Dans le Tarn, Nicolas Vento transforme les coques de bateaux en système de traitement des eaux polluées

Entre Castres et Lautrec, la société Vento-Sol s’apprête à utiliser les coques de bateaux de plaisance hors d’usage pour en faire des cuves de stockage et de traitement des effluents sanitaires. (Cet article est issu de T La Revue n°15 – « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement ? »)
(Crédits : Frédéric Scheiber)

Selon la fédération nationale des industries nautiques, la France apparaît comme le leader européen et l'un des leaders mondiaux dans le marché du bateau de plaisance. Au début des années 2020, l'Hexagone dépassait même largement le cap du million de bateaux de plaisance immatriculés. Mécaniquement, la production de navires neufs laisse chaque année des anciens sur le côté. Dans ce contexte, une entreprise tarnaise souhaite donner une seconde vie à ces bateaux de plaisance abandonnés ou destinés à la destruction car jugés inaptes à la navigation, comme c'est le cas pour des milliers d'entre eux chaque année dans le pays. Vento-Sol, installée à la fois à Castres et Lautrec, compte réemployer ces bateaux pour les transformer en un système autonome de traitement des effluents sanitaires. « Les agriculteurs qui utilisent des produits phytosanitaires doivent par la suite nettoyer leur pulvérisateur et ces eaux de lavage doivent être traitées. Ce sont elles qui sont considérées comme des effluents sanitaires car elles contiennent encore du pesticide et on ne peut pas en faire n'importe quoi. Vous la jetez une fois dans la nature ça va, mais avoir cette pratique pendant 40 ans peut avoir des conséquences importantes sur la pollution de nos rivières et nappes phréatiques », justifie Nicola Vento, le fondateur et dirigeant de la société Vento-Sol.

La France, pays à la production agricole reconnue à l'échelle mondiale (5e exportateur mondial de produits agricoles), a même été le premier à légiférer sur le traitement de ces effluents sanitaires, au milieu des années 2000. Selon la législation en vigueur, les agriculteurs ont depuis son instauration trois manières pour les traiter : la dilution, la récupération avant de confier son traitement à un prestataire spécialisé en gestion de matières dangereuse ou bien l'acquisition d'un mode de traitement autonome qui coche les cases du code de l'environnement. C'est sur cette dernière possibilité que s'affaire depuis plusieurs années Nicolas Vento et son entreprise, en transformant les vieux bateaux de plaisance en une sorte de cuve autonome de traitement de ces eaux polluées. « Les coques de bateaux sont réalisées avec de la résine de polyester. C'est chimiquement compatible avec le stockage de matières pesticides. Donc l'idée est de garder la coque, retirer à l'intérieur tout son mobilier, afin d'en faire une cuve de plusieurs milliers de litres d'effluents sanitaires », décrit l'entrepreneur.

Un moyen de communication

Pour en faire par la suite une cuve de traitement autonome des effluents phytosanitaires, Nicolas Vento compte équiper les coques de ces bateaux démantelés d'un système de ventilation alimenté par une source électrique. « J'ai calculé en 2022 que cela revenait à seulement une quarantaine d'euros par an en électricité », tient tout de suite à rassurer le dirigeant. Une fois installé, ce système de ventilation projette de l'air directement à l'intérieur de la coque du bateau, ce qui permet progressivement d'évaporer les effluents phytosanitaires. Cependant, la quantité d'eaux usées éliminée sur une année peut varier en fonction du climat extérieur et peut donc être différente selon les zones géographiques du stockage de cette coque transformée. L'entreprise Vento-Sol a déjà conçu un prototype avec un bateau hors d'usage et doté d'une coque de 4 000 litres pour tester son concept, qui semble séduire. « Nous avons déjà de la demande de la part d'agriculteurs et viticulteurs. Ils sont surtout intéressés pour faire de la communication avec cette coque, aussi bien pour des événements privés que pour communiquer sur le fait qu'ils sont dans une démarche d'économie circulaire et de traitement des eaux usées. C'est plus intéressant que de cacher le fait que vous traitez les effluents sanitaires et puis vous démontrez que vous agissez pour l'environnement. Je compte boucler la première vente en 2023 », analyse Nicolas Vento.

Pour satisfaire les commandes futures et se fournir en bateaux hors d'usage, Vento-Sol va collaborer avec l'éco-organisme Aper. Celui-ci est agréé par le ministère de la Transition Écologique et Solidaire pour gérer la déconstruction et le recyclage des bateaux. Par la suite, le chantier naval Bathô les préparera à Castres pour leur seconde vie. Avec cette organisation, la volonté de l'entrepreneur tarnais sera de proposer à ses clients différentes tailles de coques, charge à lui par la suite de répondre à la commande passée.

Des grands groupes déjà séduits

Cependant Nicolas Vento et sa société ne sont pas des petits nouveaux sur ce marché du traitement des effluents sanitaires. L'entrepreneur commercialise depuis une dizaine d'années son produit surnommé Ecobang. Après « une quinzaine de prototypes », sa société a lancé la commercialisation en 2015 de grandes cuves de forme carrée, aussi équipées d'un système de ventilation toujours avec l'objectif de traiter ces effluents sanitaires. Une cuve peut traiter 1 500 à 2 500 litres d'eaux usées par an, selon le climat et sa zone géographique de stockage. Depuis peu, l'entreprise tarnaise propose également l'installation de systèmes de traitement sur des cuves sur mesure déjà à disposition de leurs clients. « Aujourd'hui, nous avons commercialisé 400 systèmes de traitement des effluents sanitaires, dont 98 % ont été acquis par des agriculteurs. Mais nous avons aussi la SNCF qui a acheté notre système qui utilise des produits chimiques pour l'entretien de son réseau », se félicite l'entrepreneur, qui a aussi séduit BASF pour ses fermes où le grand groupe teste ses futurs produits phytosanitaires. Dans cette même optique, Nicolas Vento travaille actuellement sur un petit modèle de son Ecobang afin de le commercialiser particulièrement auprès des laboratoires, qui font appel quotidiennement à des produits nocifs pour la santé de l'homme et la tenue de l'environnement. Il espère ainsi entretenir la dynamique économique enclenchée autour de son innovation. Après 123 000 euros de chiffre d'affaires en 2021, il a bouclé l'exercice 2022 avec 180 000 euros et s'attend au moins à faire aussi bien en 2023. Sa société vient d'enregistrer une commande importante en provenance d'Italie et Vento-Sol va lancer la distribution de ses produits en Suisse. Mais à l'heure où la pollution de l'air est aussi un sujet qui occupe le débat public, les vapeurs d'eau qui émanent de ses cuves pourraient-elles contrarier cette belle croissance ? « La qualité de pesticides rejetée dans l'air est négligeable par rapport à ce qui est répandu à l'air libre dans les champs alors qu'ils sont pensés pour être utilisés en plein air. Par ailleurs, il n'existe pas de normes sur la concentration de produits phytosanitaires dans l'air. Mon système respecte à la lettre le Code de l'Environnement », tient à rassurer Nicolas Vento en guise de conclusion.

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Commentaire 1
à écrit le 02/07/2023 à 8:17
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C'est ça le génie humain et non produire pour détruire.

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