"Il faut passer du G20 au G25 avec un pays pauvre représentant chaque continent"

Le fondateur de la Grameen Bank veut étendre le micro-crédit à l'ensemble du monde, via la création d'un fonds international de "social business", soutenu par des grandes entreprises internationales.
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Le Global Social Business Summit a réuni à Vienne, du 9 au 12 novembre, 500 entrepreneurs, financiers, représentants d'institutions gouvernementales, universitaires, étudiants, venus de 56 pays, autour du "social business ". Pourquoi ce "think tank" est-il intervenu une semaine après le G20 ?

Le monde traverse un moment clé de son histoire, l'euro une crise existentielle. Or, si l'Europe ne parvient pas à sauver l'euro, elle va entraîner l'économie mondiale dans la récession. Dans les pays de l'OCDE, le chômage avoisine les 10% en moyenne ; en Espagne, près d'un jeune sur deux est sans emploi, la Grèce suit la même tendance, alors que la France et le Portugal sont autour de 20%. Comment notre système qui, pourtant, génère énormément de richesse, en est-il arrivé là ? Est-ce ainsi que nous imaginions le monde libre ? Quel avenir proposons-nous aux jeunes ? C'est dramatique. Pour le G20, j'avais fait deux propositions, reprises par Nicolas Sarkozy. La première voulait que le G20 intègre le social dans ses discussions. La globalisation a un impact direct sur la vie quotidienne. On ne peut séparer l'économie du social. Ma deuxième proposition vise à la transformation du G20 en un G25 dans lequel, pour chaque continent, un pays pauvre siégerait à part entière. Car, si les nations les plus démunies ne sont pas invitées à la table des discussions, elles ne sont pas prises en considération. L'équilibre de la planète en dépend. Le président Sarkozy y est favorable. Nous sommes déjà en discussion avec le président Felipe Calderon pour le prochain G20 qui aura lieu à Mexico en juin 2012.

Que pensez-vous de la taxe sur les transactions financières ?

Elle est totalement légitime ; reste à savoir pour quelle utilisation. A son origine, la taxe Tobin était destinée à combattre la pauvreté, on a perdu de vue cet objectif. Ma proposition est de créer un fonds international de social business qui, parallèlement au FMI, sera destiné à trouver des solutions aux problèmes sociaux de pauvreté et de chômage. Géré comme une institution internationale, avec des correspondants locaux, en toute transparence, ce fonds ouvert à tous serait, sur le principe du microcrédit, destiné à financer des projets d'entreprises, en particulier ceux des jeunes. Pour lutter contre la pauvreté, ressortir les recettes du passé, en donnant des subventions à tel ou tel pays, ne donne pas des résultats probants. Il faut soutenir les initiatives individuelles. Il est urgent de mettre en place cette institution pour démontrer par des exemples concrets que le microcrédit à grande échelle est efficace. J'espère qu'on parviendra à créer ce fonds d'ici le prochain G20. Mais il faut bousculer les agendas.

Au printemps dernier, vous avez été accusé de détournement, puis blanchi mais écarté, pour des raisons politiques, de la Grameen Bank, où en êtes-vous ? Quelle est l'ambition du Grameen Creative Lab ?

J'ai créé la Grameen Bank en 1983, aujourd'hui, j'en suis totalement sorti. Au-delà de sa réussite, j'ai depuis des années développé un réseau d'entreprises de social business pour lutter contre la pauvreté au Bangladesh. Avec des groupes comme Danone, BASF, Schneider Electric, Uniqlo, Veolia, nous avons créé des joint-ventures pour apporter des solutions concrètes, répondre à des besoins d'énergie et lutter contre la malnutrition, par exemple. Toutes ces sociétés sont liées à moi car nous les avons créées ensemble, elles forment une communauté d'esprit. Le social business est devenu un mouvement, qui, bien au-delà du Bangladesh, se développe dans le monde entier. Faire du social business, c'est vouloir résoudre des problèmes, en réinvestissant les bénéfices pour amplifier la lutte contre la pauvreté.

Qu'attendez-vous de la France ?

Depuis que j'ai créé le social business, avec des groupes français, comme Danone, au premier chef, mais aussi Veolia, Schneider Electric, Crédit Agricolegricole, à leur initiative, nous avons développé des activités pour combattre la pauvreté au Bangladesh. Sur le plan politique, Nicolas Sarkozy m'a apporté son soutien. HEC a créé la première chaire de social business. La France peut jouer un rôle moteur dans la création d'une civilisation plus solidaire.

Les femmes jouent un rôle très important dans le développement du microcrédit ; pensez-vous que le XXIème siècle sera le siècle des femmes ?

Quand nous avons lancé le microcrédit en 1983, il était entendu que les femmes comme les hommes bénéficieraient à parts égales des prêts. Mais, de facto, elles se sont montrées les plus créatives. Aujourd'hui, sur 8,3 millions de bénéficiaires de prêts à la Grameen Bank, 8 millions sont des femmes. Mais, plus encore que le siècle des femmes, demain sera le siècle des jeunes. Parce qu'ils sont nés avec le "high tech", ont grandi avec l'iPhone, Facebook et Twitter, ils ont plus de potentiel pour passer à l'action. Tout va plus vite. Cette génération aime le challenge, ils cherchent à résoudre les problèmes. Ils ont les capacités de changer le monde. Qu'ils le fassent !

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