Loi Pacte : vers un assouplissement des conditions de mise en œuvre du retrait obligatoire

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018 et dont l'exécutif fait une priorité pour la rentrée a commencé à être discuté en commission spéciale à l'assemblée le 5 septembre. Par Antoine Tézenas du Montcel, avocat au cabinet Gide Loyrette Nouel
(Crédits : DR)

Dans son volet relatif à la simplification de l'accès des entreprises aux marchés financiers, le texte prévoit un abaissement de 95% à 90% du seuil de détention nécessaire à l'exercice, à l'issue de toute offre publique d'acquisition, du retrait obligatoire (opération également dénommée « squeeze-out » consistant à exproprier, moyennant contrepartie, les actionnaires minoritaires d'un émetteur coté suivie d'une radiation de la cote de la société).

Bercy n'a donc pas suivi sur ce point les recommandations du Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris (HCJP) qui - dans un rapport de mars dernier - préconisait un abaissement « sélectif » à 90% de seuil du retrait obligatoire uniquement lorsque celui-ci serait exercé à l'issue d'une offre publique d'acquisition pour laquelle l'initiateur détenait moins de 50% de la cible lors du dépôt de l'offre. La raison principale de cette position réservée du HCJP en serait, faisant ainsi peu de cas des garde-fous (telle que la procédure d'expertise indépendante) instaurés au cours de ces dernières années pour protéger les intérêts des actionnaires minoritaires lors d'offres publiques, que seule ce type d'offre offrirait un prix objectivement incontestable en cas d'expropriation consécutive à une offre publique. Sans surprise, le projet de loi porté par le ministre de l'Économie ne reprend pas non plus à son compte la proposition de la présidente de l'ADAM, Colette Neuville, visant à imposer comme prix plancher au retrait obligatoire l'actif net réévalué (ANR) (cette méthode de valorisation patrimoniale étant utilisée principalement pour les sociétés foncières ou les sociétés holding).

Si l'objectif affiché par cette modification législative, dont il faut se féliciter, est de renforcer l'attractivité de la Place et d'encourager les introductions en bourse à Paris (en 2017, seulement 12 IPOs sur Euronext et 8 sur Euronext Growth) en adressant un signal rassurant aux candidats à l'introduction quant à l'assouplissement des règles de sortie de cote, elle pourrait avoir d'autres effets.

On peut tout d'abord souhaiter un rebond du marché des offres publiques d'acquisition (41 opérations en 2017 contre 67 en 2007) étant donné la probabilité accrue pour l'initiateur d'une offre publique de sortir la cible de la cote.

Ensuite, et c'est loin d'être négligeable, cette mesure devrait a priori limiter, notamment en les rendant plus coûteuses et risquées pour leurs promoteurs, les opérations de prises de participation purement opportunistes dans des sociétés sous offre publique (à l'instar de ce qui a pu être observé pour les sociétés Camaïeu, Buffalo Grill, APRR, Norbert Dentressangle ou encore Radiall) par des fonds d'investissement activistes en vue d'atteindre le seuil de 5% pour d'abord bloquer le retrait obligatoire et ensuite monnayer à de meilleures conditions leur prix de sortie.

En l'harmonisant au niveau du seuil requis pour la mise en œuvre de la radiation simple prévue depuis 2015 par les règles d'Euronext, l'abaissement du seuil à 90% pourrait aussi contenir la tentation que certains initiateurs malheureux dans la mise en œuvre d'un retrait obligatoire pourraient avoir en arbitrant en faveur de la radiation simple qui - n'ayant pas pour corollaire l'expropriation des actionnaires minoritaires - conduit à ce que des petits porteurs se retrouvent à posséder des actions de sociétés non cotées totalement illiquides.

Compte tenu de ce qu'aujourd'hui la plupart des États membres de l'Union européenne retiennent un seuil à 90% pour le retrait obligatoire, cette modification pourrait également à l'avenir rendre sans objet les pratiques consistant pour des émetteurs français à aller rechercher des juridictions européennes plus clémentes en matière de retrait obligatoire (en particulier au moyen d'une transformation en société européenne suivie d'un transfert de siège social dans l'une de ces juridictions).

Enfin, l'instauration de ces nouvelles règles visant à faciliter les sorties de cote pourrait aussi être l'occasion pour l'autorité boursière d'assouplir sa pratique concernant les seuils de renonciation en acceptant que les offres publiques volontaires puissent être assorties d'un seuil de renonciation au niveau du seuil du retrait obligatoire à l'instar de ce qui se fait notamment en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni.

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Commentaires 2
à écrit le 06/09/2018 à 17:58
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La loi pacte est faite pour faire des cadeaux aux entreprises qui en contre parti n'embaucheront pas

à écrit le 06/09/2018 à 11:01
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Encore une de ces lois de style Macronien qui touche à tout et ne règle rien !! Simplement, pour au moment de la réélection venir compléter la liste et cocher la case de j’avais promis ça, je l’ai fait !!!!

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