Loi Pacte et « raison d’être » des entreprises : mode d’emploi

OPINION. Non, le profit n'est plus la seule et unique raison d'exister des entreprises. C'est ce qu'a réaffirmé la Loi Pacte en mai dernier, permettant aux organisations de toute taille et de toute nature de définir leur « raison d'être » et de se positionner ainsi sur leur vocation sociétale. Comment repenser l'utilité de l'entreprise à l'aune de sa contribution à des enjeux sociaux et environnementaux qui dépassent le périmètre stricto sensu de son activité ? Par Hélène Valade, présidente de l’ORSE, Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises et directrice Développement Environnement chez LVMH.
(Crédits : CHARLES PLATIAU)

La loi Pacte a pour ambition de proposer aux entreprises des moyens de se transformer et de se développer. Ses objectifs majeurs : booster la création d'entreprise et la croissance des PME, encourager le financement de l'économie réelle et rendre les entreprises plus justes et responsables. C'est de ce dernier point que la notion de raison d'être de l'entreprise a émergé.

Cette option proposée par cette loi permet de redéfinir la place de l'entreprise au sein de la société. Poussée à dépasser sa vocation, l'entreprise est attendue sur des enjeux sociétaux. Il s'agit d'accompagner l'entreprise dans sa métamorphose pour la rendre plus collaborative, plus écologique et plus équitable. Bien accueilli par les entreprises, le concept de raison d'être commence à faire des émules. Près d'une dizaine d'entreprises du CAC 40 ont commencé à aborder le sujet, certaines l'ont même déjà adopté.

Pourquoi (vraiment) se doter d'une raison d'être ?

Salariés, dirigeants, consommateurs, investisseurs... la majorité des parties prenantes converge vers le souhait d'une entreprise qui contribue à l'intérêt général et la raison d'être s'impose comme l'un des outils pour y parvenir. Élément de différenciation par rapport à la concurrence, elle permet aussi d'attirer de nouveaux talents, au sein d'une génération très exigeante sur la lutte contre le réchauffement climatique et la protection des ressources naturelles.

C'est également un atout pour séduire les investisseurs comme pour conserver et enrichir une clientèle plus engagée et dont les comportements d'achat évoluent très significativement. En interne, la raison d'être s'avère être un bon levier pour renouveler le dialogue social, notamment si les salariés sont impliqués dans son élaboration. Au-delà, la réflexion sur la Raison d'être gagne à être mise au service de l'innovation. Identifier les enjeux sociétaux impactants, c'est aussi préparer l'avenir : comment faire de la sensibilité environnementale une source d'inspiration de nouveaux produits ? Comment anticiper l'impact de l'intelligence artificielle sur l'emploi et le business ?

Appliquer la loi Pacte : les prérequis

De la théorie à la pratique, quelles sont les clés pour accompagner les entreprises dans cette transformation ? Pour composer une raison d'être qui correspond à l'identité de l'entreprise, il faut se poser les bonnes questions, il ne s'agit pas de définir un slogan ! Une raison d'être pertinente, c'est à la fois un retour aux sources, un bilan du présent et une projection dans le futur. Même s'il est urgent de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux, il faut construire une raison d'être cohérente et l'inscrire dans une démarche structurée. Pour cela, la première étape est de s'assurer d'un leadership fort, la conviction du dirigeant étant un élément prépondérant. Le conseil d'administration, le comité exécutif et l'assemblée générale doivent également être mobilisés et investis dans toutes les phases du processus.

Sans oublier le courage d'un crash test dès lors que la raison d'être est formulée, à l'aide de quelques questions clés : la raison d'être incite-t-elle à faire évoluer le business model de l'entreprise ? Va-t-elle servir d'aiguillon dans les futurs choix de l'entreprise ? Entraîne-t-elle des renoncements ? Et la démarche ne s'arrête pas à la formulation : l'appropriation de la raison d'être, sa traduction en politiques et projets sont les marqueurs d'un processus, qui vise ni plus ni moins à installer l'entreprise sur un nouveau chemin de confiance et d'attractivité.
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Un guide pour accompagner les entreprises dans ces changements

L'Observatoire de la RSE (ORSE) et le C3D publient ensemble « Loi Pacte & Raison d'être : et si on passait à la pratique ? », un guide commun qui vise à accompagner les entreprises dans la prise en compte de la loi Pacte, et plus précisément du sujet de la raison d'être. Ce nouveau guide, qui se veut un outil à la fois technique, opérationnel et pratique adapté à chaque entreprise désireuse de redéfinir sa raison d'être, est le fruit d'un travail d'un an. Le guide a notamment été nourri par les points de vue d'universitaires, de juristes, d'investisseurs et d'organisations syndicales et interprofessionnelles mais aussi par les premiers retours d'expérience d'entreprises.

La loi Pacte, imposant aux entreprises la prise en compte de la notion d'intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux dans leur activité, au plus haut niveau, est un signal fort pour les entreprises. Elles sont à présent nombreuses à vouloir se doter d'une raison d'être. Afin de les accompagner dans cette transition, de les aider à clarifier les concepts et à structurer la démarche, l'ORSE et le C3D ont mis leurs compétences en commun pour proposer un décryptage de la loi Pacte, en répondant notamment à trois questions majeures :

  • En quoi consiste l'article 1833 du Code civil qui demande de « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » et comment être en conformité ?
  •  L'article 1835 propose aux entreprises de préciser leur raison d'être : que signifie « raison d'être » au sens de la loi Pacte ? Pourquoi se lancer dans une telle démarche ? Et quelle méthodologie pour y parvenir ?
  • La loi Pacte offre également la possibilité de devenir une société à mission : en quoi cela consiste ?

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Commentaires 2
à écrit le 18/01/2020 à 9:52
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La raison première d’une entreprise est de faire du chiffre et des profits ( C’est dans leur statut légal) sauf les associations et établissements publiques .( c’est dans les textes) Ensuite ne pensez vous pas qu’il faudrait arrêter les amalgames so...

à écrit le 18/01/2020 à 9:32
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Une raison d’être ça ne se fait pas en exploitant les épargnes et le travail des autres .

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