Sept facteurs de risque pour le marché boursier français en 2024

OPINION. En 2020, la surprise fut une pandémie mondiale. En 2022, c'était l'invasion de l'Ukraine par la Russie. En 2023, c'est la guerre Israël-Hamas. Pour 2024, les inconnues seront le marché du travail, le marché boursier, l'inflation, le taux directeur, l'élection européenne, la volatilité du marché financier, la consommation des ménages, etc. Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.
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C'est un des principaux risques pour le marché boursier en 2024. Le taux de chômage augmenterait à 7,5% en 2024 pour atteindre 7,8% en 2025, avant de revenir à 7,5% fin 2026. Les tendances du chômage sont fortement corrélées à la confiance des entreprises envers l'économie nationale. Un taux de chômage élevé signifie qu'une partie importante de la population vit sans revenu stable. Une forte hausse du chômage nuirait gravement aux consommateurs et mettrait en danger la capacité du marché à atteindre les prévisions prévues.

Le CAC40 a progressé de 16,5% en 2023, c'est sa troisième meilleure performance depuis 10 ans. C'est grâce aux valeurs technologiques et au secteur du luxe. À part ceux qui ont tiré le 'ticket gagnant' beaucoup de sociétés cotées avaient des performances négatives. À la fin de l'année 2023, les actions françaises à petite et moyenne capitalisation étaient presque toutes en baisse. L'indice CAC Mid & Small (indice boursier français composé de capitalisations boursières de l'univers des PME) ne progresse que de 1,6%. Un marché haussier soutenu par une poignée de gagnants peut-il durer longtemps ?

Pour lutter contre l'inflation, la Banque centrale européenne BCE fait une pause sur son augmentation des taux directeurs. Elle devrait maintenir ces taux à des niveaux élevés pendant plusieurs mois avant de lâcher du lest. Le ralentissement économique inquiète les grandes entreprises. Au troisième trimestre 2023, le secteur du luxe réalise des hausses de chiffres d'affaires moins importantes que prévues. Y aura-t-il un décrochage en bourse ?

Le marché immobilier est un point qu'il faut surveiller de près. L'indice des prix à la consommation IPC prend en compte l'évolution des loyers, mais pas l'évolution des prix à l'achat. Louer un logement en 2024 risque d'être plus difficile qu'auparavant. La cause réside en une véritable explosion des tensions sur le marché locatif, provoquée par un effondrement de l'offre. Avec des taux directeurs haut inchangés, les banques ne sont pas tentées à diminuer leurs taux d'intérêt pour les prêts immobiliers. Un crédit immobilier plus cher, ce sont des projets immobiliers plus complexes. Avec une baisse de prix qui s'accélère sur l'immobilier, pour les grands investisseurs faut-il investir dans la bourse ou dans l'immobilier locatif avec en 2024 ? Les investisseurs achètent généralement des actifs qui produisent de la valeur au fil du temps. Pour eux l'actif devrait augmenter le prix et le bien peut être vendu pour plus que ce pourquoi il a été acheté. Les rendements au niveau de ces deux investissements sont comparables, mais avec l'effet levier l'immobilier permet de s'enrichir plus rapidement avec moins de risques.

En 2024, en zone euro, la BCE table sur une hausse des prix de 2,7%, encore loin de sa cible de 2%, avec une croissance de 0,8%. Il n'y aura pas de progrès significatif dans la lutte contre l'inflation. Avec une demande qui ne sera pas robuste et un marché du travail qui reste fragile, la BCE va adopter une position qui « va en guerre », ce qui pourrait conduire à une augmentation de la volatilité des marchés. Les investisseurs cherchent toujours à anticiper la performance future des titres placés en bourse. Un changement de taux d'intérêt implique des changements potentiellement majeurs au sein de l'économie et donc au sein de la bourse également.

  • Les élections européennes

L'histoire montre que les grandes années électorales ont un impact significatif sur les marchés financiers, et 2024 ne devrait pas être différente. Clairement, ces élections vont exercer une influence sur les marchés financiers. Les investisseurs redoutent une montée du populisme qui s'accompagne de la peur d'une Europe fragmentée. Les taux hauts de la BCE ne pourront pas comme en 2019 (année avec des taux bas) soutenir les marchés boursiers.

La forte volatilité du secteur financier constitue un autre obstacle pour l'économie et les marchés financiers, en particulier dans deux domaines clés : le secteur bancaire et l'immobilier. Après le secteur de l'immobilier exposé ci-dessus, nous examinerons le secteur bancaire.

Les banques de la zone euro soumises à la supervision de la BCE ont enregistré des moins-values latentes nettes de 73 milliards d'euros environ dans leurs portefeuilles obligataires détenus au coût amorti en février 2023. Les banques subiraient des pertes en situation de tensions sur les marchés si elles procédaient à une vente ferme de leurs titres, au lieu de se procurer des liquidités par d'autres créneaux comme se refinancer auprès de la BCE ou d'autres banques. Dans tous les cas les moins-values latentes « ne sont pas comptabilisées dans les comptes de résultat ou les bilans des banques en raison de leur traitement comptable différent résultant d'un horizon de placement plus long ». Que l'on conserve les titres jusqu'à l'échéance ou non, les risques existent en 2024.

Le risque de liquidité existe si la BCE, pour lutter contre l'inflation, asséchait plus rapidement l'importante liquidité déversée dans le système financier depuis 2015 ?

L'exemple montre le risque de change. Un investisseur américain détient des bons du Trésor en euros. Il s'expose à un risque de change si l'euro baisse par rapport au dollar. La situation économique en zone euro parait plus fragile qu'aux États-Unis. À la fin 2023, un euro valait 1,1050 dollar. Ce taux pourrait se stabiliser autour de 1,05 dollar et à moyen terme atteindre la parité. Trois facteurs feront baisser l'euro. En premier, il est probable que la BCE lancera le cycle d'assouplissement quantitatif avant la Réserve fédérale des Etats-Unis Fed. En deuxième, la productivité augmente aux États-Unis tandis qu'elle décélère en Europe. Enfin, les réinvestissements du Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP) peuvent se réduire donc moins de liquidité.

Le marché boursier sait que la situation pourrait être mauvaise si elle ne peut pas compter sur le consommateur pour prendre le relais dans une économie en berne.

« Le pouvoir d'achat par habitant continuerait à progresser sur un rythme d'environ 0,5% par an en 2024 et en 2025 ».

Ce rythme est très lent. En corrigeant le taux par l'inflation, le pouvoir d'achat va être réduit à -2% en 2024 et -1,3% en 2025. Avec une croissance modeste, les ménages vont abaisser leurs dépenses en voitures, meubles et vêtements, mais ils vont augmenter leurs dépenses en vacances, en logement et en soins de santé.

Les liquidités diminuent, le crédit est devenu plus coûteux.

« À partir de 2024, les deux moteurs des revenus salariaux s'inverseraient : l'emploi ne soutiendrait plus la progression du pouvoir d'achat, mais les salaires nominaux progresseraient plus vite que l'inflation », le revenu disponible diminuerait après déduction du « reste à charge » des soins de santé. Le pouvoir d'achat et les investissements boursiers vont être freinés.

« L'économiste est celui qui est toujours capable d'expliquer a posteriori pourquoi il s'est, une fois de plus, trompé ». Bernard Maris, économiste.

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