La musique plus forte que le vin à la Foire de Colmar

La plus grande foire aux vins d'Alsace est avant tout un festival de musique. Mais ses organisateurs veulent favoriser un retour vers son ancrage historique, dans le vignoble.
Roger Hodgson, l’ancien leader de Supertramp, se produira à Colmar, le 2 août.
Roger Hodgson, l’ancien leader de Supertramp, se produira à Colmar, le 2 août. (Crédits : DR)

« J'y suis déjà allé pour écouter Deep Purple. Mais jamais pour y vendre du vin ! » Theo Bechtold, jeune viticulteur installé à Kirchheim (Bas-Rhin), résume bien l'image véhiculée par la Foire aux vins de Colmar, dont la 72e édition s'est déroulé du 26 juillet au 4 août dernier. « Le vin n'a plus vraiment sa place dans cette foire », confirme Sylvie Vogt, viticultrice à Wolxheim (Bas-Rhin). Dopff au Moulin et le négociant Arthur Metz ont même décidé, en 2013, de la boycotter. Comment la profession a-t-elle pu tourner le dos à la première manifestation viticole d'Alsace, plus grande foire de la région avec 280.000 visiteurs en 2018 ? « La chambre de commerce et d'industrie a créé cette foire pour relancer l'économie dans le vignoble au lendemain de la Seconde Guerre mondiale », rappelle Christiane Roth, présidente de la société d'exploitation Colmar Expo qui organise cet événement. Au fil des années, la foire agricole a ouvert son spectre pour devenir une foire commerciale, puis un festival de musique.

« Au début, il y avait des groupes folkloriques et de la musique symphonique pour animer un peu », rappelle Claude Lebourgeois, responsable de la programmation musicale. « La révolution est arrivée en 1958 quand Johnny Stark, le manager historique de Johnny Hallyday et de Sylvie Vartan, a fait venir ses yé-yé. La révolution suivante a eu lieu en 1989, avec la venue d'artistes internationaux. » Depuis, la production a tutoyé les sommets du rock en invitant des artistes de Woodstock (Santana, Joe Cocker) et d'autres têtes d'affiche internationales (Scorpions, Cranberries...), tout en maintenant des racines françaises : Johnny Hallyday s'est produit 12 fois à Colmar entre 1961 et 2012. Pour présenter ces artistes, Colmar Expo s'est doté d'un théâtre en plein air de 10. 000 places. La « coquille », référence à son architecture ouverte aux quatre vents, affiche complet un soir sur deux. Et ne sert que pour ces concerts. En 2018, elle a accueilli 90.000 spectateurs.

« Nous disposons d'un budget de 4 millions d'euros pour la partie musicale, et nous devons l'équilibrer », indique Claude Lebourgeois. Pas question de jouer la surenchère dans les tarifs de la billetterie, entre 30 et 60 euros en moyenne par spectacle. « Rammstein, ce serait 4 millions d'euros à investir pour un seul concert. Je ne pense pas que les fans de hard rock soient prêts à dépenser 400 euros pour une telle soirée », juge Claude Lebourgeois. Même constat pour AC/DC, à 4 millions d'euros. Avec la proximité de la clientèle allemande et suisse, de tels groupes afficheraient pourtant complet. Mais faute de subventions, les organisateurs colmariens refusent de prendre un tel risque. « Les collectivités ne nous accordent pas leur soutien financier. Nous restons un organisateur privé », rappelle Christiane Roth.

Sting, viticulteur

Colmar Expo a évalué à 33 millions d'euros les retombées économiques de sa Foire aux vins. Grâce à sa programmation musicale, l'événement est devenu la troisième foire commerciale de France derrière Paris et Marseille. Les recettes locales se répartissent entre la production de l'événement, les transports, l'hébergement, le commerce et la restauration. « La Foire aux vins n'est pas un salon de viticulteurs d'où on repart avec ses cartons de vin », confirme Christophe Crupi, son directeur. « Mais nous travaillons sur l'image de la viticulture ». Adossé au vignoble, le site de la foire ne pourra plus éternellement lui tourner le dos : pour l'édition à venir, le Comité interprofessionnel des vins d'Alsace (Civa) est de retour dans le hall principal où il a investi dans un nouveau stand de 200 mètres carrés. C'est un bon début : avec 350 exposants, le site de la foire s'étend sur 43000 mètres carrés. « Pour la première fois, nous allons proposer en dégustation les 51 grands crus d'Alsace », se réjouit Philippe Bouvet, directeur marketing du Civa. L'interprofession accueillera des sommeliers, des conférenciers et des représentants des dix confréries viniques répertoriées dans la région. Ainsi que 3800 viticulteurs alsaciens, qui vont aussi recevoir une invitation.

Pour créer des liens avec le vignoble, les organisateurs du festival essaient aussi d'accompagner les artistes vers les villages aux alentours. « Norah Jones a joué le jeu il y a quelques années, à Eguisheim. Cette année, je proposerai à Sting de rendre visite à un viticulteur. Il est sensible à ce genre de proposition, parce qu'il se trouve lui-même à la tête d'un vignoble en Toscane. Nous allons donc tenter de vendre son vin sur l'un de nos stands », annonce Claude Lebourgeois. L'artiste se produira le 1er août, et la soirée affiche déjà complet. Roger Hodgson, l'ancien leader de Supertramp, chantera à Colmar le 2 août. Il prévoit de passer trois jours en visite guidée dans la région. « On n'économise rien sur l'accueil et l'hébergement des artistes. C'est essentiel pour notre réputation », souffle Claude Lebourgeois.

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