Cambridge Analytica : Facebook au coeur d'un nouveau scandale

Nouvelle crise chez Facebook. Le plus grand réseau social au monde a admis que les données personnelles de 50 millions de ses utilisateurs s'étaient retrouvées entre les mains de Cambridge Analytica. Ce cabinet d'analyse était au service de Donald Trump lors de sa campagne présidentielle en 2016. Retour sur les principaux points du scandale.
Anaïs Cherif
Facebook, le plus grand réseau social mondial, revendique 2,13 milliards d'utilisateurs actifs mensuels.
Facebook, le plus grand réseau social mondial, revendique 2,13 milliards d'utilisateurs actifs mensuels. (Crédits : DADO RUVIC)

Le scandale a fait l'effet d'une bombe. Facebook, le plus grand réseau social au monde, a admis que les données personnelles de ses utilisateurs s'étaient retrouvées entre les mains du cabinet d'analyse, Cambridge Analytica. Ce dernier, travaillant pour la campagne électorale de Donald Trump en 2016, aurait ainsi collecté des informations sur 50 millions d'utilisateurs Facebook, sans leur consentement direct. La polémique a été révélée ce week-end par le New York Times et The Observer.

Après avoir vu son image amochée l'année dernière par la prolifération des fake news, c'est une nouvelle claque pour l'entreprise de Mark Zuckerberg. Retour sur les principaux points de l'affaire Cambridge Analytica.

Que fait Cambridge Analytica ?

Spécialisé dans la communication stratégique, Cambridge Analytica réalise de la collecte et de l'analyse de données. Créée en 2013, la société est une filiale du groupe britannique SCL. Si l'entreprise se décrit sur son site internet comme une "organisation non-partisane", elle a été financée à hauteur de 15 millions de dollars par Robert Mercer. Ce milliardaire, connu pour être un soutien du parti Républicain, est un proche de Donald Trump.

C'est d'ailleurs par le biais de l'actuel président américain que Cambridge Analytica s'est fait connaître. En effet, le cabinet d'analyse a travaillé pour Donald Trump lors de l'élection présidentielle américaine en 2016. Sa mission : concevoir un logiciel permettant d'anticiper et d'influencer les choix des électeurs afin de faire pencher la balance en faveur du candidat républicain grâce à de la publicité ciblée... Ce qui nécessite l'agrégation de données personnelles.

Comment Cambridge Analytica a eu accès aux données de Facebook ?

C'est le point crucial de l'affaire. Le cabinet d'analyse aurait eu accès aux données personnelles de 50 millions d'utilisateurs Facebook - soit environ un tiers de membres actifs du réseau social en Amérique du Nord et près d'un quart des électeurs américains, précise The Observer. L'entreprise serait passée par un intermédiaire : un certain Aleksandr Kogan.

Ce chercheur américain, d'origine russe, a développé une application baptisée "thisisyourdigitallife". Lors de son téléchargement, les utilisateurs concédaient un droit d'accès à leurs données personnelles Facebook.

"Environ 270.000 personnes ont téléchargé l'application, chiffre Facebook dans un communiqué de presse publié vendredi dernier. En faisant cela, ils donnent leur consentement à Kogan pour avoir accès à des informations comme leur ville d'origine, les contenus "likés"

Ce n'est pas tout. L'application pouvait également avoir accès aux "amis" des utilisateurs l'ayant téléchargée. En 2014, Kogan aurait transmis ces informations au cabinet Cambridge Analytica, selon les enquêtes du NYT et The Observer. Si l'accès aux données était légal pour le chercheur, leur transmission à un tiers constitue une violation des règles d'utilisation de Facebook.

"En 2015, nous avons appris que le Dr. Aleksandr Kogan nous avait menti", se défend le réseau social dans son communiqué de presse. Une façon pour Facebook de se dédouaner sur l'usage détourné des données personnelles de ses utilisateurs. "Les gens ont connaissance de fournir ces informations. Aucun système n'a été infiltré, aucun mot de passe ou données sensibles n'ont été volées ou piratées", poursuit Facebook.

Pourquoi la polémique embarrasse-t-elle Facebook ?

L'affaire est gênante à plusieurs niveaux. Premièrement, elle touche le cœur même de l'activité de Facebook : la collecte de données - et l'usage potentiellement détourné qui peut en être fait.

