Où va la « nouvelle politique industrielle » allemande ?

En matière de politique industrielle, Berlin est en train d'évoluer comme le montre les cas de l'énergie, de la concurrence et de la défense. Par Louis de Fouchécour, Senior Advisor de la Compagnie Fiduciaire Franco-Allemande COFFRA.
Le ministre de l'Economie allemand Peter Altmaier et son homologue français Bruno Le Maire. Les deux ministres ont présenté en février un « Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle adaptée au XXIe siècle ».
Le ministre de l'Economie allemand Peter Altmaier et son homologue français Bruno Le Maire. Les deux ministres ont présenté en février un « Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle adaptée au XXIe siècle ». (Crédits : Reuters)

Il y a des invariables dans la culture économique des nations, mais, comme dans la tectonique des plaques en géologie, il y a aussi par moment des petits déplacements. A ce titre, quelques signaux venus d'Allemagne ces derniers mois en matière de politique industrielle sont intéressants. On peut en retenir trois depuis le début de 2019.

Tout d'abord, l'aboutissement fin janvier dernier du processus lancé en 2018 par le gouvernement allemand pour écrire le scénario de sortie de la production d'électricité à partir du charbon, maintenant fixée à 2038. Il s'agit d'un enjeu macro-économique majeur pour l'Allemagne, dont le "mixte" énergétique est très dépendant de cette technologie (avec plus de 40% du total, le charbon est la principale source de production d'électricité en Allemagne). En suivant les conclusions d'une commission ad hoc, le ministre de l'Economie Peter Altmaier clôt ainsi une phase d'instruction largement partagée avec ses parties prenantes. Le contraste est fort avec la sortie de nucléaire décidée en 2011 par Angela Merkel sous une forme de réaction émotionnelle après l'accident de Fukushima.

Manifeste franco-allemand

Autre initiative du ministre, la publication début février d'un document intitulé « Stratégie industrielle nationale 2030 » suivie, peu de jours après, de la présentation d'un « Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle adaptée au XXIe siècle », conjointement avec son homologue français Bruno Le Maire. Ces documents sont une réaction au veto posé par la Commission européenne au rapprochement Siemens-Alstom. Ils réhabilitent la légitimité de l'action de l'Etat dans la défense des secteurs clés de l'économie, et invitent les partenaires européens à revisiter les conditions d'exercice du droit de la concurrence en Europe, jugées inadaptées au contexte mondialisé dans lequel évoluent nos grandes entreprises.

Enfin, dans le domaine de l'armement, et malgré les désaccords toujours vifs sur les exportations d'armes, des lignes longtemps figées ont bougé : l'Allemagne s'est engagée pour la première fois dans un programme majeur avec son partenaire français, en s'associant au programme d'avion de chasse du futur (SCAF). Cette coopération, annoncée lors du sommet de Meseberg au printemps 2018, devient maintenant une réalité avec l'annonce le 6 février 2019, par les deux ministres allemande et française de la Défense, de la signature des premiers contrats industriels pour le développement de cet appareil.

Défense, droit de la concurrence, énergie : ce sont donc trois domaines, essentiels à l'économie européenne, où les positions allemandes ont sensiblement évolué. De l'atlantisme vers plus de coopération européenne, du laisser-faire europhile de la traditionnelle économie sociale de marché allemande vers davantage de prise de conscience du besoin d'un pilotage plus politique des questions industrielles au bénéfice de la souveraineté européenne, enfin vers davantage de planification nationale pour la mise en place ordonnée de la transition énergétique allemande, dans un domaine où l'Etat s'engageait moins jusqu'ici.

Méfiance outre-Rhin

Il n'est pas certain que le concept de « politique industrielle » soit aujourd'hui beaucoup plus apprécié par les décideurs allemands. Ce concept a toujours suscité, et continuera probablement longtemps à susciter de la méfiance outre-Rhin. Mais enfin les choses ont un nom, et une réalité qui existe aujourd'hui en Allemagne.

L'accumulation des dangers auxquels fait face l'économie européenne (Brexit, concurrence chinoise, unilatéralisme américain) explique sans doute ce glissement vers des positions allemandes plus fermes, là où prévalait naguère plus de discrétion. Ce contexte rapproche la France et l'Allemagne dans leur façon de conduire leurs affaires, et devrait donc faciliter la bonne intelligence européenne dans les défis que lance à notre continent la nouvelle conjoncture économique mondiale.

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Commentaires 2
à écrit le 23/05/2019 à 3:50
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Pauvre lemaire, incompetent et pedant. Manipule.

à écrit le 22/05/2019 à 10:12
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Bref, le cadavre a eu un dernier spasme ce qui arrive régulièrement... Mais si un jour il se passe vraiment quelque chose dans ce pays merci de nous le rapporter également. Parce que parfois on croit que le truc sur lequel on est focalisé bouge t...

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