est également difficile de prévoir quel sera l'effet de cette dernière session sur les amendements des députés et des sénateurs sur le projet de loi. Si elle a été organisée avant les débats parlementaires, c'est justement afin de permettre "aux représentants de la Nation de dire le dernier mot", explique Thierry Pech.
Un leg acquis
Les membres du comité de gouvernance de la CCC sont toutefois convaincus que, quoi qu'il en soit, le leg de la convention est désormais acquis. Ne serait-ce que la multitude d'avis et d'appréciations rendus sur les propositions de la CCC, puis sur le projet de loi "climat et résilience", qui sont autant de preuves de l'impact de ses travaux, estime Thierry Pech. C'est aussi le cas de la "forte attention manifestée par les divers ministres concernés face à cet exercice de démocratie nouveau", ajoute Jean Grosset.
La forte mobilisation des citoyens pour cette dernière session, si longtemps après la première, montre aussi bien à quel point l'organisation de la CCC "a répondu à un besoin d'investissement sociétal", souligne Laurence Tubiana, co-présidente du comité de gouvernance. Le rapport rendu dimanche, "non seulement au profit du gouvernement, mais de l'ensemble de la société française", est censé enrichir encore ce leg.
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