Municipales à Paris : le débat fait (encore) rage sur la gare du Nord

La ville de Paris vient d'adresser cinq exigences au préfet de Paris et d'Île-de-France, Michel Cadot, sur la transformation de la gare du Nord. Ce dernier a en effet jusqu'au 6 juillet 23h59 pour délivrer ou non le permis de construire.
César Armand
Pour éviter de mettre la mairie devant le fait accompli ou de l'ériger en sujet de campagne électoral, le haut fonctionnaire devrait, selon nos informations, prendre sa décision juste après le second tour, soit entre le 29 juin 00h01 et le 6 juillet 23h59.

Il reste dix jours avant le second tour des élections municipales à Paris. Le 16, la maire-candidate (PS) et l'ex-tête de liste Europe-Écologie-Les Verts présentaient leur "Manifeste pour Paris". Interrogés par La Tribune sur leur position commune sur la transformation de la gare du Nord - Anne Hidalgo l'a portée avant de demander à revoir la copie, David Belliard y a toujours été opposé -, c'est l'adjoint sortant chargé de l'urbanisme, de l'architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l'attractivité qui a répondu à leur place.

"Nous avons écrit au préfet [de Paris et d'Île-de-France, Michel Cadot, Ndlr], donné une copie de ce document à Gares & Connexions [filiale de la SNCF porteuse du projet avec Ceetrus, branche immobilière du groupe Auchan, Ndlr] et proposé une négociation sur la base de cinq points", a expliqué Jean-Louis Missika, également co-directeur de campagne de "Paris en commun".

Lire aussi : Gare du Nord: la mairie de Paris appelle à revoir "en urgence" le projet de rénovation

Des "délais contraints" pour réaliser le projet

Le premier est le calendrier. "Certains que ce projet ne pourra être livré" pour la Coupe du monde de rugby de l'automne 2023 et les Jeux olympiques de l'été 2024, "nous proposons un rephasage pour revoir le projet", a dit l'élu parisien. En cela, il n'a fait que reprendre les arguments des experts mandatés par la Ville l'hiver dernier, selon lesquels l'achèvement dans les délais était "non-indispensable" et "d'ores et déjà fortement compromis". Les urbanistes Jean-Louis Subileau et Pierre Veltz, qui ont de nouveau signé une tribune à charge dans Le Monde du 18 juin, ainsi que les architectes Anne Mie Depuydt et Caroline Poulin, préconisaient en janvier dernier de définir "ce qui est vraiment nécessaire pour les JO" et de se donner "le temps de remettre calmement sur le métier le reste du projet".

Un argument balayé dès mars 2020 par la commission d'enquête publique mandatée par la préfecture de Paris-Île-de-France (PRIF). Après avoir appelé à "optimiser" le planning du fait du "délai contraint" par ces échéances, Sylviane Dubail, Jean-François Lavillonnière et Daniel Tournette écrivaient, noir sur blanc, que cette transformation était "indispensable", ne serait-ce que "pour accueillir les participants et visiteurs lors des prochains événements sportifs internationaux de 2023 et 2024". Les porteurs du projet détiennent par ailleurs des marges de manœuvre en cas d'aléas juridiques (recours) ou techniques (travaux stoppés par la Covid-19). Il leur est également possible d'investir davantage de moyens et d'accélérer telle ou telle partie.

Lire aussi : Gare du Nord: la commission d'enquête donne un avis favorable, et maintenant ?

Dé-densifier "reviendrait à modifier le permis"

Le deuxième point porte sur la "dé-densification""Ce projet est beaucoup trop dense", a déclaré Jean-Louis Missika. La gare du Nord devrait en effet comporter 61.500 mètres carrés de surfaces supplémentaires. Outre la création de 10.375 m² d'espaces de loisirs, culturels et sportifs, toutes les autres typologies vont s'agrandir: de 35.200 à 57.600 m² pour les espaces voyageurs, de 25.200 à 32.900 m² pour les bureaux et de 5.450 à 18.900 m² pour les commerces et de 5.250 à 12.825 m² pour la restauration.

Là encore, il y a trois mois, les enquêteurs mandatés par l'État récusaient la proposition de la Ville de réduire la surface commerciale. "Cela reviendrait à modifier le permis de construire et à remettre en cause l'ensemble des avis favorables obtenus sur le projet", soulignaient Sylviane Dubail, Jean-François Lavillonnière et Daniel Tournette. "Nous considérons que ces nouveaux services et activités sont un élément essentiel du projet", insistaient-ils, tout en appelant à poursuivre "le travail partenarial avec la Ville et la mairie du Xè" pour "l'ouvrir davantage sur le quartier."

Une gare du Nord tournée... vers le Nord ou le Sud ?

