Préserver l'humanité et renouveler la planète  ? Et si on changeait l'économie  ?

CHRONIQUE. Capitalisme vert ? Croissance Verte ? Green New Deal  ? Écosocialisme, social-écologie, post-croissance, etc. Les termes ne manquent pas pour caractériser la nouvelle étape confuse dans laquelle nous serions entrés. Quelle que soit l'échéance employée, l'humanité ira toujours vers sa perte s'il n'y a pas un accord pour une nouvelle économie afin d'éviter les pires catastrophes. Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.
(Crédits : DR)

La richesse économique mondiale dépend de la bonne santé de notre planète. Comme les matières qui composent la terre, il n'y a ni croissance ni décroissance mais transformation et transfert.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (Lavoisier).

Dans l'histoire contemporaine, différents modèles économiques ont vu le jour. Aucun n'a permis un équilibre entre la planète et l'homme. Tous ont générés des inégalités sociales et écologiques. Ils n'ont pu assurer ni des conditions de vie décente à tout un chacun, ni réduire les impacts sur le climat et la biodiversité. Les crises financières et sanitaires ont montré leur totale inadaptation.

Le système économique mondial actuel est axé sur une croissance infinie plutôt qu'un équilibre entre notre production de biens et services et les capacités de la planète. Pour être en mesure de trouver des ressources, nous devons réformer cette économie pour viser la satisfaction des besoins et non l'accumulation. Cette nouvelle économie doit être basée sur deux piliers : un pilier écologique et un pilier social. Le pilier écologique est la capacité de régénération des écosystèmes et des cycles biophysiques. Le pilier social est la capacité de répondre aux besoins des collectivités et des individus.

Malgré toute la richesse mondiale accumulée, tous les gouvernements expliquent qu'il n'y a pas de ressources financières suffisantes pour changer le système actuel qui privilégie la recherche de profits et les règles du capitalisme. Il se fonde sur une économie monétaire. Elle crée de la liquidité, génère de l'inflation et est un facteur déterminant d'une croissance rapide qui privilégie les bourses. Elle vise donc l'enrichissement de grandes entreprises multinationales plutôt que la collectivité et de la planète. Ces entreprises n'ont d'ancrages ni sociaux ni écologiques. Elles prospèrent avec un modèle gourmand en matières premières et en énergie fossiles la moins chère qui maximise les profits tout en rejetant les déchets toxiques et les gaz à effet de serre dans la nature. La croissance monétaire augmente aussi lorsque les États empruntent sur le marché financier pour dépenser pour la guerre ou la gestion des catastrophes climatiques. L'effet est le même lorsque les ménages dépensent leurs épargnes pour l'assurance médicale et les frais de scolarité sans améliorations apportées aux systèmes de santé ou d'éducation.

Ce système économique favorise les inégalités sociales et écologiques. Il pousse les individus à migrer soit pour fuir la pauvreté, l'insécurité, soit pour des raisons démographiques ou climatiques. Les régimes démocratiques sont de plus en plus répressifs et déchainent des révoltes politiques ou de vagues d'émeutes dans les cités. Le pouvoir décisionnel est incapable de changer de doctrine. C'est pourquoi il faut bouleverser les règles des économies actuelles pour aller vers une économie écosociale : une économie de bien-être, sociale, écologique, durable, solidaire,  citoyenne, égalitaire et résiliente.

Il convient de s'entendre très rapidement sur les contours de cette nouvelle économie à mettre en place pour que le futur de toute l'humanité reste sur terre et non dans l'espace, sans créer de révolutions politiques, industrielles, technologiques, morales, etc.

Sortir du capitalisme financiarisé

Les Banques centrales doivent revenir à leurs seuls objectifs principaux et maintenir la stabilité des prix, en d'autres termes sauvegarder la valeur des monnaies et donc la stabilité du bien-être. Les États dépensent trop et mal. Ils doivent emprunter directement aux Banques centrales sans passer par des banques commerciales et négocier leurs obligations sur les marchés boursiers. Ils doivent emprunter via des établissements de crédits publics avec un taux d'endettement maximal autorisé. Pour le surplus il faut drainer l'épargne des ménages en créant des fonds d'investissements sous la forme de livrets réglementés.

Un fonds citoyen ne crée pas de liquidités nouvelles donc pas d'inflation par excès de création monétaire. Il permet de réduire la dette et le déficit public par une croissance choisie, définie et acceptée par les citoyens. Il permet de réduire les dépenses de l'État par l'augmentation des recettes fiscales et diminuer les prélèvements obligatoires, etc.

Redistribuer autrement les richesses

Pour les inégalités entre les pays, les plus riches doivent arrêter le gaspillage de l'argent public (industriel, alimentaire, etc.) et utiliser ce surplus pour aider les plus pauvres dans les projets zéro émission nette. Il y aura un effet de réduction immédiate sur les chiffres du déplacement forcé dans le monde et moins d'embuscade des parties extrêmes en politique dans les pays démocratiques.

