En Corse, la ministre Olivia Grégoire promeut l’installation de petits commerces ruraux

ENTRETIEN - La ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme croit à la résurgence du commerce itinérant dans un territoire hyper-rural où l’appel d’offres national est quasiment sans effet. La simplification administrative, son cheval de bataille du moment, et la mauvaise saison touristique de l’île ont été au cœur de sa visite de deux jours dont elle tire le bilan.
« L'État est là pour la soutenir concrètement : jusqu'à 75 000 euros d'aide pour le commerce en dur et jusqu'à 20 000 euros pour le commerce itinérant », souligne la ministre Olivia Grégoire.
« L'État est là pour la soutenir concrètement : jusqu'à 75 000 euros d'aide pour le commerce en dur et jusqu'à 20 000 euros pour le commerce itinérant », souligne la ministre Olivia Grégoire. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vos échanges avec les professionnels du tourisme vous ont-ils éclairés sur le bilan médiocre de la saison en Corse, à contre-courant des bons résultats enregistrés partout ailleurs ?

OLIVIA GRÉGOIRE - La Corse demeure une terre de destination essentielle pour son savoir-faire et ses innombrables trésors, naturels et patrimoniaux, j'oserais dire sans équivalent ailleurs en France. Les échanges poussés avec les acteurs du secteur sont venus étayer ma conviction que le tourisme vit des mutations profondes, marquées par des changements significatifs dans les comportements que la Corse expérimente de façon plus aigüe que bien d'autres régions. La réalité, c'est que depuis le Covid, les touristes ne consomment plus les vacances comme avant. Les départs ne sont plus concentrés l'été ou à la période de Noël mais s'étalent tout au long de l'année.

Les Français partent plus souvent, moins longtemps et moins loin, en privilégiant la montagne - qui a enregistré une croissance de 7 % - et ils vont moins souvent au restaurant.  La Corse n'a pas connu de décrochage en termes de traversées, mais la fréquentation hôtelière a été plus faible, en partie à cause de l'inflation et des répercussions sur les prix, en partie en raison de l'essor de la parahôtellerie. Le tourisme, c'est la politique de l'offre. Ici, on sait faire depuis toujours. Aussi, je n'ai aucune inquiétude sur la capacité des professionnels du tourisme en Corse à adapter leur offre.

La parahôtellerie, ce sont des locations de meublés et de résidences secondaires qui poussent comme des champignons au détriment de l'hébergement marchand. Que peut faire l'État pour rectifier le tir ?

L'État n'a jamais fléchi dans ses missions de contrôle, mais j'ai conscience du phénomène que vous évoquez, vécu ici comme une grosse préoccupation. Aussi, il faudra être particulièrement attentif aux débats qui interviendront prochainement sur le texte de loi, porté notamment par la députée bretonne Annaïg Le Meur, relatif à la fiscalité des meublés touristiques. La voix des territoires y sera entendue dont celle de la Corse à travers ses parlementaires que je sais pugnaces quand il s'agit de défendre les intérêts de leur terre.

Le recrutement de personnels qualifiés est un autre problème récurrent. La CCI de Corse porte le projet de création, à Ajaccio, d'une grande école hôtelière. Vous y adhérez ?

J'adhère pleinement au projet de cette grande école qui, à mon sens, aurait dû exister depuis longtemps. Sur six mille saisonniers, cinq mille traversent chaque année la mer pour y travailler, c'est une hérésie. Nous avons ici une jeunesse viscéralement attachée à ses racines, qui veut y vivre et y travailler avec des salaires dignes de métiers qualifiés, particulièrement dans le monde du tourisme de plus en plus compétitif.

Vous avez pris le bâton de pèlerin de la simplification administrative. Les derniers gouvernements s'y sont cassé les dents. Il n'y a rien de plus compliqué que de simplifier, comme l'a dit Jean Dominici, le président de la CCI de Corse ?

La simplification, c'est d'abord un état d'esprit du législateur, qu'il soit parlementaire ou membre du gouvernement. Elle doit devenir davantage encore un réflexe, un esprit de l'État. Ces dernières décennies, on a pensé simplification une fois que le mal était fait. Or, la meilleure façon de simplifier c'est d'éviter d'empiler les règles et les normes.

