Leçons géopolitiques de la première Coupe Arabe de la FIFA à un an du Mondial au Qatar

OPINION. Après la Coupe arabe de la FIFA 2021, l'organisation de la Coupe du monde du football en 2022 par le Qatar n'est pas seulement un événement sportif mais est un accélérateur de la transformation de la région du Moyen-Orient. Par Sébastien Boussois, Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales.
Des employés travaillant au centre de commandement et de contrôle de la Coupe du monde de football au Qatar dans le complexe sportif de l'Aspire Zone à Doha.
Des employés travaillant au centre de commandement et de contrôle de la Coupe du monde de football au Qatar dans le complexe sportif de l'Aspire Zone à Doha. (Crédits : Reuters)

A ceux qui se demandent encore comment mesurer l'authenticité de la passion pour un sport d'un pays et force du soft power, la troisième place du classement de la dernière Coupe arabe de la FIFA 2021 revenue au Qatar devrait déjà les éclairer. C'était la première fois que la FIFA organisait un tel évènement pour le monde arabo-musulman. Et ce fut à Doha. Ayant éliminé le 10 décembre l'équipe émiratie avec un 5-0, l'équipe nationale qatarie s'est frottée à l'équipe algérienne en demi-finale le 15 décembre dernier pour s'incliner 2-1. Depuis, on connait l'histoire : l'Algérie a gagné la Coupe et le Qatar s'est hissé troisième en battant l'Egypte pour la troisième place. Il y a eu de la joie, de la ferveur dans les stades, une organisation très rodée à un an du Mondial et encore en pleine pandémie, mais ce fut également le baptême du feu pour la majeure partie des stade construits pour l'occasion. Tout s'est déroulé sans anicroches.

Un intérêt historique pour le ballon rond

Depuis le début du XXe siècle, il existe des équipes nationales de football dans la région du Golfe et l'intérêt pour le ballon rond est historique. Décrocher l'organisation d'un évènement de renommée mondiale comme une Coupe Arabe ou du Monde de football est non seulement l'opportunité unique de faire de son pays une vitrine ouverte sur la planète pendant un mois, mais aussi de faire d'une région comme le Moyen-Orient une aire culturelle attractive et festive, loin des tensions géopolitiques habituelles.

Il y aura en 2022, pour la première fois de l'histoire, une coupe du monde de football qui se tiendra dans un pays arabe. C'est un évènement suffisamment rare dans l'histoire d'une région, prise entre crise et instabilité permanente depuis des décennies, pour en soulever la teneur à haute valeur ajoutée et s'en réjouir à minima. Les Arabes seront pour une fois presque tous unis autour du sport le plus populaire du monde et le plus grand évènement planétaire. Et des milliards d'individus du monde entier auront les yeux rivés quotidiennement pendant un mois sur le tournoi. Les processus d'attribution de la FIFA couronnent non seulement manifestement le meilleur dossier de candidature qui leur est proposé, mais ont très bien compris aussi que leur choix était souvent lourd de conséquences géopolitiques.

Triple événement pour le pays

Les membres de la Fédération prennent aussi leurs décisions afin de lancer un signal, donner un message d'espoir dans des régions moins attendues, et permettre que certains pays profitent des projecteurs pour aussi accélérer leur développement dans de nombreux domaines. Malgré les polémiques, le Qatar a œuvré aussi bien pour le droit des travailleurs que pour que les conditions d'accueil du public soient les plus souples et agréables possibles aux Occidentaux. Doha est en chantier et se dit prêt pour accueillir un évènement que jamais aucun si petit pays n'a accueilli.

Le 18 décembre dernier a été un triple évènement pour le pays. Le Qatar a non seulement fêté le jour de son indépendance, exactement cinquante ans, mais il a célébré la finale de la Coupe Arabe au même moment que la Journée Internationale des migrants des Nations unies, auxquels il a tenu à rendre hommage. Car peuplée à 90% d'étrangers, l'Emirat ne serait rien sans eux, et il le sait. Avec l'Organisation Internationale du Travail (OIT), il œuvre à l'édification d'un droit du travail inédit dans la région du Golfe. Mais Doha a déjà la tête dans 2022 et il y a encore beaucoup de travail avant la cérémonie d'ouverture du Mondial : les chantiers se poursuivent dans la ville, sur la Corniche, aux abords des lieux touristiques de la capitale, dans le métro. L'objectif non caché des autorités, au-delà du progrès politique et humain, est de rendre Doha plus attractive que jamais et en faire une destination touristique, pas uniquement un hub aéroportuaire entre l'Europe et l'Asie.

Poursuivre le travail engagé entre le gouvernement et l'OIT

Mais pour accueillir le million de fans de football envisagé, soit la moitié de la population qatarie, il faut mettre le turbo : fluidifier la circulation en ville, pousser les qataris à utiliser le métro, embellir les espaces urbains, végétaliser davantage. Enfin, concernant les travailleurs, et pour que cessent les polémiques à répétition, il faut poursuivre le travail engagé entre le gouvernement et l'OIT : soutenir les équipes d'inspecteurs pour faire appliquer la loi, faire pression pour payer à temps les salaires, car les abus de la part des employeurs privés sont toujours réels. Et le gouvernement qatari qui en a conscience, ne cesse de renforcer les effectifs de surveillance et les sanctions depuis des mois.

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(*) Sébastien Boussois est collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism)

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Commentaires 2
à écrit le 18/01/2022 à 19:03
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moi aussi, en tant qu'étudiant chercheur dans le domaine du sport, je fus frappé par le titre, j'attendais à ce qu'une telle analyse géopolitique profonde de cet évènement, malheureusement ce n'était pas le cas, cela me parait un simple article de pr...

à écrit le 29/12/2021 à 9:32
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J'attendais un article montrant l'impact régional et international de l'organisation de ces coupes (dont une pour la première fois en guise de répétition générale). J'ai lu un article à la gloire d'un émirat dont les bonnes volontés disparaitront dan...

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