Comment Airbnb veut rester rentable

Près de dix ans après sa création à San Francisco, la plateforme de location entre particuliers a enregistré sa première année de rentabilité complète en 2017. Pour durer dans le temps, Airbnb a élargi son cœur d'activité - depuis les services dignes de tour-opérateurs jusqu'aux projets immobiliers de promoteurs.
Anaïs Cherif
300 millions de réservations ont été passées en dix ans sur Airbnb, plateforme de location de biens immobiliers entre particuliers.
300 millions de réservations ont été passées en dix ans sur Airbnb, plateforme de location de biens immobiliers entre particuliers. (Crédits : DADO RUVIC)

Affichant 10 ans au compteur, Airbnb vient d'enregistrer sa première année de rentabilité. La plateforme de location entre particuliers aurait réalisé un chiffre d'affaires de plus de 3,5 milliards de dollars en 2017, selon le Financial Times. Devenu rentable depuis la seconde moitié de 2016, le site collaboratif aurait généré un bénéfice de 100 millions de dollars l'année dernière avant impôts, intérêts et amortissements.

La société de San Francisco, valorisée 30 milliards de dollars, anticipe déjà 2018 comment étant "l'année la plus importante à ce jour pour Airbnb" sur la base des données de réservation pour le premier semestre. Cette année pourrait aussi marquer l'entrée en Bourse de l'entreprise. Une rumeur amplifiée depuis la semaine dernière avec l'arrivée au conseil d'administration de Kenneth Chenault, Pdg d'American express sur le départ.

300 millions de réservations en dix ans

"Les gens disaient que notre idée ne marcherait jamais - «Des étrangers ne se feront jamais confiance !», se rappelle Brian Chesky, dirigeant et co-fondateur, dans une note de blog publiée jeudi dernier. "Une décennie plus tard, près de 300 millions de réservations ont été passées sur Airbnb."

Dans cette publication aux allures de manifeste, l'entrepreneur de 36 ans fixe une ligne de conduite à son entreprise pour survivre, non pas seulement à l'année 2018, mais au XXIe siècle tout entier - au minimum : selon lui, Airbnb doit se projeter sur un "horizon de temps infini". En clair, Brian Chesky recommande de ne pas se concentrer sur des objectifs financiers à court terme ou sur la concurrence, mais de privilégier une stratégie et une vision pour l'entreprise.

En effet, la plateforme créée en 2008 à San Francisco a bien changé. Dotée de 4 millions de logements dans plus de 65.000 villes, Airbnb ne se contente plus de vendre des nuitées chez l'habitant à des touristes en quête de bons plans et d'authenticité.

Une nouvelle casquette de tour opérateur

L'année 2017 a été marquée par le développement de son service "Trips" (baptisé "expériences" en français). A l'image des tour opérateurs (ou voyagistes), cette fonction permet de réserver des activités - appelées "expériences" - organisées par des "experts locaux". Ainsi, les touristes peuvent apprendre à manier le sabre à Tokyo ou récolter des truffes à Florence. Des activités atypiques pour les voyageurs - et lucratives pour Airbnb. En 2017, le ticket moyen était de 55 dollars. La plateforme prélève une commission de 20% de frais de service aux organisateurs d'activités - contre une commission de 3% pour l'hôte et entre 5 à 15% pour le voyageur pour une location d'hébergement.

Après un an d'exploitation, il existe plus de 4.000 activités de ce genre, disponibles "dans plus de 50 villes, 26 pays et 6 continents" - contre 500 sorties dans douze villes lors de son lancement en novembre 2016. Airbnb a annoncé la semaine dernière vouloir développer ce service, notamment aux Etats-Unis. Un plan d'investissement de 5 millions de dollars est prévu pour instaurer des activités dans 200 villes américaines d'ici la fin 2018.

"La vision ultime d'Airbnb est de répondre aux besoins (des utilisateurs) pour tous les aspects d'un voyage", indiquait la société dans un communiqué lors du lancement.

A terme, l'entreprise souhaiterait proposer des billets d'avion, des locations de voitures ou de la livraison de nourriture. Une extension de ses services que Airbnb a déjà expérimenté durant l'été 2016 : la plateforme collaborative a proposé la vente des billets de la compagnie aérienne Lufthansa.

Lire aussi : Airbnb se transforme en tour opérateur avec son nouveau service "Trips"

Séduire une clientèle plus âgée

A l'image de sa plateforme de location, le service "Trips" est très prisé par les moins de 35 ans. La génération des "Millennials", née à partir des années 80, représente actuellement 60% des utilisateurs ayant déjà utilisés le site et deux tiers des réservations d'activités. C'est pourquoi Airbnb travaillerait depuis l'été dernier sur un programme, baptisé "select". L'idée : monter en gamme en se rapprochant des standards hôteliers pour conquérir une population plus aisée et plus âgée.

La société californienne sélectionnerait une poignée d'hôtes éligibles au programme. Leurs biens immobiliers devront répondre à un certain nombre de critères établis : linges de lit neufs et assortis aux draps de bain, articles de toilette à usage unique, sélection de thé et de café... Les appartements seront inspectés par des employés d'Airbnb.

Construire ses propres immeubles

Après avoir uniformisé les appartements des autres, la plateforme de location veut construire ses propres immeubles. Elle a investi 200 millions de dollars dans un projet immobilier confié au promoteur américain Newgard. L'immeuble de 324 appartements, situé à Kissimmee (Floride), doit voir le jour au cours du premier trimestre 2018. Loués à l'année, les appartements pourront être sous-loués jusqu'à 180 jours par an. Un immeuble Airbnb a déjà vu le jour au Japon, en 2016.

Airbnb n'échappe pourtant pas aux critiques sur trois dossiers brûlants : la taxe de séjour, les limitations de nuitées dans les grandes villes et les impôts. La plateforme, autrefois réfractaire à récolter la taxe de séjour,  a annoncé lundi reverser d'ici la fin du mois "plus de 13,5 millions d'euros de taxe de séjour à 50 villes françaises, soit deux fois le montant versé en 2016 (7,3 millions d'euros)". Sa collecte devrait être généralisée au printemps 2018.

Pour le paiement de ses impôts en France, Airbnb se fait beaucoup plus discret. A l'instar des géants d'internet, la société américaine recourt allègrement à l'optimisation fiscale via sa filiale irlandaise. Objectif : payer le moins d'impôt possible en France. Le montant de chaque transaction enregistrée par un loueur basé en France est géré directement en Irlande, qui offre un taux d'imposition sur les sociétés parmi les plus faibles d'Europe (12,5%). En 2016, Airbnb a payé seulement 92.944 euros d'impôts en France - un montant dérisoire pour l'entreprise qui propose 400.000 logements à la location dans l'Hexagone.

Anaïs Cherif

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