Erdogan, le dernier empereur

Débâcle de la livre turque, déficit de la balance des paiements... Le "miracle économique turc" tellement vanté par Erdogan a du plomb dans l'aile. Par Michel Santi, économiste (*).
Michel Santi, économiste.

L'effondrement économique turc - comme celui de l'Empire Ottoman - était attendu et prévisible de longue date. Il fut simplement retardé par la complaisance des agences de notation, combinée aux pressions des lobbies financiers européens fortement englués dans ce pays. Le dévissage de la livre turque ayant fait suite à une longue agonie n'a donc pas surpris outre mesure.

Aussi, l'accélération des événements, le 10 août dernier, a bel et bien sonné le clap de fin du "miracle économique turc" tellement vanté par Erdogan et qui consistait tout bêtement à financer la consommation intérieure par des emprunts extérieurs massifs.

Les jours du système bancaire turc sont comptés si...

Aujourd'hui, les comptes publics turcs - notamment le déficit de la balance des paiements qui se monte à près de 7% du PIB du pays - sont similaires à ceux de la Grèce en 2012, soit au moment de son implosion. Si ce n'est que la situation turque est sensiblement plus critique que celle de la pauvre Grèce, car les dettes des entreprises turques - totalisant 300 milliards de dollars - furent contractées lorsque le billet vert valait 2 livres, tandis qu'il est actuellement proche de 7 !

Tandis que les débiteurs grecs devaient rembourser leurs dettes en un euro qui était également leur propre monnaie, les emprunteurs turcs, eux, en sont réduits à devoir assumer un service de la dette aggravé d'un facteur 3 ou 4 car dans une monnaie largement dévaluée.

Autrement dit, les jours du système bancaire turc sont comptés si les créanciers étrangers n'acceptent pas de prolonger les échéances de ces dettes, tout en prenant au passage une perte qui sera l'objet de tractations futures si et quand ce mélodrame estival se sera atténué.

Erdogan se prépare désormais à brader son pays à la Chine

Contrairement à l'épisode précédent d'attaques sur la livre turque en 2001, la Turquie ne fera pas cette fois appel au FMI et à sa cure d'austérité, car elle est sur le point de s'offrir à la Chine qui est en passe de racheter ses actifs les plus importants, et les plus stratégiques aussi. La vente de toutes les sociétés cotées à la Bourse d'Istanbul suffirait à peine à financier pendant 7 à 8 mois le déficit de la balance des paiements car le "Istanbul 100 equity index" vaut à peine 35 milliards de dollars au niveau actuel de la livre ! Le pays devra donc vendre bien plus de bijoux de famille afin de lever des fonds cruciaux pour sa survie.

Du reste, il se prépare à se déssaisir au profit de la Chine du contrôle de ses ports en Méditerranée, sur la mer Egée et sur la mer Noire, comme à céder des participations substantielles dans le rail à de grands groupes chinois. De leur côté, Huawei et Alibaba consolident sérieusement leur implantation et leur mainmise dans leurs domaines respectifs.

Erdogan, qui n'a de cesse d'exalter la fierté nationale et d'exacerber le nationalisme turcs. Erdogan, qui se complaît dans un bras de fer aux relents populistes et nauséabonds contre l'Ouest. Se prépare désormais à brader son pays à la Chine.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique", "Misère et opulence". Son dernier ouvrage : "Pour un capitalisme entre adultes consentants", préface de Philippe Bilger.

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Commentaires 10
à écrit le 15/08/2018 à 16:20
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Il est sans doute préférable d'avoir comme créancier un chinois qu'un américain qui change d'avis avec chaque nouveau président.

à écrit le 15/08/2018 à 10:25
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son "miracle" il le doit à ses prédécesseurs pour la très majeure partie !

à écrit le 13/08/2018 à 17:21
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Tout est affaire de psychologie. Si Erdogan arrive à montrer sans démontrer que le problème vient de l'extérieur (USA en tête et les affreux capitalistes qui jouent la livre turque contre le dollar et l'euro) et non de l'intérieur (déficit budgétaire...

le 14/08/2018 à 15:37
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Incirlik est moins important qu'on croit. Il y a deux bases britanniques à Chypre (principalement Akrotiri, avec une piste de 2700m), il y en a en Grèce, en Jordanie, en Arabie et d'autres. De plus les distances étant relativement faibles, les porte-...

à écrit le 13/08/2018 à 17:21
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Un assainissement économique peut être fictif comme en Grèce ou réel a condition d'en avoir la souveraine décision! Mais comme les indices sont basées sur des situations fictives on rejette tout progrès!

à écrit le 13/08/2018 à 16:17
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"Erdogan se prépare désormais à brader son pays à la Chine" C'est là que l'on reconnait les minables dirigeants, ils ne sont pas motivés par la passion de leur nation mais par leur seule gloire personnelle, or comme on le voit avec macron, ça ne ...

à écrit le 13/08/2018 à 15:08
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( Populiste et nauséabond ) ou le prix de l édition . Dommage ....!

à écrit le 13/08/2018 à 13:49
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tiens, pour une fois, c'est pas une tirade contre les mechants capitalistes! un bon keynesien devrait se rejouir de l'inflation turque actuelle, et de celle a venir! ca permet de faire de la depense publique ' payee par personne'!!!! et si le syst...

à écrit le 13/08/2018 à 12:38
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Quand on prend pour président un fotbaleur raté, qui n'a pas fait les études supérieures requises, on en a pour son vote. C'est vrai, la Grèce était mal gérée, mais que dire de la Turquie. Pauvre Proche Orient : ses trois pôles majeurs (arabes, turcs...

le 14/08/2018 à 13:10
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Ça fait doucement rigolé quand on voit Emmanuel Macron détruire tout les acquis sociaux des français, et favoriser d'avantage les plus riches :) Il a pourtant faits des études, non ? Merkel qui maintient les allemands sous perfusion, dont une bo...

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