"On est en train d'ouvrir le couvercle de la boîte noire des pratiques de Facebook en matière de données, et le tableau n'est pas joli à voir", souligne auprès de Reuters Frank Pasquale, professeur de droit à l'Université du Maryland et spécialiste de l'utilisation des données par les géants d'Internet.

L'action du fleuron de la Silicon Valley a chuter en Bourse de près de 6,8% lundi.

Deuxièmement, Facebook se retrouve sous le coup de pressions politiques tous azimuts. Aux États-Unis, plusieurs sénateurs souhaitent entendre les justifications devant le Congrès de Mark Zuckerberg, président et co-fondateur de Facebook. "C'est une brèche énorme sur laquelle il convient d'enquêter. Il est clair que ces plates-formes ne savent pas s'autodiscipliner", a twitté la sénatrice démocrate Amy Klobuchar. Même son de cloche en Europe. Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, dénonçait lundi une "une violation inacceptable du droit à la vie privée de nos citoyens". La commissaire européenne à la Justice, Vera Jourova, prévoit quant à elle d'aborder le sujet avec le réseau social et des responsables du gouvernement américain lors de sa vite aux États-Unis, cette semaine. Sur Internet, une campagne #DeleteFacebook (en français, supprime Facebook) a été lancée.

Troisièmement, Facebook additionne les polémiques depuis l'élection présidentielle américaine en 2016. Le réseau social a d'abord été accusé d'avoir favorisé la victoire de Donald Trump avec la création de "bulles idéologiques". Ce phénomène de filtre permet de voir les informations partagées par ses contacts identifiés comme semblables. L'utilisateur se retrouve ainsi « enfermé » dans un cercle sans débat idéologique. Facebook est également critiqué pour la prolifération des fake news, ces fausses nouvelles virales popularisées lors du Brexit en 2016 et amplifiées lors de la présidentielle américaine. Un vrai casse-tête pour Facebook, qui ne sait comment les modérer.

Avec une telle réputation, le réseau social accuse d'une baisse du temps passé sur sa plateforme "d'environ 50 millions d'heures par jour" - soit un repli de 5% pour le dernier trimestre, chiffrait l'entreprise lors de la publication de ses résultats annuels en février. Et le nombre d'usagers commence même à baisser aux États-Unis et au Canada.

Anaïs Cherif

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Commentaires 7
à écrit le 21/03/2018 à 21:46
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Ah oui, il n'y aurait pas qu'une ingérence Russe dans l' élection Us...Sont fort ces Anglos saxons pour noyer le poisson , delà à penser que sur l' empoisonnement de l' espion Russe , les doutes sont permis.

à écrit le 21/03/2018 à 11:45
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Inquiétant, surtout quand les utilisateurs répondent favorablement a l exigence de F.B qui sous le titre : "Aidez-nous à confirmer votre nom", vous écrivent : "vous devez nous envoyer l’un des documents figurant dans notre liste des pièces d’identi...

à écrit le 21/03/2018 à 11:38
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- Le big data , c'est des gens qui se présentent comme des amis et qui utilisent les confidences que tu leur fait et les informations que tu leur donnes pour te manipuler et te voler. - Alors Facebook, c'est pas des amis? - Ben non - Mais c'est...

à écrit le 21/03/2018 à 0:31
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En somme, la raison de l'échec de H.Clinton, ce n'est pas Que la faute des russes, c'est aussi celle de Facebook ! Et depuis les affaires se dégradent pour le réseau social : l'ONU l'a accusé d'avoir alimenté la crise des Rohingyas en Birmanie, l'Esp...

à écrit le 20/03/2018 à 23:08
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Bof...un bon gros nothing-burger, comme on dit. Ce que les democrates US et toute la Silicon Valley ne supportent pas (d’ou la rage contre Facebook), c’est surtout que les partisans de Trump (avec au milieu, mon gars Bannon, toujours aussi machiavél...

à écrit le 20/03/2018 à 22:11
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Article très intéressant. Il s'agit d'une polémique qui soulève une question de fond fondamentale et en même temps qui met en évidence une certaine hypocrisie de l'utilisateur. Je m'explique. La protection des données, ça fait longtemps qu'on en pa...

à écrit le 20/03/2018 à 18:56
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Il suffit d'utiliser des antitrackers pour se rendre compte que FB et Google nous suivent partout. Alors que je ne les utilise plus depuis un bon moment... Ils sont comme des sangsus qui s'acrochent a une guibole!

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