Facturation électronique obligatoire : gare à l'illusion de simplicité !

OPINION. Si la facture électronique représente une opportunité prometteuse pour les entreprises, sa mise en œuvre demeure un véritable casse-tête, explique Emmanuel Olivier, Directeur Général et membre du Directoire d'Esker. Simplicité et pragmatisme doivent conduire les acteurs du secteur à s'entendre ensemble
(Crédits : DR)

S'il y a bien un document avec lequel tous les Français sont familiers, c'est la facture ! Elles sont vieilles comme le monde : le roi Hammurabi en aurait initié l'usage vers 1750 av. J-C. Chacun en a la représentation traditionnelle de la pile de papiers qui s'accumulent... Mais les temps changent, car la facture électronique va devenir la norme pour toutes les transactions entre les entreprises d'ici 2026.

Durant l'été 2022, le calendrier de cette migration a été précisé par les pouvoirs publics. Mais les implications opérationnelles d'une telle réforme sont encore floues pour les entreprises comme pour les éditeurs. Et ce, d'autant plus qu'il n'existe toujours pas de format standard unique pour ces documents. Il est encore temps de plaider en faveur de la simplicité, non seulement pour faciliter l'application de la loi, mais aussi pour accompagner au mieux les organisations dans la reprise de leur croissance.

Numériser les processus comptables pour gagner en compétitivité

Sur la table depuis maintenant 20 ans, le sujet de la facture électronique est devenu de première importance du fait du calendrier législatif. Les entreprises ont tout intérêt à se mettre dès maintenant en conformité avec la loi : tout d'abord pour ne pas se trouver prises de court, ensuite parce qu'elles y gagneront beaucoup. Les avantages sont nombreux : réduction des délais de paiement, meilleur suivi des opérations, diminution du risque de fraude, amélioration de la productivité des équipes...

Les professionnels du secteur en sont conscients, puisque pour 40% des répondants au baromètre Future of Finance 2022, la digitalisation des processus transactionnels est un sujet prioritaire. Pourtant, les sociétés françaises sont globalement loin du compte. Toujours selon ce rapport, près d'une direction financière sur deux est incertaine quant aux actions de mise en conformité à mener, et encore 39% des factures sont émises en format papier. Comment expliquer un tel retard ?

Une mise en œuvre encore trop complexe

Si sur le papier, la facture électronique représente une opportunité prometteuse, il n'en reste pas moins que sa mise en œuvre demeure un véritable casse-tête. Le fait est que personne, ces 20 dernières années, n'a œuvré pour plus de clarté. Le modèle qui se dessine en témoigne : alors que L'Italie et la Pologne sont parvenues à standardiser leur format, aucun modèle consensuel n'a émergé en France. En lieu et place d'un format unique, trois formats de facture obligatoires coexisteront, introduisant une complexité supplémentaire.

Par ailleurs, une plateforme nationale - Chorus Pro - a bien été conçue pour transmettre les données à l'État, mais autour d'elle gravitent un ensemble de plateformes privées, dont on peut craindre que la plupart soient réfractaires à travailler ensemble. Plutôt qu'un modèle linéaire où tout transite par une plateforme centrale, les éditeurs peuvent organiser via leur propre plateforme les flux d'entreprise à entreprise, et en même temps créer un flux de données parallèle qui ira vers l'État pour lui fournir les informations attendues. Cette solution n'est pas sans mérites. Elle permet aux entreprises de capitaliser sur ce qu'elles ont déjà mis en œuvre en matière de numérisation.

Toutefois, plusieurs milliards de factures seront échangées sur cette plateforme. On peut s'attendre à ce que la combinaison d'un tel volume et d'une telle complexité engendre engorgements et blocages, et crée un risque de sécurité et de performance pour les entreprises françaises si les acteurs économiques - et notamment les éditeurs - ne sont pas suffisamment préparés.

Le choix concerté de la simplicité et du pragmatisme

Bien sûr, le propos n'est pas de décourager les entreprises et de ruiner les efforts qu'elles ont entrepris pour leur transformation numérique. La question demeure : comment garantir une meilleure prévention des fraudes tout en aidant les entreprises à bâtir leurs nouveaux relais de croissance ? Le modèle vers lequel nous tendons - la possibilité de faire appel à des plateformes privées, mais immatriculées par l'État - peut apporter des solutions. Mais encore faut-il que ces plateformes parviennent à bâtir un réseau d'interopérabilité réelle, avec une connexion unique !

Pour cela, les différents partenaires doivent s'accorder et travailler ensemble. La coopétition, qui seule permettra de bâtir un marché plus efficient, s'inscrit plus dans le sens de l'histoire. L'heure n'est plus à chercher les moyens de garder sa clientèle captive, mais bien de créer de la valeur pour l'ensemble de son écosystème. L'autre facteur, c'est le temps.

Les éditeurs disposeront d'un mois pour tester les flux sans clients, et de six mois de tests avec les clients. C'est court pour un projet de telle ampleur qui consiste, in fine, à mettre l'économie française sur une seule plateforme. Pour garantir un minimum de risque aux entreprises françaises, il semble au contraire urgent de maîtriser les risques et de privilégier le succès de l'opération sur l'affichage d'un changement rapide et potentiellement chaotique.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 10/01/2023 à 10:37
Signaler
Bonjour à tous . Et pour les particuliers , le problème est le même , dans tous domaines d'ailleurs , medical aussi ....etc .

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.