Google Analytics non conforme au RGPD : quand allons-nous sortir de cet imbroglio juridique ?

La décision de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) de déclarer l'usage de Google Analytics non conforme au RGPD, va forcer une grande partie des entreprises présentes sur Internet à adapter leur stratégies d'audience. En cause, un imbroglio juridique qui met en péril le secteur de la publicité en ligne, et qui nécessite de la part de l'Union européenne et des Etats-Unis d'avancer vite pour trouver un nouvel accord, après 19 mois d'inertie politique. Par Loïc Rivière, Président de Hindsight.
Loïc Rivière.
Loïc Rivière. (Crédits : DR)

La CNIL vient de déclarer l'usage de l'outil de mesure d'audience sur Internet Google Analytics non conforme au RGPD (Règlement Général de Protection des Données Personnelles) en raison de l'hébergement des données collectées aux États-Unis. C'est un véritable séisme, car ce service plébiscité par le marché depuis plus de 15 ans est considéré comme un outil essentiel, pratiquement un « basic », pour des millions d'entreprises présentes sur Internet.

Disponible gratuitement pour tous les sites de faible et moyenne fréquentation, il équipe aussi tous les sites marchands ou ceux des annonceurs qui mesurent ainsi l'efficacité de leur marketing et de leurs campagnes publicitaires. La lumière vient donc en quelque sorte de s'éteindre sur une partie du web et bon nombre d'acteurs vont devoir adapter leurs stratégies d'audience sauf à devenir aveugles sur leurs campagnes...

La responsabilité impérieuse de sortir les entreprises de cet imbroglio juridique

En cause, un imbroglio juridique qui témoigne, il faut bien le dire, d'une inertie politique qui semble faire peu de cas des conséquences de l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent, depuis bientôt deux ans, de très nombreuses entreprises. Toutes celles qui utilisent des solutions traitant des données personnelles transférées aux États-Unis pour leurs besoins ou bien qui ont tout simplement une activité outre-Atlantique. Car si c'est le recueil des adresses IP qui est en l'espèce concerné pour le cas de Google Analytics, il en va de même par exemple pour toutes les données RH que transfèrent les filiales d'entreprises internationales installées aux États-Unis, soit à minima tout le CAC 40 !

Le Privacy Shield, cadre juridique qui permettait le transfert de ces données, est en effet invalidé depuis juillet 2020. Il est considéré que les données personnelles des européens ne bénéficient pas d'un même niveau de protection aux États-Unis que leur offre le RGPD. Soit ! Il est alors de la responsabilité impérieuse des deux parties d'avancer vers la conclusion d'un nouvel accord intégrant les garanties nécessaires, sauf à ramener l'ère numérique à l'âge de pierre du commerce international, après presque 19 mois sans aucune avancée politique.

Un front global ouvert contre la publicité en ligne des annonceurs

En outre, l'emploi de Google Analytics, qui selon les représentants de Google n'a jamais fait l'objet de demande de la part des autorités de sécurité nationale aux États-Unis, n'est pas une cible tout à fait fortuite des plaintes qui ont conduit à cette décision de la CNIL. Au-delà du fait d'être utilisé par des millions d'entreprises, cet outil est un élément clé de toute stratégie marketing et publicitaire sur Internet. Modèle publicitaire qui fait l'objet d'une véritable guerre ouverte de la part de certaines associations ou personnalités politiques qui s'assument également comme contempteurs du modèle économique sur lequel repose Internet.

L'écosystème publicitaire qui regroupe annonceurs, agences, médias et plateformes technologiques a de quoi s'inquiéter profondément car le front ouvert à l'encontre des outils fournis par lesdites « Ad-Techs », vise en réalité la publicité personnalisée en tant que telle. L'interprétation de plus en plus restrictive du RGPD de la part de certaines autorités de régulation européennes, qui exige que les risques hypothétiques soient nuls avant les transferts internationaux, n'est de fait pas viable.

Sur un autre plan qui affecte la publicité, cette approche restrictive débouche également sur une sollicitation permanente du consentement des utilisateurs. Sollicitation qui, entre lassitude ou anxiété suscitées, ne garantit pas de surcroît l'effectivité de la protection des personnes visées. Au-delà, ce contexte fragilise le modèle d'affaires de toutes les entreprises pour lesquelles Internet est devenu un canal de vente majeur. On y compte donc bien sûr un certain nombre d'acteurs du CAC 40 pour lesquels la publicité en ligne et le marketing d'influence sont devenus clés, mais surtout une myriade d'entreprises qui atteignent leurs clients en déposant des annonces publicitaires sur Internet :  startups, TPE, PME ou ETI de toute nature et qui n'ont pas accès aux grands médias comme les chaînes de télévision. On savait déjà le droit de la protection des données personnelles en tension avec les droits couvrant la liberté d'informer et la liberté d'expression. On le sait désormais de plus en plus en tension avec la liberté d'entreprendre à l'ère numérique...

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2022 à 10:07
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Bonjour, je suis très étonné de l'effervescence actuelle alors que cela fait plus de trois ans que l'on sait que Google Analytics ne respecte pas la législation RGPD européenne.

à écrit le 22/02/2022 à 11:14
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GA est une aberration exposant que la dictature marchande bat son plein et que nos politiciens sont totalement impuissants à nous en protéger alors que principale menace sur le monde et son humanité mais la RGDP est aussi une aberration inutile et co...

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