Quand la mort de Chirac efface Macron et son « nouveau monde »

LE POLITISCOPE. Le décès, la semaine dernière, de Jacques Chirac, a déclenché un vent de sympathie pour l'ancien président mais aussi de nostalgie pour une époque révolue, entachant l'image de ce "nouveau monde" vanté par Emmanuel Macron. Le jeune président a même été tenu à distance par l'entourage familial de son prédécesseur lors des obsèques nationales. Par Marc Endeweld, journaliste (*).
Avec habileté, Claude Chirac, la fille de l'ancien président, met très vite à distance l'Élysée, malgré l'envie d'Emmanuel Macron de s'emparer de « l'événement ».
Avec habileté, Claude Chirac, la fille de l'ancien président, met très vite à distance l'Élysée, malgré l'envie d'Emmanuel Macron de s'emparer de « l'événement ». (Crédits : Reuters)

Comme un grand vent de nostalgie : les obsèques de Jacques Chirac ont amené le monde politico-médiatique à une étrange introspection collective. Quasiment tous les JT et les chaînes « tout info » ont célébré à cette occasion la France des années Chirac, sur le thème du « c'était mieux avant », le regard centré sur le rétroviseur. Une France à la recherche du temps perdu.

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L'heure était bien sûr aux hommages. Exercice obligé qui gomme forcément les insuffisances, voire les turpitudes de ce qu'a pu être le règne de Jacques Chirac. Ici ou là, pourtant, certains ont osé les critiques, les uns raillant l'immobilisme de ces années-là, les autres célébrant le grand mouvement social de 1995. Alain Juppé, Premier ministre, affirmait vouloir rester « droit dans ses bottes ». Avec le temps, comme une douce ironie historique, la nostalgie a gommé ces antagonismes. Chirac, l'homme de la dissolution et du référendum, est aujourd'hui célébré comme « un homme qui aimait les gens ». Un constat répété par ses fidèles comme par ses anciens adversaires.

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Derrière la nostalgie, une critique du "nouveau monde"

C'est là que les images s'entrechoquent pour le nouveau pouvoir. Avec une première intrusion du monde réel : une figure des « gilets jaunes » profite ainsi des registres de doléances installés pour l'occasion à l'Élysée pour oser s'adresser directement à Emmanuel Macron. Alors, derrière la nostalgie revendiquée, on sent poindre une critique de la gouvernance du « nouveau monde ». Et la comparaison est cruelle pour un pouvoir tétanisé il y a encore peu par de multiples accès de colère et de mobilisations à travers tout le pays.

À l'Élysée, le jeune président en est bien conscient : « La politique, c'est un geste », avait-il confié au documentariste Bertrand Delais au cours de sa campagne fulgurante. Macron sait qu'en politique seules les images restent. Toujours à la recherche de légitimité « verticale », cet adepte de la monarchie républicaine aurait aimé réactiver la célèbre formule « Le roi est mort, vive le roi ! » Las, c'était compter sans la famille de l'ancien président...

Claude Chirac, gardienne du temple

Car dans les coulisses, Claude Chirac est à la manœuvre. Avec habileté, la fille de l'ancien président, met très vite à distance l'Élysée, malgré l'envie d'Emmanuel Macron de s'emparer de « l'événement ». « Les tensions ont été réelles », nous confie un initié. Rompu aux choses de la communication, cette gardienne du temple impose une cérémonie intime, mais d'autres éléments illustrent sa volonté d'opposer une frontière symbolique au pouvoir actuel. Dans la cour des Invalides, Macron restera seul face au cercueil d'un président qu'il n'a finalement pas connu. Ce jour-là, le chef de l'État ne prononcera aucun discours. D'ailleurs, son nom n'est même pas évoqué dans le communiqué de l'archevêché pour annoncer la cérémonie solennelle à Saint-Sulpice.

Et surtout, crime de lèse-majesté, il n'aura droit à aucune image avec la famille. À l'Élysée, les conseillers préfèrent minimiser, et expliquent aux journalistes que tout cela est d'abord un choix du nouveau seigneur des lieux. Les images sont pourtant là : durant quelques heures, le virevoltant Macron est apparu comme un président effacé.

Macron face aux permanences historiques

Au sein de la Macronie, un transfuge de la chiraquie commente : « Les Macron étaient en lien avec les Chirac principalement grâce à Line Renaud, et quasi exclusivement via Brigitte Macron. » Ajoutant : « Pour la Chiraquie historique, Nicolas Sarkozy est beaucoup trop présent dans l'environnement des Macron. » D'ailleurs, Bernadette Chirac, longtemps soutien de Nicolas Sarkozy, a récemment cédé sa place à Brigitte Macron à la tête de la Fondation des hôpitaux de Paris.

Mais parmi les déçus de Macron, on trouve le milliardaire François Pinault, ami de toujours de Jacques Chirac, et féroce adversaire de la Sarkozie : « Depuis quelque temps, il est entré en résistance ! », ironise l'un de ses amis. Ainsi, à l'heure de ces obsèques, les vieilles fractures de la droite sont ressorties. Et le funambule Macron, adepte du « en même temps », s'est donc retrouvé, d'une manière inédite, face aux permanences historiques. On appelle ça aussi le principe de réalité.

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NOTE SUR L'AUTEUR

Marc Endeweld, auteur de L'ambigu Monsieur Macron (Éditions Flammarion), et de Le grand manipulateur - Les réseaux secrets de Macron (Éditions Stock), tiendra désormais chaque semaine une chronique politico-économique dans La Tribune intitulée "Politiscope".

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Commentaires 7
à écrit le 09/10/2019 à 20:11
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Mr Macron, qui veut nous faire entrer dans le monde Anglo-saxon de la finance internationale. Malgré les suicides d'agriculteurs, les suicides des policiers, les suicides du monde hospitalier Ect... Macron, qui prône le mondialisme avec les pays s...

à écrit le 07/10/2019 à 17:34
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Chirac : le roi fainéant , qui recevait de promoteurs immobiliers des valises de billets à l'hotel de villede PARIS dixit Juppé ?, . Et qui n'a rien fait ,laissant le travail des réformes à MACRON . Marrant que personne ne relève que le LIBAN avait d...

à écrit le 07/10/2019 à 12:35
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Comme d'habitude: "On sait ce que l'on perd mais pas ce que l'on gagne", depuis Chirac on y a perdu par deux fois et donc, il n'y a pas de 2 sans 3!!

à écrit le 07/10/2019 à 12:21
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C'est une blague, la seule nostalgie c'est qu'on avait 35 ans de moins. Le vrai bilan du chiraquisme c'est 35 ans de traitrise et de coups bas en politique, de corruption, de fraude électorale, de "france-à-fric", d'amitié et de soutien à des dict...

à écrit le 07/10/2019 à 11:51
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! la défiance est générale chez les français ! ce nouveau monde rejeté n est il pas le déclin de la France ? agriculture et CETA ! malbouffe a venir

à écrit le 07/10/2019 à 11:51
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! la défiance est générale chez les français ! ce nouveau monde rejeté n est il pas le déclin de la France ? agriculture et CETA !

à écrit le 07/10/2019 à 9:04
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"Le jeune président a même été tenu à distance par l'entourage familial de son prédécesseur lors des obsèques nationales." Oui mais ce n'est pas pour cette raison, ça c'est fait entre corréziens et proches, ce que cultivait Chirac cette familiari...

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