Soutenir les collectivités locales, c’est soutenir l’investissement et l’emploi  !

OPINION. L'Etat ne peut pas tout. Dans les territoires, c'est un constat qui fait consensus. Lorsque l'on ajoute le fait que près de 70% de l'investissement public provient des collectivités locales, la chose devient évidente. Mais si l'Etat ne peut pas tout, sa carence ou son manque de réactivité peuvent pénaliser lourdement notre tissu économique local. Par Christophe Bouillon, Président de l’APVF, Ancien Député de Seine-Maritime, Maire de Barentin et Bruno Cavagné, Président de la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP)
Christophe Bouillon et Bruno Cavagné
Christophe Bouillon et Bruno Cavagné (Crédits : DR)

Prenons l'exemple du secteur des travaux publics. A lui seul, il représente un chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros. La somme n'est pas négligeable, mais ce secteur est d'autant plus indispensable qu'il irrigue tout le reste de l'économie : il n'y a qu'à penser aux 80% du territoire national en « zones blanches de mobilité », qui attendent encore d'être désenclavées pour réaliser l'importance de ce secteur pour le pays- et évaluer l'importance des investissements nécessaires. Or, il se trouve que ce sont les collectivités territoriales qui réalisent les commandes. Entre 2013 et 2016, lorsque l'Etat a diminué la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) aux collectivités, l'investissement local a chuté de 18% entraînant un repli de 20% de l'activité des travaux publics.

On aurait pu croire que les collectivités demanderaient, encore, sébile à la main, de l'argent à l'Etat. Pourtant, les Maires reprennent la réponse du marchand Legendre à Colbert, qui demandait ce  que l'Etat pouvait faire pour l'aider : « Laissez-nous faire » ! Mais à une condition : ne remettez pas en cause l'autonomie financière des collectivités. Bien au contraire, au cours des dernières années, de rabotages en réaffectations, de simplifications en coupe claires, l'autonomie fiscale des collectivités est de plus en plus nominale. Les Maires demandent simplement qu'on leur garantisse les ressources pour agir dans leur territoire, au service du tissu économique local. Le gouvernement ne semble pas prendre les mesures d'économies qu'il impose aux autres - rappelons à ce sujet que les collectivités ne sont pas endettées - ce qu'il s'épargne à lui-même.

Le « blackout territorial »

En effet, la décision du gouvernement de ne pas indexer la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) sur l'inflation revient à baisser les ressources des collectivités locales pour l'année 2023. Certes, une enveloppe de 320 millions d'euros a été accordée, mais il aurait fallu plus du triple pour compenser les effets de l'inflation.

Cette situation est d'autant plus alarmante que la conjoncture économique est plus que morose. La Commission européenne prévoit une croissance atone pour la France en 2023, à 0,4%. Par ailleurs, sur le front de l'inflation, les coûts auxquels font face les collectivités flambent - +500% des prix de l'électricité en un an dans certaines communes ! La baisse de certaines ressources, liée à une faible croissance, couplée à une hausse des charges, du fait de l'inflation, risque inévitablement, par un effet ciseau, de faire chuter l'investissement local. A court terme, cela signifie avoir un effet procyclique sur la contraction de l'économie. A plus long terme, il n'est pas dit que les investissements non réalisés en 2023 seront reportés : en effet, à mi-mandat, c'est maintenant que les investissements sont décidés pour les années à venir. Voilà pourquoi les Maires des petites villes alertent depuis des mois sur un réel risque de « blackout territorial » qui aurait de très lourdes conséquences pour l'ensemble du pays.

Par ailleurs, outre la question financière, se pose également la question des normes qu'impose le gouvernement et qui freinent l'investissement. Ainsi du « ZAN », qui, bien qu'inconnu du grand public, affectera l'ensemble de nos concitoyens. Le « ZAN », autrement connu comme « zéro artificialisation nette », vise à limiter l'artificialisation des sols. L'intention est louable. Mais le gouvernement a décidé d'appliquer un « ZAN » à taille unique : toutes les collectivités, sans prendre en compte ni spécificités locales, ni efforts de désartificialisation, ou encore moins les projets locaux, y seraient soumises. Tant et si bien que, des Maires qui auraient les moyens de réaliser des investissements hésiteront désormais à le faire, tant les craintes des conséquences juridiques sont fortes.

A l'heure où s'achève la COP 27 en Egypte, où l'on a convenu, encore une fois, de l'importance des efforts à accomplir, on ne peut traiter légèrement cette question des investissements. Et ce d'autant que la transition écologique passera d'abord par des investissements de proximité, dans les territoires. Nous proposons donc que des incitations fortes soient données rapidement par l'Etat en direction des collectivités territoriales, notamment à travers le déploiement rapide des crédits de paiement du « fonds vert », d'incitations par des adaptations du FCTVA, de l'harmonisation des calendriers d'attribution des dotations à destination des collectivités, de la simplification de leurs critères d'instruction ou encore de l'actualisation des montants d'attribution pour tenir compte de l'inflation. Ainsi, plus que jamais, soutenir les collectivités territoriales, c'est faire levier pour réaliser les investissements dont le pays a tant besoin.

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Commentaire 1
à écrit le 24/11/2022 à 18:41
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"L'Etat ne peut pas tout." ? Sauf qu'elle subtilise les moyens financiers pour en faire des dépendances ! ;-)

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