Ce n'est pas pour rien qu'on les appelle les « cathédrales de feu ». Les haut-fourneaux sont capables de transformer le minerai de fer en fonte liquide, comme de la lave de volcan. Mais la fabrication de l'acier a un coût environnemental colossal lié à la consommation d'énergie nécessaire à l'opération et aux rejets de CO2 dans l'atmosphère.
Pour tenir ses engagements de réduction de son empreinte carbone et produire un acier plus vert à Dunkerque, ArcelorMittal va justement construire une nouvelle unité dite « de réduction directe » (DRI), à savoir la réduction des oxydes de fer sans fusion. D'une capacité de 2,5 millions de tonnes, cet acier mélange ainsi le minerai de fer avec de l'hydrogène avant sa fusion, sans recourir au charbon. L'hydrogène vert sera produit par un électrolyseur hyperpuissant de 400 mégawatts, à partir d'eau et d'électricité renouvelable, et non d'hydrocarbures.
« Cette nouvelle unité DRI sera couplée à une technologie innovante de four électrique, et complétée par un four électrique (EAF) additionnel. Des investissements sont par ailleurs en cours pour augmenter la part d'acier recyclé dans la production », a indiqué ArcelorMittal.
Acier recyclé
A Fos-sur-Mer, ArcelorMittal va également installer un four électrique (EAF). Cette nouvelle installation lui permettant de se spécialiser dans la production d'acier recyclé, en baissant le taux d'émission de dioxyde de carbone par rapport à un acier neuf. L'installation permettra aussi de produire de l'acier contenant jusqu'à 25 % d'acier recyclé.
« Cette installation vient compléter le four poche (NDLR : réchauffage de l'acier liquide) annoncé en mars dernier, et soutenu par France Relance. Ensemble, ces investissements vont faire de Fos-sur-Mer un site de référence pour la production d'acier circulaire, produit à partir d'acier recyclé, à faible empreinte CO2 », précise là encore le groupe.
Le projet prévoit également un ambitieux projet de fabrication de carburants de synthèse, à partir de cet hydrogène vert et du CO2 récupéré lors de la fabrication d'acier. Baptisé Reuze, qui signifie géant en flamand, le projet sera un pas de géant pour Arcelor Mittal, avec ses partenaires producteurs d'énergie, Engie et Infinium : l'objectif est de recycler 300.000 tonnes de CO2 et de les combiner avec de l'hydrogène, pour produire près 100.000 tonnes de carburants de synthèse, comme de l' e-kérosène pour les avions ou l'e-diesel pour les transports lourds.
Carburants de synthèse
Moyennant 500 millions d'euros d'investissement, une tour de 22 mètres de haut va justement capter et liquéfier ce gaz à effet de serre, un procédé de haute technologie dimensionné pour capter jusqu'à un million de tonnes par an. « L'installation doit être officiellement inaugurée le 8 mars, et devenir opérationnelle en mai », a annoncé un porte-parole d'ArcelorMittal .
« C'est clairement le plus gros investissement d'ArcelorMittal en France depuis la construction des deux usines de Dunkerque et Fos-sur-Mer, ce qui signifie une pérennité pour la production d'acier en France et en Europe », a déclaré à l'AFP Eric Niedziela, président d'ArcelorMittal France et vice-président Action Climat d'ArcelorMittal Europe. Le groupe a prévu une enveloppe de 10 milliards de dollars annoncée l'an dernier au plan mondial pour réduire son empreinte carbone.
Emplois et savoir-faire
« Nous avons conclu un partenariat extrêmement important, historique, avec ArcelorMittal », a annoncé Jean Castex en visite à Dunkerque. Le Premier ministre a en effet dévoilé ce projet spectaculaire, finançant une décarbonation qu'ArcelorMittal a entamé il y a dans la foulée des accords de Paris, en 2015.
L'annonce politique est d'autant plus importante que le sidérurgiste fait partie des gros pollueurs en France tout en étant un employeur incontournable. L'obligation de trouver des solutions pour atteindre l'objectif des 35 % de réduction de CO2 d'ici à 2030, sans réduire sa production, était donc essentielle pour maintenir les emplois (15.500 salariés en France). Un changement de paradigme, dans un contexte où la transition énergétique faisait plutôt redouter les destructions d'emplois.
ArcelorMittal a annoncé travailler d'ores et déjà à une deuxième phase pour ses opérations en France, qui utilisera notamment le captage-stockage et le captage-utilisation du CO2 (CCS-CCU), « dans la mesure où les technologies et la réglementation en auront confirmé le potentiel ». Objectif : atteindre la neutralité carbone en France en 2050.
Sujets les + commentés