Vers la radiothérapie personnalisée

IDEE. De nombreux patients atteints d'un cancer sont traités par radiothérapie. Les progrès technologiques en cours ouvrent la voie à une personnalisation des doses délivrées. Par Bénédicte Poumarède, Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) - Université Paris-Saclay et Paul-Henri Roméo, Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) - Université Paris-Saclay.

Plus de la moitié des patients atteints d'un cancer sont traités, chaque année, par radiothérapie. Avec l'avènement de nouvelles technologies et procédés comme la radiothérapie conformationnelle par modulation d'intensité et de l'arcthérapie volumique modulée, le radiothérapeute parvient à conformer de mieux en mieux la dose délivrée au volume ciblé. Cela permet d'augmenter l'efficacité thérapeutique de la radiothérapie tout en diminuant les effets secondaires indésirables.

Malgré ces progrès, il reste des voies de développement pour optimiser et personnaliser davantage les traitements de radiothérapie. Parmi celles-ci, on retrouve la prédiction de la toxicité de ce traitement et sa réduction. Afin de répondre à ces deux enjeux majeurs, le CEA est engagé dans des recherches visant d'une part à déterminer d'une manière précise et personnalisée la dose de rayonnement absorbée par les tissus sains, d'autre part à caractériser la sensibilité et la susceptibilité individuelles aux radiations afin d'éviter les toxicités secondaires à une radiothérapie.

Vers une dosimétrie complète, précise et personnalisée

Lors des traitements de radiothérapie, des rayonnements peuvent atteindre des régions périphériques et éloignées de la zone tumorale : des doses additionnelles faibles sont donc délivrées aux tissus sains. Or, de nombreuses études épidémiologiques montrent des effets iatrogènes et l'existence de la relation entre faibles doses et risques tardifs de cancer ou de troubles cardiaques. L'adaptation de la technique « la moins irradiante raisonnablement possible » s'avère alors être d'un intérêt majeur mais suppose que ces doses additionnelles soient connues de façon précise et prédictive, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Comparaison des doses délivrées par une méthode d'irradiation dite conventionnelle (3DCRT) et d'une méthode par modulation d'intensité (IMRT). CEAAuthor provided

Les chercheurs de la plateforme DOSEO, de l'institut List du CEA, tentent de répondre à cette problématique en développant des logiciels basés sur les codes de simulation Monte-Carlo, qui permettent un calcul très précis de la dose physique.

Un premier travail a conduit à développer un logiciel qui calcule, de façon personnalisée et précise, les doses délivrées au patient lors de l'imagerie de positionnement. Cet outil permet ainsi d'optimiser les protocoles utilisés pour cette phase de traitement afin que les tissus sains soient le moins irradiés. A ces doses liées à l'imagerie de positionnement s'ajoutent celles délivrées aux tissus sains lors du traitement par radiothérapie. Ces doses ont pour origine les rayonnements de fuite de la tête de l'accélérateur et les rayonnements diffusés par les accessoires et le patient. Les particules doivent alors être transportées dans toute la géométrie de l'accélérateur ainsi que dans le patient, et ceci pour des régions en dehors du champ de traitement, par nature beaucoup moins échantillonnées. Les chercheurs de DOSEO développent un code spécifique mettant en œuvre une méthode adaptée de réduction de variance, basée sur la technique du transport pseudo-déterministe, afin d'obtenir la convergence des calculs. Les logiciels développés sont ensuite tous validés grâce aux moyens expérimentaux d'irradiation et de détection de la plate-forme.

Sensibilité et susceptibilité individuelle

Parmi les patients traités par radiothérapie, 5 à 15 % d'entre eux sont susceptibles de présenter des phénomènes de toxicité secondaire (dermite, rectite, fibrose, etc.), en raison d'une hyper-radiosensibilité. L'absence de tests de radiosensibilité prédictifs de ces effets secondaires tardifs délétères observés chez ce petit nombre de patients traités par radiothérapie entraîne une limitation de la dose délivrée, donc une probable diminution de l'efficacité de la radiothérapie chez la plupart des patients traités. Ainsi, au-delà des évolutions techniques permettant une irradiation de plus en plus ciblée de la tumeur, l'optimisation de la radiothérapie nécessite une caractérisation des mécanismes, des cellules et de la génétique gouvernant la radiosensibilité individuelle, dans le but de mettre au point des tests prédictifs de radiosensibilité individuelle robustes, rapides et validés. L'Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire effectue des recherches directement liées à cette problématique.

Les chercheurs de l'iRCM ont mis au point un test simple qui permet de déterminer la radiosensibilité des lymphocytes humains et l'ont utilisé pour déterminer la génétique de cette radiosensibilité. Ils ont identifié un gène appelé TRAIL dont l'expression est directement liée à cette radiosensibilité. L'étude du lien génétique entre TRAIL et la radiosensibilité des lymphocytes a permis d'identifier trois polymorphismes nucléotidiquesde ce gène liés à cette radiosensibilité. Ces travaux montrent que la radiosensibilité est génétiquement déterminée, ce qui ouvre un champ de recherche sur la personnalisation de la radiothérapie. En outre, l'étude d'une cohorte de 113 patientes atteintes d'un cancer du sein et présentant des complications après un traitement par radiothérapie, a mis en évidence un lien entre deux des polymorphismes du gène TRAIL et la survenue d'une complication de la radiothérapie, la radiodermite aiguë ou subaiguë.

Cette étude pionnière illustre comment la génétique, associée à des tests fonctionnels de radiosensibilité cellulaire, peut ouvrir une voie à la personnalisation de la dose délivrée lors du traitement d'un cancer par radiothérapie. L'objectif final des recherches menées au CEA en radiothérapie est de personnaliser ce traitement. Les deux approches utilisées, physique et biologique, ainsi que les applications industrielles et médicales de ces recherches montrent la place importante que le CEA occupe et doit accroître dans la personnalisation de la radiothérapie.

The Conversation ________

 Par Bénédicte PoumarèdePhysicienne, responsable de la plateforme DOSEO , Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) - Université Paris-Saclay et Paul-Henri RoméoRadiobiologiste, chef de l'Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire (Institut de Biologie François Jacob), Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) - Université Paris-Saclay

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Commentaire 1
à écrit le 18/02/2019 à 16:18
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Je ne pense pas que demander d'où viennent tout ces cancers passés première cause de mortalité soit hors sujet. Tabou pour vous visiblement ça c'est certain mais pas rassurant... -_-

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