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Je suis donc favorable à un traitement préventif de l'inflation normative, et je travaille actuellement sur ce qu'on appelle le « test PME » qui permettrait aux députés, aux sénateurs et aux ministres, avant chaque texte de loi, de prendre en considération l'impact des normes sur les petites et moyennes entreprises en termes de temps, de manque à gagner mais aussi de pertes financières. Dès 2024, je ferai tout pour mettre en place ce dispositif tel qu'il existe déjà en Allemagne et aux Pays-Bas.

Vous agissez aussi en faveur de l'aide à l'installation de commerces dans les zones rurales. Selon vous, deux communes corses sur trois sont éligibles. Pourtant, il y a pénurie de candidatures. Où est le problème ?

Quelle que soit la motivation, le désir de s'installer pour un jeune, le besoin de reconversion professionnelle pour l'adulte, l'attrait de la Corse, peut-être même l'attachement au village de ses racines familiales, l'ambition de faire grandir son petit commerce rural, l'État est là pour la soutenir concrètement : jusqu'à 75 000 euros d'aide pour le commerce en dur et jusqu'à 20 000 euros pour le commerce itinérant. Une tradition dans l'île en voie de disparition mais je crois dur comme fer à son retour.

J'attribuerais plutôt l'insuffisance de candidatures, y compris émanant des maires, à un déficit d'information, notamment sur l'aide de 5.000 euros qu'octroient les préfectures pour répondre dûment à l'appel à projets. La bonne nouvelle, c'est que les postulants potentiels disposent encore d'un délai de deux ans pour s'engager. À ce jour en France, ce sont 72 départements et quelque 150.000 Français qui, en moins d'un an, vont voir des commerces revenir dans leur village.

Mais dans un territoire hyper-rural, à la faible densité démographique, qui souffre du déficit d'équipements publics, aux temps de parcours démesurés, ne faudrait-il pas envisager des aides plus importantes qu'ailleurs ?

J'entends les arguments, mais nous sommes typiquement dans le cadre des thématiques qui sont au cœur du processus de Beauvau, initié par le chef de l'État, engagé dans la perspective d'une évolution institutionnelle de la Corse et de sa mention dans la Constitution.

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Justement, vous avez inscrit votre visite dans l'île dans la continuité de celle du Président de la République. Vous souhaitez, comme lui, une autonomie « à la corse » ?

Dites-vous bien que tout ce que souhaite le président de la République, je le souhaite aussi avec autant de force et de détermination.

En conclusion, que retiendrez-vous de ces deux jours de visite en Corse ?

La Corse est une terre de contrastes. Il existe peu d'endroits dans notre pays où la montagne tombe dans la mer. C'est aussi un peuple d'hospitalité. Il y a des ombres au tableau, mais aussi beaucoup de lumière. Je ne nie pas les difficultés, particulièrement celles liées à l'insularité. Toutefois, en écoutant les élus locaux et les acteurs de toutes les filières, je mesure leur envie, leur dynamisme, leur enthousiasme. Toutes les rencontres que j'ai faites me confortent dans le sentiment que la Corse est promise à un bel avenir économique, notamment le tourisme, parce que la lumière y est plus forte que les ombres.

Commentaires 3
à écrit le 19/12/2023 à 17:35
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"croit à la résurgence du commerce itinérant " que ce soit en Corse ou ailleurs sauf dans des cas spécifiques comme les surgelés ce mode de distribution n'est plus ni adapté ni viable , aujourd'hui vous avez les marchés hebdomadaires qui fonctionne...

le 20/12/2023 à 12:51
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J'ai vu un boulanger faire sa tournée, et un autre commerce aussi (y a bien 8 ans, suis pas retourné en Corse depuis) mais je crois que Pica* ne livre pas, y a parfois des destinations trop lointaines (en Castaniccia, y a une longue route pleine de v...

à écrit le 19/12/2023 à 17:07
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Ah la Corse! Pour y être allé plusieurs fois, certaines années, la Corse sans les Corses aurait été plus sympathique 😃. De très bon souvenirs de la Corse un pays magnifique mais parfois une attitude Corse pire que...Parisienne 🤣

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