La France doit légiférer en faveur d’une complète transparence bancaire

OPINION. Envoyer de l'argent par-delà les frontières coûte encore trop cher. Les gouvernements doivent prendre des mesures claires en faveur de la transparence afin de garantir des coûts justes aux Français. Par Julie Arnoux, Responsable France Wise
(Crédits : DR)

Depuis l'introduction des ODD de l'ONU en 2015, pour les expéditeurs de fonds français, le coût de l'envoi d'argent aux amis et à la famille à l'étranger oscille entre 6 et 7%. Aujourd'hui encore, il est supérieur à 6%, soit plus du double de l'objectif à atteindre. Il n'y a pratiquement pas eu de progrès au cours des sept dernières années et si la France poursuit sur cette tendance, elle n'atteindra jamais les 3% demandés d'ici 2030 ! Il est temps de prendre un virage marquant en faveur des consommateurs et leur apporter toute la transparence et les prix justes qu'ils sont en droit d'attendre !

Cette absence d'évolution marquante au cours de la décennie passée est incroyablement décevante pour un certain nombre de raisons. En 2021, 10,3% de la population française était née à l'étranger, un grand nombre d'entre eux conserveront des liens étroits avec ces pays et certains y soutiendront financièrement leurs amis et leur famille. Ces personnes - et celles hors de cette catégorie qui envoient des fonds - ont payé près d'un milliard d'euros de frais (918 millions d'euros) pour envoyer 15 milliards d'euros à l'international en 2021. C'est ce que révèlent les chiffres de la Banque Mondiale. En 2022, ils devront débourser 108 millions supplémentaires (soit un total de 1026 millions d'euros) pour transférer 16 milliards d'euros.

Pire encore, comme les coûts de la France pour envoyer de l'argent à l'international sont si exorbitants -6,08% en 2021 - les expéditeurs de fonds français auraient pu économiser 466 millions d'euros en 2021 si le pays avait atteint l'ODD des Nations unies de 3%. En 2022, ils devraient payer 540 millions d'euros en trop. C'est de l'argent qui va directement aux banques et aux sociétés de transfert d'argent et qui manque cruellement à leurs destinataires, et d'autant plus dans un contexte économique d'inflation. L'impasse totale dans la progression de la France vers les ODD de l'ONU signifie qu'il est très peu probable que l'objectif soit atteint d'ici 2030.

Le soutien humain vers l'étranger plus fort que le soutien du gouvernement

Il est difficile de sous-estimer l'importance de ces transferts de fonds. Le budget de l'aide au développement de la France est presque identique à l'argent que les expéditeurs de fonds transfèrent pour soutenir leurs amis et leur famille à l'étranger (15 milliards d'euros de transferts de fonds contre 15,4 milliards d'euros d'aide au développement). Les transferts de fonds ont éclipsé le budget de développement de la France pendant longtemps. L'année 2021 a été la première année où les expéditeurs de fonds ont contribué aux économies locales dans une mesure égale à celle de l'État français.

Le problème, c'est qu'ils pourraient contribuer encore plus s'ils ne se faisaient pas arnaquer dans le processus. Aujourd'hui, ceux qui soutiennent leur famille et leurs amis avec des fonds pour payer des soins de santé ou des études sont confrontés à une grande variété de prestataires qui prétendent pouvoir transférer leur argent vers pays X pour 5 € de frais, 0 % de commission ou toutes autres promesses qui s'avèrent trop belles pour être vraie. En réalité, cette promesse se réduit généralement à un astérisque illisible, car les prestataires accordent à leurs clients un taux de change tellement mauvais qu'ils peuvent profiter de la différence.

La France n'est pas au rendez-vous

En France, ces pratiques malhonnêtes sont si répandues que l'association de consommateurs, Que Choisir, a déposé en 2018 une plainte officielle contre deux des auteurs de ces pratiques : Moneygram et Western Union. Malheureusement, rien n'a changé... L'incertitude économique et politique fait la une des journaux et une crise du coût de la vie fait rage dans de grandes parties du monde. Des mesures sont désespérément nécessaires pour s'assurer que l'argent arrive dans les poches des gens - et non dans celles des banques.

En septembre, l'UE et l'Ukraine se sont associées pour lancer une initiative visant à réduire le coût des transferts de fonds vers l'Ukraine. Si les envois de fonds sont une bouée de sauvetage dans le meilleur des cas, ils deviennent encore plus vitaux dans les pays déchirés par la guerre. Il est remarquable que l'initiative UE-Ukraine ait identifié la transparence comme la méthode permettant de réduire le prix des transferts d'argent, en demandant instamment aux fournisseurs de divulguer le coût total, « y compris la marge de change ». Jusqu'à présent, seules 16 entreprises se sont engagées à respecter cet engagement. Aucune d'entre elles n'est française...

D'ailleurs, Que Choisir n'a pas manqué de le souligner puisque la transparence est « la seule option pour garantir des frais moins élevés ». Ce manque d'engagement est une tache sur la réputation de la France. Les grands acteurs traditionnels - Moneygram et Western Union - brillent également par leur absence. Être incapable de s'engager à ne pas tromper ses clients est problématique. La transparence pourrait mettre fin à cette pratique. En obligeant les fournisseurs à dire aux gens exactement combien il leur en coûte pour soutenir leurs amis et leur famille à l'étranger, elle introduira une véritable concurrence et exercera une pression à la baisse sur les prix.

Le précédent en matière de transparence est désormais établi et les directives internationales, telles que la feuille de route du G20 pour l'amélioration des paiements transfrontaliers, s'orientent de plus en plus vers la transparence comme solution. Plutôt que de prendre du retard, la France a l'occasion de montrer la voie et ne devrait pas attendre 2030 - date limite fixée par les Nations unies pour la réalisation des objectifs de développement durable - pour imposer cette mesure. Le gouvernement français devrait avoir le courage politique de faire ce qu'il faut pour les consommateurs et s'engager à prendre des mesures pour ne plus permettre aux fournisseurs d'introduire en douce des frais dans des taux de change gonflés. Il n'y a rien à cacher.

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Commentaire 1
à écrit le 05/04/2023 à 17:12
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De quelles frontières parle t'on ? La "transparence" c'est pour le client, jamais pour la banque ! :-)

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