Les marchés euros attendent le signal

CHRONIQUE. Les marchés financiers euros font du surplace depuis près de 6 mois. Mais cela pourrait changer dès jeudi. La Banque centrale européenne pourrait enfin donner le signal tant attendu par les marchés : la fin imminente de la politique restrictive. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : ANTONIO BRONIC)

L'inflation décélère, l'activité s'essouffle. Le volet économique plaiderait-il pour une détente de l'atmosphère côté monétaire ? Les autorités vont -elles se dérider un peu durant le comité prévu ce jeudi ? Pour l'instant, les intéressés restent plutôt crispés sur le sujet. Le message officiel des officiels de la Banque centrale européenne (BCE) est sans ambiguïté :

« une nouvelle hausse des taux en juillet, potentiellement une autre en septembre, et après statu quo restrictif jusqu'à nouvel ordre. »

Mais les marchés ont bien du mal à adhérer à cette histoire, depuis 6 mois qu'elle dure. L'investisseur semble hésiter, tergiverser, à moins qu'il verbigère perdu dans ses raisonnements. En témoignent les hausses puis les baisses, puis les hausses encore des taux d'intérêt à 10 Allemands qui yoyottent entre 2,2 et 2,6 %. Même analyse pour les marchés d'actions, l'Euro Stoxx 50 bégayant sa tendance autour de 4200 et 4400. Comme si l'actualité économique et politique ne suffisait plus à donner l'inspiration nécessaire à l'investisseur, seule capable de produire une inflexion durable des marchés.

L'investisseur cherche-t-il à exciter la bête ?

En vérité ces mouvements de va et vient des marchés ne ressemblent pas à une forme d'indécision ou d'incertitude. C'est autre chose. L'investisseur ne semble pas indécis ni incertain. Il se pourrait même qu'il ait un avis, mais pas le même que celui de la BCE. Les allers - retours des marchés ressemblent davantage à une manière de tâter le pouls de la BCE qu'à une errance de l'investisseur hagard. Comme un chasseur qui tenterait d'exciter la bête pour mieux en apprécier la défense. Pour l'instant sans grand succès, il est vrai. Les mouvements de marchés s'épuisent contre la rectitude de la BCE, comme des ressacs.

Au moins 3 éléments confortent cette thèse de l'investisseur qui voudrait bien faire parler la BCE, mais qui n'y arrive pas. D'une part, les marchés obligataires ont bien du mal à valoriser les deux hausses de taux que la BCE essaie de lui faire gober. D'autre part, l'inversion spectaculaire de la courbe des taux allemands fait dire que même si la BCE montait encore deux fois ses taux, cela ne devrait pas durer très longtemps. Enfin, les primes de risque exigées par les investisseurs pour acheter des actions ou des obligations d'entreprises plutôt que des emprunts d'État ne témoignent pas d'une quelconque nervosité des marchés.

Mais peut-être l'investisseur n'est pas aussi malin. Peut-être que ces mouvements erratiques de marché ne reflètent pas des variations rationnelles des primes de risques covariant avec le cycle économique, ni de profondes réflexions, mais seulement des soupirs. Comme si l'investisseur avait seulement besoin d'y croire. Et cet espoir serait alors « une forme en attente de son contenu », Bruno Grimaldi.

Le « principe espérance » de l'investisseur euro

L'espoir ne suffit pas à faire monter le marché. Mais sans espoir, l'investisseur serait mu par une inconsolable envie de vendre, de se débarrasser de tous ces actifs qui ne lui donnent plus le sentiment de pouvoir aller plus haut. L'espoir permet alors à l'investisseur de ne pas se retrouver dans une situation qui l'empêche de faire des choses qui empêcheraient le marché de monter un jour... Comme l'héroïne de Conte d'Hiver d'Eric Rohmer (1991) qui sait bien qu'elle ne retrouvera jamais son Charles, mais qui veut y croire encore afin de ne pas faire des choses qui l'empêcheraient de le retrouver un jour. Cet espoir-là peut être déçu, mais comme il n'engage à rien, les risques sont limités.

À l'inverse, il suffirait d'un signe pour complètement désinhiber les marchés. Pas besoin d'un espoir démesuré. Juste un geste, un mot, un lapsus de la BCE, laissant filtrer une once d'assouplissement, durant le comité de jeudi par exemple. Nul doute alors que les taux d'intérêt de long terme baisseraient bien davantage, entrainant une détente des primes de risque sur les actions et sur le crédit. Le tout dopant la valorisation de tous les actifs. Nul doute aussi que la devise euro en prendrait pour son grade, ce qui entretiendrait encore davantage la valeur relative des actifs euro relativement au reste du monde. Les marchés euros attendent très probablement un tel signe, ou plutôt ils l'espèrent.

De ce point de vue là, le cas du marché d'actions américain semble bien plus préoccupant. En effet, lui n'a pas attendu de signe de la Banque centrale américaine pour monter tendanciellement au cours des dernières semaines. « Le seul fait d'espérer les fait jouir de ce qu'ils espèrent », comme dirait Pascal.

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Commentaires 2
à écrit le 26/07/2023 à 8:02
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C'est l'histoire d'un banquier, d'un électeur du RN et d'un rom qui s'assoient autour d'une table sur laquelle on pose 10 biscuits, aussitôt le banquier en prend 10 et dit à l'électeur du RN:""Attention le rom va vous prendre votre biscuit !"

le 26/07/2023 à 10:22
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"aussitôt le banquier en prend 10" Dans l'historie c'est 9 mais finalement dans la réalité c'est plutôt 9.9.

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