Copilot débarque sur Word et Excel : l'heure de vérité pour Microsoft dans l'IA générative

Le 1er novembre, Microsoft lance son outil d'IA générative le plus attendu : l'assistant Copilot 365. Cet outil va être capable en quelques clics d'aller chercher des informations disséminées dans les logiciels de la célèbre suite bureautique de Microsoft (Word, Excel, PowerPoint, Outlook...), de résumer des documents, ou encore d'extraire rapidement des données. C'est le premier lancement d'une fonctionnalité d'IA générative à très grande échelle, ce qui en fait l'heure de vérité pour le géant de la tech, qui a dépensé des milliards pour s'associer à ChatGPT.
François Manens
Copilot traverse tout la suite de bureautique Microsoft 365 (Excel, Word, Powerpoint...).
Copilot traverse tout la suite de bureautique Microsoft 365 (Excel, Word, Powerpoint...). (Crédits : Microsoft)

Un simple clic, et en quelques secondes, le document Word se transforme en présentation PowerPoint. Voilà une des nombreuses promesses de Copilot 365, l'assistant dopé à l'intelligence artificielle générative, dédié à la célèbre suite bureautique de Microsoft (Excel, Word, PowerPoint, Outlook...). Grâce à lui, le géant américain de la tech promet aux entreprises de rendre les employés plus heureux en les débarrassant des tâches les plus rébarbatives, réalisées en un rien de temps par l'IA. Mais surtout, il promet des employés plus productifs, et fait donc miroiter des gains financiers considérables pour ses clients.

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Le 1er novembre, Copilot sera enfin déployé dans les principaux marchés de Microsoft 365 - dont les Etats-Unis et la France -, après plusieurs mois de tests auprès de quelques dizaines de clients. Dans un premier temps, il ne sera accessible qu'aux plus grandes entreprises, à partir d'un peu moins de 30 euros par mois et par utilisateur. Mais greffé sur la gigantesque clientèle de la suite de bureautique, l'assistant pourrait rapidement trouver son marché. Les analystes de Forrester prévoient qu'il attirera plus de 6,9 millions de clients d'ici fin à la fin de 2024, rien qu'aux Etats-Unis. Interrogé sur le marché français, Microsoft ne souhaite pas chiffrer ses ambitions.

Un jackpot potentiel de plusieurs dizaines de milliards de dollars par an

Avec cette intégration de l'IA générative dans sa suite logicielle la plus célèbre, Microsoft joue gros. D'abord, Copilot 365 pourrait grandement augmenter ses revenus, même si elle ne parvient à convaincre qu'une petite partie de son parc de clients. Relativement avare en chiffres, l'entreprise indiquait simplement qu'elle comptait près de « 345 millions de comptes payants » en 2022, ce qui comprend à la fois les licences individuelles et les comptes d'entreprise.

Le chiffre d'affaires des ventes de la suite Microsoft 365, rangée dans la case Microsoft Cloud de ses résultats financiers, est estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars par an. Seul détail donné par le groupe : cette mine d'or a grossi de plus de 18% entre 2021 et 2022. Concrètement, Copilot 365 pourrait donc rapporter des dizaines de milliards de chiffre d'affaires par an supplémentaires à l'entreprise, et ce, même si elle ne convertit qu'une partie de sa clientèle. Le nouvel outil pourrait aussi lui permettre de consolider sa position de large numéro 1 mondial de la bureautique, même si son principal concurrent, Google Workplace, a déjà annoncé sa riposte avec son propre assistant nommé Duet AI, proposé au même prix.

Plus généralement, Copilot 365 va être la première diffusion à très grande échelle d'un outil d'IA générative dans le monde de l'entreprise. Certes, depuis la fin 2022, les sociétés de toutes tailles expérimentent avec ChatGPT et ses concurrents, et l'IA générative est d'ores et déjà intégrée à plusieurs logiciels. Mais aucun d'entre eux n'est aussi largement diffusé que le logiciel de Microsoft.

D'ailleurs, avant d'introduire Copilot dans 365, Microsoft a déjà effectué deux galops d'essai, de plus d'un an. D'abord, comme assistant à l'édition de code informatique chez GitHub, la filiale de Microsoft pionnière du concept. Puis sous la forme de Sales Copilot [copilote de vente, en français], intégré dans l'outil de gestion commercial (CRM) Microsoft Dynamics 365, et accessible aussi sur d'autres logiciels, comme celui de Salesforce, l'autre géant du marché. Avec succès ! Le PDG de Microsoft, Satya Nadella, rappelait encore la semaine dernière que plus d'un million d'utilisateurs, sur plus de 37.000 organisations, paient Copilot sur Github.