Pour son troisième point, l'adjoint d'Anne Hidalgo part lui aussi du principe que l'ouverture de la gare sur l'espace public est "essentielle", mais ajoute-t-il, "la gare du Nord est entièrement tournée vers le Sud, cela pose un problème".

À cet égard, une dalle sera construite, orientée vers le Nord pour ouvrir la gare du Nord sur la ville. Dans l'opposition comme sur le terrain, le discours revient toujours: ce projet "va bénéficier à tout le quartier".

900.000 voyageurs quotidiens en 2030

Le quatrième concerne la gestion des flux des voyageurs. "Il est inadmissible qu'on les oblige à faire des détours et des détours. Ça va leur faire perdre plus de temps", dit Jean-Louis Missika. D'ici à 2030 pourtant, la gare qui accueille près de 700.000 voyageurs quotidiens devrait en accueillir près de 900.000. Pensée avant la crise de la Covid-19, la dissociation des entrées et des sorties permet en outre de respecter les règles de distanciation physique.

Dans le même temps, l'élu parisien considère que les voyageurs du quotidien - métro, RER, Transilien, TER Hauts-de-France... - sont "négligés", le projet étant "centré" sur les TGV et les trains internationaux. Si les commissaires-enquêteurs de la PRIF, Sylviane Dubail, Jean-François Lavillonnière et Daniel Tournette, avaient estimé que le projet nécessitait "des compléments pour les voyageurs du quotidien", ils relevaient aussi qu'il plaçait "le fonctionnement" de la gare "au niveau des grandes gares européennes" faisant "face à l'augmentation du nombre de voyageurs". D'autant plus que d'un point de vue architectural, il suffira d'enlever des éléments pour mélanger les flux.

De 2.000 à 4.000 places de vélos si besoin

Le cinquième vise à "revoir l'intermodalité". La vélostation de 2.000 places est "ridicule", juge Jean-Louis Missika, en comparaison de la gare de Copenhague et de ses 10.000 places. Sur les 70% de voyageurs qui prennent un autre mode de transport à la sortie de leur train, la majorité prend un autre train ou le métro ou le bus ou un taxi ou encore un VTC. La cour de ces derniers ne se trouvera d'ailleurs plus en surface mais en souterrain.

Parallèlement, si le besoin se faisait ressentir, la SNCF et les porteurs du projet seraient  prêts à installer, chacun, 1.000 emplacements supplémentaires aux abords de la gare, portant le total disponible à 4.000 places de vélos. La station sera, quant à elle, la plus grande dans une gare d'Île-de-France de même que les deux-roues y seront gardiennés dans un ensemble sécurisé, avec des ateliers de réparation et même des vestiaires.

La deadline est courte

Si la négociation entre d'un côté les directions de la voirie, de l'urbanisme, le secrétaire général de la Ville et de l'autre l'AREP, la filiale architecturale de la SNCF, est toujours en cours, Jean-Louis Missika a déjà "bon espoir" de trouver les moyens de signer un protocole.

"Un projet comme ça ne peut se faire sans l'avis de la mairie de Paris et des riverains ! Regardez les résultats au premier tour", s'exclame-t-il, en référence aux 41,40% obtenus par la maire (PS) du Xè Alexandra Cordebard au premier tour de scrutin. "Il faut trouver la base d'un consensus. La deadline est courte, mais souvent, les négociations les plus courtes sont les meilleures", conclut-il.

Réponse avant le 6 juillet 23h59

Effectivement, le préfet de Paris, préfet d'Île-de-France Michel Cadot, a d'ici au 7 juillet prochain pour délivrer, ou non, le permis de construire. Pour éviter de mettre la mairie devant le fait accompli ou de l'ériger en sujet de campagne électoral, le haut fonctionnaire devrait, selon nos informations, prendre sa décision juste après le second tour, soit entre le 29 juin 00h01 et le 6 juillet 23h59.

En attendant, la candidate des Républicains Rachida Dati, qui s'est rendue sur place le 27 février avec le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, soutient la rénovation. L'entourage d'Agnès Buzyn confie, lui, qu'il est "nécessaire de rénover la gare" et qu'il "faudra reprendre" le dossier "mal géré" par l'équipe actuelle. "C'est un bon exemple de la volte-face de la municipalité sortante", assène-t-on à La Tribune.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 19/06/2020 à 18:19
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Si la transformation de la gare du Nord est du même tonneau que ce qui a été déjà réalisé alors on ne peut être que dubitatif. Moi c'est cette maison penchée devant la gare qui m'a le plus choqué. Cette imitation de la tour de Pise en Italie -qui est...

à écrit le 18/06/2020 à 15:48
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Continuer de tirer des plans sur la comète sur des grands rassemblements populaires que sont les tournois de sport ne devient il pas totalement hasardeux par temps de covid ? L'investissement vaut il toujours le coût ? JE suis sûr que aucune nouvelle...

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