Quelles seraient les conséquences d'un rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne en matière d'aménagement, de tourisme, d'offre culturelle, d'organisation institutionnelle, d'économie ou encore de vie démocratique ? Quels effets directs et indirects pour les territoires concernés ? Pour répondre à ces questions, le département de Loire-Atlantique et la région Bretagne ont commandé au cabinet de conseil PwC une étude d'impact sur le rattachement potentiel de leurs territoires. Celle-ci a été cofinancée à hauteur de 130.000 euros, à part égale des deux collectivités.
Pourquoi une étude ?
Commençons par un rappel des faits. En 2018, l'association « Bretagne réunie » a mené une action de collecte de signatures pour demander au conseil départemental de Loire-Atlantique de se saisir de l'opportunité offerte par la loi d'engager une démarche vers son intégration à la région Bretagne. Cette pétition avait alors récolté 105.000 signatures d'électeurs de Loire-Atlantique, soit 10% du corps électoral départemental.
En 2022, c'était au tour du Département de Loire-Atlantique de demander à l'État d'organiser un référendum sur la question du rattachement. Elle a alors rejoint le vœu exprimé quelques mois plus tôt, en octobre 2021, par le conseil régional de Bretagne.
Aujourd'hui, une nouvelle étape est franchie dans ce dossier avec la réalisation d'une étude sur l'impact du rattachement à l'initiative des deux collectivités. Dans un communiqué commun publié mardi 30 janvier, elles précisent pourquoi celle-ci a été menée entre avril et décembre 2023. Il ne s'agit pas, selon elles, de prendre « position » mais « d'éclairer et d'enrichir le débat public de manière objective ». Elles entendent ainsi « respecter les attentes des habitants, en particulier des signataires de la pétition de 2018 ».
Les deux collectivités considèrent qu' « il appartient à l'État de mettre en place un processus démocratique » et de « respecter le résultat du scrutin ». Et d'ajouter : « Dans un contexte de défiance accrue des citoyens vis-à-vis des institutions démocratiques, l'État doit s'engager. Il doit à ce titre permettre et organiser une expression démocratique claire. »
Concernant la méthodologie, 25 personnes représentatives d'institutions, de collectivités, de chambres consulaires, d'associations, ont été interrogées, durant ces neuf mois d'étude, au cours d'entretiens ou à travers une contribution écrite. Et plus de 400 documents issus de sources légales, institutionnelles et statistiques ont été consultés pour objectiver les analyses.
Quels sont les effets directs ?
En passant à cinq départements (Côtes-d'Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan et Loire-Atlantique), la Bretagne aurait pour effet direct un accroissement mécanique de toutes ses composantes : sa population (+40%), sa superficie (+25%), ses surfaces agricoles (+25%), son PIB régional (+48%), etc. Toutefois, si le rattachement impliquera mécaniquement un accroissement important pour le territoire breton, il ne viendra pas changer significativement son positionnement comparatif à l'échelle des autres régions françaises et européennes.
« A titre d'exemple, la région Bretagne à cinq départements, par rapport à la Région Bretagne dans son périmètre actuel, gagnerait une place au classement des régions de Synthèse 5 France, en termes de population ainsi que de PIB par habitant (et cinq places au niveau européen concernant le PIB brut exclusivement) », peut-on lire dans le rapport de 93 pages.
Partant du constat que le département Loire-Atlantique et la région Bretagne présente une similarité des dynamiques culturelles et socio-démographiques, « il est probable que la portée des effets directs sur la vie courante des habitants et entreprises de ces territoires soit limitée ».
Des compétences qui devraient être mutualisées
Ce potentiel rattachement imposerait en revanche aux deux collectivités de revisiter les compétences attachées à chacune ou de les mettre en cohérence, comme la prise en charge du réseau de TER par la région Bretagne sur l'ensemble des cinq départements incluant la Loire-Atlantique, le transfert de la gestion des lycées de Loire-Atlantique à la Région Bretagne, la mise en cohérence des documents d'urbanisme par les communes et EPCI de Loire-Atlantique, la restructuration des réseaux institutionnels dans le domaine économique (CCI, Chambres des métiers et de l'artisanat, Chambre d'agriculture régionale,...).
Ce qui s'accompagnera aussi d'une réorganisation administrative des services. Sur ce point, « aucune hypothèse quant à la forme souhaitée n'a à ce stade été identifiée par les décideurs publics dans le cadre de l'étude ».
Des effets indirects « très difficilement évaluables »
Les effets indirects potentiels dépendraient quant à eux des décisions politiques ou individuelles qui seraient prises à la suite de ce rattachement. A ce stade, l'étude reconnaît donc qu'il est difficile de les évaluer.
« Dans l'hypothèse d'un rattachement, le développement économique et l'aménagement du territoire de Loire-Atlantique devraient naturellement être amenés à être repensés par la région Bretagne sur son territoire élargi. Les modalités de mise en œuvre des politiques en matière de santé ou d'éducation nationale pourraient également être réexaminées par les services de l'Etat déconcentrés en Région Bretagne à cinq départements (ARS Bretagne, Académie de Bretagne). Les orientations retenues auraient des effets indirects pour les territoires qu'il n'est, par conséquent, pas possible d'évaluer à ce stade », indique le rapport.
Des conclusions incomplètes
Et de conclure : « En l'état actuel de l'information disponible, l'étude d'impact réalisée dans le rapport ne peut conclure à une issue positive ou négative d'un rattachement. Les faisceaux d'information, principalement sur les effets indirects, sont insuffisants et un nombre important de variables demeure. Les travaux menés sur l'ensemble des domaines d'étude ont fait émerger des tendances et des questionnements auxquels seules des décisions individuelles ou collectives, politiques ou économiques pourraient répondre. »
Afin d'évaluer les impacts notamment indirects, il serait utile de « disposer d'orientations et de propositions politiques plus précises dans les quatre domaines d'étude (aménagement du territoire, développement économique, social, société et culture, et institutions) », préconise le rapport.
Cette étude a toutefois le mérite d'avoir détaché plusieurs thèmes pouvant servir aux futurs échanges et débats : l'approche en matière d'objectif de zéro artificialisation nette des sols (ZAN), la politique de mobilité, la révision des dispositifs d'aides publiques ou encore la stratégie de mobilité durable sur le territoire élargi.
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