Relancer l'investissement au pays du CEDRE

Paris accueille ce 6 avril la « Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises » (CEDRE). L'enjeu est d'établir un contrat de confiance entre l'État libanais, les investisseurs et la communauté internationale afin de moderniser les infrastructures et d'améliorer les services publics du Liban. Il y a urgence, le pays abrite plus d'un million de réfugiés syriens, soit près d'un quart de la population. Par Gaël Giraud, économiste en chef de l'Agence française de développement, et Olivier Ray, directeur de l'Agence française de développement au Liban.
Le gouvernement libanais a recensé une liste d'infrastructures prioritaires, qui seront présentées à la conférence CEDRE ce vendredi 6 avril à laquelle participera le Premier ministre libanais Saad Hariri (photo).
Le gouvernement libanais a recensé une liste d'infrastructures prioritaires, qui seront présentées à la conférence CEDRE ce vendredi 6 avril à laquelle participera le Premier ministre libanais Saad Hariri (photo). (Crédits : Reuters)

Le Liban a besoin d'une politique d'investissement dans ses infrastructures publiques. Pour que ces investissements favorisent la reprise de l'activité économique, ils doivent être accompagnés de réformes essentielles à leur viabilité et à la confiance des investisseurs. C'est l'enjeu de la « Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises » (CEDRE) que la France a proposé d'accueillir à Paris le 6 avril prochain, et du processus multilatéral qui la suivra.

Les infrastructures au pays du cèdre pâtissent d'un manque chronique d'investissements : saturées par les intérêts de la dette (plus de 30% des dépenses publiques) et les subventions à l'électricité, les dépenses publiques sont insuffisantes pour assurer des services publics dignes d'un pays à revenu intermédiaire. Le Liban se positionne ainsi au 113e rang sur 137 pays au titre de l'indicateur de l'efficacité des infrastructures du Rapport mondial sur la compétitivité. Le courant est rationné plusieurs heures par jour, l'eau est impropre à la consommation sur une grande partie du territoire, moins de 20% des eaux usées sont traitées, les transports publics sont inexistants et les services sociaux (santé et éducation notamment) ne couvrent pas l'ensemble des besoins de la population. La crise des déchets qui a touché le pays pendant près de 9 mois en 2015 a entrainé une forte mobilisation, marquant le début d'une dynamique de structuration d'organisations de la société civile autour d'enjeux majeurs de politiques publiques. Mais l'accueil par le Liban de plus d'un million de réfugiés syriens, soit près d'un quart de la population, sollicite également fortement les infrastructures, en particulier les écoles, les systèmes d'eau et d'assainissement et les hôpitaux publics.

Il est donc urgent de moderniser les infrastructures et d'améliorer les services publics du Liban dans un contexte où, qui plus est, l'activité économique reste atone depuis le début de la guerre en Syrie - qui vient d'entrer dans sa huitième année. Ce volontarisme est nécessaire pour inverser la dynamique d'émigration d'une partie de la jeunesse libanaise. Il allègerait aussi les impacts socio-économiques de l'accueil des réfugiés. Cette stratégie participerait à la prise de relais graduelle d'une logique humanitaire par celle de développement de l'économie d'accueil au profit de tous. Aussi l'Agence française de développement, comme nombre d'autres organismes de développement, ont-ils choisi d'accompagner cette démarche.

Le gouvernement libanais a recensé une liste d'infrastructures prioritaires, qui seront présentées à la conférence CEDRE. Les capacités d'endettement de l'État étant limitées, le financement de ces investissements devra notamment mobiliser des financements privés. L'adoption, en septembre 2017, d'une loi permettant les partenariats publics-privés constitue une étape importante dans ce sens. Pour être vertueux, de tels partenariats nécessitent toutefois l'établissement d'une relation de confiance entre les secteurs privé et public, qui se construira dans la durée sur le fondement de premiers succès incontestables.

Comme l'acronyme CEDRE le laisse entendre, la réussite de cette stratégie fondée sur les infrastructures requiert aussi la mise en place de réformes essentielles à la viabilité de ces dernières. Elles concernent aussi bien les différents secteurs concernés (eau, déchets, électricité...) que la gestion des finances publiques : fonctionnement impartial de la justice et des autorités de régulation qui veillent à la gouvernance des secteurs de l'eau, des déchets et de l'énergie ; marges de manœuvres budgétaires pour l'entretien des infrastructures... Les modalités de ratification des financements doivent aussi être traitées : d'importants retards persistent dans la validation et l'exécution des projets qui bénéficiaient de financements internationaux. Enfin, la participation des citoyens aux décisions sera déterminante pour l'acceptabilité sociale du plan d'investissement.

Au-delà de l'amélioration des services publics pour les citoyens, l'enjeu pour le pays est d'avancer vers un modèle de développement plus durable à travers une triple transition : économique, via une diversification des moteurs de la prospérité ; sociale, via la réduction des inégalités ; environnementale, à travers des modèles d'énergie, de transport et de gestion des déchets qui ne remettent pas en cause la santé et l'avenir des jeunes Libanais.es sur la terre qui leur a donné naissance.

CEDRE s'inscrit dans une séquence de trois conférences de soutien à un pays vulnérable en prise avec un environnement régional tumultueux et dont la prospérité est décisive pour la stabilité du Moyen-Orient. La première, qui s'est déroulée à Rome le 15 mars, a apporté une aide aux forces libanaises de sécurité afin d'assurer la souveraineté de l'État sur l'ensemble de son territoire. La troisième se tiendra à Bruxelles fin avril et mobilisera des financements internationaux en faveur de l'accueil des réfugiés syriens dans les pays de la région. Ce qui se joue à Paris le 6 avril est un contrat de confiance entre l'État libanais et ses citoyens d'une part, les investisseurs d'autre part, la communauté internationale enfin. C'est l'occasion, pour nos pays, de se montrer solidaires avec un État dont la population, traumatisée par quinze ans de guerre civile (1975-1990), a su résister aux sirènes de la violence. Une opportunité pour les entreprises internationales d'investir au Liban. Une chance pour le Liban, qui peut faire la preuve de son sérieux dans la voie des réformes et d'un développement plus équitable et plus durable.

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Commentaire 1
à écrit le 05/04/2018 à 16:54
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"Il est donc urgent de moderniser les infrastructures et d'améliorer les services publics du Liban" Nous en Europe le consortium financier à la tête du continent nous impose de suprimer nos services publics, parce que ça coute cher, du coup la di...

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