Investir dans le déploiement des énergies renouvelables en Afrique, une urgence européenne ?

Malgré un taux d’ensoleillement exceptionnel et un potentiel hydraulique gigantesque, le continent africain manque de capitaux pour développer des projets de production d’énergies renouvelables. Pourtant, alors que près de la moitié de la population n’a toujours pas accès à l’électricité, les besoins sont immenses et les enjeux à long terme décisifs, tant pour l’Afrique que pour l’Europe.
Table-ronde « Les ENR, une solution africaine » lors du POwR Earth Summit le 14 mars 2024.
Table-ronde « Les ENR, une solution africaine » lors du POwR Earth Summit le 14 mars 2024. (Crédits : DR)

Un « paradoxe insupportable ». Voilà comment Elisabeth Moreno, ancienne ministre et présidente du fonds d'investissement Ring Capital, a résumé le développement des énergies renouvelables en Afrique lors de la première édition du POwR Earth Summit. Et pour cause, sur ce continent qui bénéficie d'un extraordinaire potentiel de production d'énergie photovoltaïque et hydraulique, la plupart des enfants s'éclairent encore à la bougie pour faire leurs devoirs. Pire, le manque d'accès à l'électricité freine le développement économique, ce qui pousse chaque jour des familles à risquer leur vie pour traverser la Méditerranée. « Si le nord et le sud du continent bénéficient d'une bonne couverture énergétique grâce à l'héritage colonialiste, l'Afrique centrale a un taux de couverture de 26%, rappelait également Augustin Tamba, maire de Yaoudé et président de l'association des maires du Cameroun (CVUC). C'est lamentable quand on sait que nous avons le plus grand réseau fluvial du monde. Malgré des politiques locales qui stabilisent les populations, on ne pourra pas avancer tant que nous n'aurons pas accès à l'énergie. »

De la nécessité d'attirer les investissements étrangers

Alors que les scientifiques estiment que 9 des 10 pays les plus menacés par le réchauffement sont en Afrique, l'urgence climatique nécessite donc d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables pour améliorer la qualité de vie des Africains et leur donner accès à des solutions d'adaptation. Outre les drames humains inhérents aux crises migratoires, ce soutien au développement économique africain s'impose aussi comme une solution pour contenir la montée du populisme en Europe. « Si le nord ne travaille pas avec le sud, les problèmes du sud seront demain les problèmes du nord, a expliqué Elisabeth Moreno. Or la transition énergétique nécessite des investissements colossaux. Il ne s'agit donc pas de donner des leçons mais d'accompagner l'Afrique, qui aura d'ici 2050 la population active la plus jeune au monde. Mais les projets existent et si l'argent arrive dans les mains de personnes responsables, beaucoup de solutions vont se mettre en place rapidement. ». Pour ce faire, l'ancienne ministre du gouvernement Castex est d'ailleurs à l'initiative de Ring Africa, le nouveau fonds d'investissement de Ring Capital dédié aux projets africains à impact social et environnemental, avec l'espoir d'enclencher la transformation d'un continent en devenir.

Renouer avec la confiance

Mais si le potentiel photovoltaïque et hydraulique de l'Afrique garantit la rentabilité des projets et que les enjeux économiques, politiques et sociétaux ne sont un secret pour personne, reste à fluidifier les relations entre les différentes parties prenantes. « Arrêtons de parler de nos différences et de nos oppositions, suggère Stéphane Tiki, spécialiste des relations internationales et du commerce trans-continental. L'Afrique doit prendre conscience de la valeur de son potentiel et créer des ponts avec l'Europe dans un esprit gagnant-gagnant. Il faut renouer avec une économie qui rassemble et réapprendre à faire du business ensemble. Mais nous devons aussi apprendre à nous faire confiance entre Africains, les compétences sont souvent à côté de nous. ». Pour cela, les participants à la table ronde du POwR Earth Summit ont également souligné l'importance de la formation, afin de permettre aux millions de jeunes qui seront demain sur le marché du travail de mener à bien la transformation énergétique, mais aussi à des millions de femmes de professionnaliser leurs entreprises. « Notre défi consiste à œuvrer ensemble pour que demain soit meilleur, a conclu Stéphane Tiki, sans oublier que si l'Afrique va mieux demain, l'Europe ira mieux après-demain. »

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