À Bayonne, c'est le choc suite à l'attaque de la mosquée de la ville. Le soir même, le maire, Jean-René Etchegaray (UDI) déclarait à la presse : « Pour moi, c'est un attentat. » Son auteur a en effet tenté de mettre le feu au lieu de culte, avant d'être surpris par deux fidèles, contre lesquels il a tiré. Claude Sinké, 84 ans, est un ancien candidat du Front national aux élections départementales des Landes en 2015. Il a été ensuite « écarté du parti » ont tenu à préciser les responsables du Rassemblement national.
Consciente de la gravité de la situation, Marine Le Pen a immédiatement déclaré sur Twitter : « L'attentat commis contre la mosquée de Bayonne est un acte inqualifiable. » Dans la mouvance d'extrême droite, ils sont pourtant nombreux à vouloir minimiser un tel acte. Dans les médias, certains journalistes font preuve d'une extrême prudence, préférant évoquer une « fusillade » ou un « tireur », comme si le mobile politique devait être omis. Claude Sinké ne cachait pourtant pas ses sympathies pour l'extrême droite. Il avait envoyé quelques jours plus tôt une lettre au procureur de Dax dans laquelle il annonçait vouloir porter plainte contre Emmanuel Macron. Une lettre, selon le journal Sud Ouest, « discriminatoire, xénophobe et diffamatoire ».
En réalité, ce n'est pas la première fois que l'extrême droite fait parler d'elle dans les rubriques faits divers et terrorisme. En 2018, un groupuscule avait planifié un attentat contre le président Macron lors des commémorations du centenaire du 11 novembre. Ses membres avaient été arrêtés in extremis. Au sein de l'État, les services de renseignement sont conscients qu'un risque terroriste issu de l'ultra-droite est aujourd'hui sérieusement à prendre en compte. Sur le territoire national, les spécialistes antiterroristes estiment ainsi à 350 le nombre de radicalisés d'extrême droite possédant légalement une ou plusieurs armes à feu. Dès 2016, Patrick Calvar, alors chef du contre-espionnage, alertait sur le développement d'un terrorisme d'extrême droite lors d'une audition à huis clos à l'Assemblée nationale : « Nous devons, à un moment ou un autre, dégager des ressources pour nous occuper d'autres groupes extrémistes parce que la confrontation est inéluctable. Vous aurez une confrontation entre l'ultra-droite et le monde musulman - pas les islamistes mais bien le monde musulman. »
Enclencher une « ré-émigration » par la terreur
La banalisation des discours de haine dans le débat public, et la multiplication des amalgames entre islam, islamisme et terrorisme ont fini par attiser les tensions dans le pays, depuis les attentats djihadistes de 2015. Deux ans plus tard, c'est ce que démontrait déjà, le démantèlement par la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire d'un groupuscule dénommé Organisation d'armées sociales, référence explicite à l'Organisation de l'armée secrète (OAS), responsable dans les années 1960 d'une vaste campagne terroriste contre l'indépendance de l'Algérie. Ce groupe d'ultra-droite localisé à Vitrolles (Var), composé d'une dizaine d'individus, aujourd'hui emprisonnés, projetait alors de s'attaquer à Christophe Castaner et à Jean-Luc Mélenchon, mais aussi à des lieux de cultes musulmans.
Longtemps présenté comme un « loup solitaire », le chef du groupuscule, un jeune homme de 21 ans, emprisonné dans l'attente de son jugement, a confié, dans ses PV d'auditions dont nous avons eu connaissance, vouloir mener avec son groupe « des agressions à répétition du style ratonnade, tirer avec des armes sur les trafiquants de drogue dans les cités », mais aussi « faire exploser des mosquées ». « Le but n'est pas de tuer pour tuer, l'objectif concret de l'organisation est d'enclencher une "ré-émigration" basée sur la terreur », explique froidement le militant d'extrême droite aux enquêteurs. Cet admirateur d'Anders Breivik, ce tueur norvégien qui avait procédé à deux atten- tats en 2011, faisant 77 morts, dit avoir créé son organisation en novembre 2016 « pour protéger [son] pays contre l'islamisation ». Ce terrorisme d'extrême droite ne touche pas que la France : le 9 octobre dernier, deux personnes ont été tuées à Halle, en Allemagne, dans un attentat à l'arme à feu contre une synagogue et un restaurant turc.
En mars, un Australien s'attaquait à deux mosquées en Nouvelle-Zélande, faisant 51 morts et 49 blessés, provoquant l'effroi dans ce pays. Le terroriste justifiait alors ses actes en faisant référence à la théorie fumeuse du « grand remplacement » de l'écrivain français Renaud Camus, très en vogue à l'extrême droite. Certains ont tendance à l'oublier, mais les mots peuvent tuer. Une loi contre la haine sur Internet est d'ailleurs en voie d'adoption au Parlement. Inaugurant le Centre européen du judaïsme mardi soir, Emmanuel Macron a eu des mots pour les victimes de Bayonne : « La République fait bloc autour d'eux, comme elle fait bloc autour de chacun de ses enfants lorsque l'obscurantisme et l'intolérance réapparaissent... »
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