Comment trancher le noeud gordien du système des taxis

Les taxis doivent jouer la montée en gamme de leur service. Pour ce faire, une réforme du système de licence est indispensable. Par Marie-Xavière Wauquiez, consultante en Mobilité Durable, auteure de "Taxis, l'Avenir en 3D - durable,digital et darwinien".

Alors que Thomas Thévenoud et ses équipes  publient le rapport qui doit être présenté au nouveau premier Ministre, ex Ministre de tutelle des taxis, les médias bruissent de tribunes écrites plus ou moins récemment par des économistes chevronnés. Tous se penchent sur la question de la fameuse ADS, plus connue sous le nom de la licence, et de sa valeur.

Cette licence, accordée initialement de façon incessible, a acquis, suite à des maladresses législatives, disons-le, une valeur vénale dorénavant trop élevée pour être totalement honnête.

Pour avoir passé de très longues heures à interroger de nombreux acteurs de la profession, j'en suis arrivée à la conclusion que seules des mesures agissant de façon indirecte sur la valeur de la licence peuvent être mises en œuvre de façon efficace et surtout pérenne pour redonner à celle-ci une valeur raisonnable et cohérente.

Le mécanisme des licences est le même que celui de l'immobilier puisque c'est un investissement. Tant qu'on n'a pas vendu, on a rien perdu !

 Deux critères

Ces mesures doivent nécessairement remplir deux critères basiques :

- simples à appliquer : Cela sera le gage de leur efficacité

- faciles à comprendre : C'est que la condition sine qua non de leur acceptabilité par les acteurs en place, y compris de ceux situés au bout de la chaîne de valeur.

Quelles pourraient être ces quelques mesures ?

Trois mesures pour...

-Mesure n°1 : supprimer l'obligation de détenir une licence pendant 5 ans avant d'avoir le droit de la revendre. A l'origine, cette mesure était censée lutter contre la spéculation. Visiblement, cette disposition n'est pas efficace puisque, dans certaines grandes villes, la valeur de la licence avait, jusqu'il y a six mois environ, cru de façon exponentielle et totalement déconnectée de la réalité commerciale de la profession. Cette mesure permettrait de laisser sortir de cette activité ceux qui y ont récemment fait un investissement qu'ils regrettent déjà. Cela remettrait sur le marché un certain nombre de licences, ce qui ferait baisser leur prix pour un temps et contribuerait à apaiser certaines tensions

- Mesure n°2 : remonter drastiquement les exigences relatives aux conditions d'entrée dans la profession. La profession de taxis étant une profession d'intégration, cette condition ne doit pas en rapport avec une capacité financière mais avec une aptitude, évaluée sur la base de compétences adéquates, à délivrer la qualité de service attendue par les clients finaux.

- Mesure n°3 : Mettre en place une autorité de tutelle adhoc pour organiser le transfert des licences entre artisans. En effet, aujourd'hui, le transfert de licences se fait de gré à gré et à Paris, la Préfecture de Police se contente d'enregistrer le nouveau nom du titulaire de la licence. Il serait légitime que la valeur de la licence soit en rapport avec le service au public qui a été rendu au cours des dernières années. Pour cela, le seul indicateur pertinent, c'est le chiffre d'affaires officiellement déclaré au fisc !

Il n'est d'ailleurs pas très difficile de calculer cet indicateur médian du fait de la réglementation des tarifs des taxis, les compteurs et horodateurs étant là pour fournir des données fiables. « Vous travaillez à 100%, vous avez le droit de vendre votre licence à 100% de sa valeur moyenne, vous travaillez à 25%, vous ne pouvez la vendre qu'à 25% de cette même valeur ». L'autorité en question ferait ainsi office de chambre de compensation, rachetant et revendant les licences, tout en s'assurant que les candidats à l'artisanat auraient bien les compétences et les aptitudes nécessaires à la délivrance d'une qualité de service en rapport avec les prix pratiqués. Cela permettrait ainsi de pallier à la dégradation de la formation initiale constatée au cours des dix dernières années. En faisant faire un saut qualitatif rapide à la qualité de service et en accordant une valeur patrimoniale au service rendu, le bénéfice serait triple :