Pour les inégalités internes aux pays, cela doit se faire par une réduction drastique du niveau de revenu des plus riches (hors patrimoine industriel). Il faut limiter les écarts de revenus au sein d'une entreprise, d'un territoire, d'une population et réguler les écarts de fortune entre les plus riches et les plus pauvres. La richesse sera moins accaparée par les plus riches et mieux répartie.

Restaurer les processus naturels

Les processus naturels et la biodiversité fournissent des nombreux services essentiels à la survie de l'humanité et ont une grande valeur dans l'économie. Un fonds citoyen doit être mis en place pour sauvegarder cette biodiversité. Les sources de biens et de services de la biodiversité sont : oxygène, nourriture, médicaments, matières premières, pollinisation, fertilisation des sols, épuration de l'eau et prévention des inondations.

Relocaliser la production

Pour mettre en place un vrai plan de relocalisation de la production, les taux d'intérêts des banques centrales ne doivent pas subir de remontée brutales et l'inflation doit être contenue. Des taux élevés renchérissent le coût des investissements pour les entreprises qui veulent rapatrier leurs activités et peut les conduire à différer d'autres investissements de développement. Ce besoin d'investissement de relocalisation est très important et les budgets publics peuvent ne pas être suffisants. Un autre fonds citoyen doit être mis en place pour réduire l'impact de l'homme sur la nature comme consommer moins d'énergie ou réduire les besoins illusoires. Cette réduction entraîne une suppression des aides à certaines exportations et la remise en cause des accords commerciaux qui dégradent l'environnement et le travail.

Éliminer les subventions préjudiciables

Éliminer les subventions préjudiciables et les subventions aux industries nuisant à l'environnement. Plusieurs industries nuisant à l'environnement sont maintenues en vie pour sauvegarder les emplois. Ces subventions entraînent des baisses de prix, une augmentation de la consommation et affaiblissent les actions des États. Un troisième fonds citoyen doit être mis en place pour investir dans les industries propres et compenser les pertes d'emplois.

Réformer la propriété foncière

Réformer la propriété foncière permet de restituer les terres foncières et agricoles aux groupes et personnes qui les géreront d'une manière équitable, écologique et socialement rationnelle. Ces personnes et groupes doivent œuvrer pour préserver les terres, faciliter l'accès des citoyens et des paysans à cette terre et développer une agriculture saine et paysanne. C'est aussi encadrer les lobbies professionnels majoritaires qui concentrent beaucoup de pouvoirs. Un quatrième fonds citoyen à mettre en place pour participer dans des structures solidaires ou foncières.

Appliquer la tarification des coûts sociaux

Le coût d'un produit doit intégrer le coût du chômage dans le pays d'origine si le produit est importé. Il doit intégrer les coûts causés par les dommages environnementaux dus à la fabrication de ce produit. Il est clair que cette approche augmentera les prix sur les marchés. Le gouvernement doit instaurer une taxe sur la valeur ajoutée très réduite pour les consommateurs sur les produits concernés et instaurer des nouvelles taxes pour les entreprises impliqués. L'argent de ses taxes créera un nouveau fonds qui compensera la perte subie par le budget des États et soutiendra les réparations des dommages causés.

Adapter le code du capital

« La capacité qu'ont les capitalistes de s'enrichir ou de nuire au bien commun ne tient qu'à un ... code », Katharina Pistor Seuil.

Mesurer autrement l'économie

Il parait maintenant clair que le modèle monétaire actuel basé sur la croissance du produit intérieur brut (PIB) est obsolète. On remarque qu'avec la croissance du PIB, des forêts disparaissent, des champs sont bétonnés ou asphaltés, les rivières sont eutrophisés, la biodiversité se brise et le climat s'échauffe. Il faut utiliser les flux de matières et d'énergie : produire dans les limites de la biosphère.

Laisser les citoyens décider de l'affectation de leur épargne

Au lieu de laisser l'inflation et les taux directeurs des Banques centrales détruire l'épargne des ménages, il faut utiliser cet argent mal employé par les banques pour mettre en place plusieurs fonds citoyens afin de soutenir les économies sociales et écologiques. Il faut investir massivement pour la sobriété : l'éco-conception, le réemploi, la réparation, le partage, les circuits courts, etc. Réinvestir dans la cohésion sociale : les zones rurales, les banlieues, la santé, la dépendance et le handicap, etc.

« Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été pêché, alors on saura que l'argent ne se mange pas ». Proverbe Amérindien de Alanis Obomsawin

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Commentaires 2
à écrit le 19/07/2023 à 8:31
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Chercher à convaincre 8 milliards d'humains plutôt que quelques milliers de mégas riches à forcer, tout ceci empeste la défaite planifiée.Votre système qui vous procure tellement de confort s'écroule parce que vous lui demandez toujours plus de privi...

à écrit le 18/07/2023 à 17:39
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L'économie n'est que du jonglage avec du virtuel et les solutions n'ont pas à venir d'en haut ! ;-)

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