... un triple bénéfice

- Evolution du rapport qualité/prix vers l'excellence

- Amélioration rapide de l'image si dégradée des taxis et par là même du territoire sur lequel ils opèrent

-Amélioration des finances de l'Etat via une déclaration au réel du chiffre d'affaires des taxis

Ce bénéfice serait également partagé entre les taxis et les clients finaux, ceux-ci étant à la recherche de cette qualité de service, pour laquelle ils sont même prêts à payer plus cher, la percée des VTC étant bien là pour en témoigner.

Bien sûr, certains seraient perdants… En effet, si l'État confie à une Autorité le soin de regarder dans les comptes des artisans, elle doit lui confier dans le même temps le soin de regarder avec beaucoup d'attention les pratiques, financières, commerciales et éthiques des loueurs de licence, qui ont eux aussi reçu des licences de façon gratuite. Pour mémoire, ces loueurs détenaient ainsi plus de 200 licences au moment où celles-ci ont été contingentées et les taxis sont aujourd'hui unanimes pour dénoncer les conditions de travail absolument inqualifiables dans lesquelles exercent leurs collègues locataires.

 La possibilité de mettre plus de licences sur le marché

Le lecteur attentif aura remarqué que ces 3 mesures n'ont rien à voir avec la dérégulation des licences. Pourquoi ? Parce que le nombre de licences n'est pas important, c'est l'utilisation qui en est faite qui est primordiale ! En redonnant de l'attractivité au service prodigué par les taxis, en leur permettant d'avoir des revenus officiels en rapport avec le travail fourni et en les intéressant financièrement au service rendu, les taxis pourront cesser de considérer les licences comme l'alpha et l'oméga d'une vie de travail. Il sera alors possible d'en mettre plus sur le marché sans crainte d'une levée de boucliers !

Pour trancher le nœud gordien, c'est donc un couteau suisse plutôt qu'un sabre qu'il faut manier !

 

Ps : L'Autorité évoquée pourrait également collecter et utiliser des données pour permettre aux taxis de mieux répondre à la demande sans passer obligatoirement par des entités privées, qui n'ont toujours pas compris que la valeur des données est dans leur partage et non pas dans leur thésaurisation !

 

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Commentaires 6
à écrit le 24/04/2014 à 19:00
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Bien entendu pour permettre un fonctionnement convenable du système de voiturage il ne faut rien faire de ce que préconise cette personne. Les professionnels de ces branches peuvent organiser leur activité, ils ne sont pas des enfants.

à écrit le 24/04/2014 à 15:50
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"suite à des maladresses législatives" ? Pourquoi cette prudence ? Le parlement ne vote pas projets et propositions de lois à l'insu de son plein gré. Par ailleurs, on doute fort qu'une loi sur les taxis ait été adoptée sans l'aval de la profession. ...

à écrit le 24/04/2014 à 11:40
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Très simple : racheter les licences récentes et déréguler la ce secteur car protéger cette profession est juste contraire au droit d'entreprendre. On peut par contre soumettre plusieurs conditions : pouvoir payer par CB obligatoire, CT tous les ans, ...

à écrit le 24/04/2014 à 11:31
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L'état devrait plutôt mettre en place de nouvelles "licences" de taxi, basée sur la qualité du véhicule, et du conducteur (notamment linguistiques surtout en zone touristiques). Ces nouvelles licences seraient personnelle et inaccessible, liée à la ...

à écrit le 24/04/2014 à 10:41
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Quelle stupidité ! Alors qu'il serait si simple d'augmenter régulièrement le nombre de licences jusqu'à atteindre un niveau comparable à celui des pays voisins : Finie la spéculation et tant pis pour ceux qui y ont joué. Ici on nous propose de rajou...

à écrit le 24/04/2014 à 10:03
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La France n'arrive même pas à régler la question des taxis, alors celle de la dette, on peut toujours rêver!!

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