Le grand public attendra

Dans les premiers mois, Copilot 365 ne sera disponible que pour les grandes entreprises qui souscrivent à ses offres renforcées E3 et E5 (composées de Microsoft 365 et de couches de sécurité), avec un minimum de 300 licences. Mais ce déploiement limité n'est que temporaire, assure l'entreprise à La Tribune.

« Si nous n'adressons pas pour l'instant le marché des PME, c'est parce que nous passons uniquement par des contrats entreprise [en vente direct, ndlr]. Mais il ne s'agit que d'une question de mois avant que nous élargissions l'offre aux PME », assure Jean-Christophe Dupuy, directeur France de Microsoft 365.

Les entreprises françaises de petite et de moyenne taille n'ont souvent pas les ressources internes pour gérer ces grosses machines. Résultat, elles passent par des tiers de confiance pour accéder aux grands logiciels d'entreprise. En revanche, pour le marché grand public, c'est-à-dire pour les ordinateurs individuels, l'avenir de Copilot reste incertain. Jean-Christophe Dupuy le dit clairement : Copilot 365 se cantonne au monde du BtoB.

Une fois le client convaincu, une discussion s'ouvre. « Chez les clients qui testent le produit, deux questions se posent : à quel public Copilot sera ouvert dans l'entreprise, et pour quoi ? », résume le dirigeant. Si pour les cols blancs, devant leur ordinateur ou leur smartphone une majorité de la journée et très gros consommateurs de la suite de bureautique, le calcul coût/bénéfice est évident, il l'est moins pour les cols bleus, qui font des métiers de terrain ou manuel. Certes, Copilot permet de retrouver facilement des informations éparpillées sur Word ou Excel, et de traiter plus rapidement les emails. Mais est-ce suffisant pour justifier une dépense de 30 euros par mois et par utilisateur ?

Utilisation simplifiée

L'utilisation de Copilot 365 par les entreprises ne serait pas optimale dès le jour 1, prévient Microsoft. La première question : quand faut-il utiliser l'outil ?

« L'idée de Copilot est de donner à tous les employés un assistant à qui déléguer des tâches. Ils se retrouvent en quelque sorte dans la position des managers, mais sans en avoir les réflexes. Il va donc y avoir un temps d'adaptation, pendant lequel ils vont apprendre quelles tâches ils doivent déléguer et dans quel ordre pour devenir plus performant », développe Jean-Christophe Dupuy.

La seconde question : comment utiliser l'outil ? Dans la révolution ChatGPT, la capacité à écrire correctement des prompts - les consignes données à l'IA - est souvent désignée comme une compétence essentielle, voire indispensable. Mais avec sa diffusion très large, Copilot365 doit pouvoir s'adapter à des utilisateurs néophytes, qui n'auront peut-être même jamais essayé ChatGPT. Pour résoudre cette situation, et à l'instar d'Excel, Copilot dispose donc de fonctionnalités préenregistrées. Autrement dit, des prompts transformés en boutons, afin que l'utilisateur puisse exploiter une partie du potentiel de l'IA générative, sans jamais avoir à « prompter », c'est-à-dire à écrire ses commandes à l'assistant.

Tout comme très peu d'utilisateurs exploitent ne serait-ce que la moitié des 512 fonctions d'Excel, Copilot est conçu pour être facile à utiliser, mais difficile à maîtriser. « Si nous ciblons les grandes entreprises dans un premier temps, c'est aussi, car elles ont beaucoup de ressources en interne et qu'elles ont la capacité financière pour faire appel à nos partenaires. Les consultants vont pouvoir leur exposer le côté pragmatique de l'outil, et les accompagner dans la mise en place », précise Jean-Christophe Dupuy. Concrètement, l'écrasante majorité des grands cabinets de conseil ont suivi l'évolution de Copilot 365 pour préparer des offres d'accompagnement disponibles dès le premier jour.

Si Copilot est opérationnel dès le premier jour de son déploiement, il ne sera que pleinement efficace après plusieurs semaines. Et pour cause, l'entreprise cliente va devoir indexer le jargon sémantique spécifique à son organisation, comme les noms des personnes de l'entreprise ou les termes techniques utilisés en interne. Autrement dit, dès le premier jour, l'utilisateur pourra demander à l'assistant d'ouvrir un document et de le résumer. Mais pour aller chercher des informations dans de vieux emails ou demander qui occupe tel ou tel poste dans l'organisation, il faudra plus de temps.

La fusée IA de Microsoft prête à décoller

Les excellents résultats financiers de l'entreprise, présentés la semaine dernière, ont reflété pour la première fois un retour sur investissements du groupe dans l'IA générative, traduit par la croissance de la division cloud. Alors que le premier anniversaire de la sortie de ChatGPT approche, Microsoft parvient à transformer l'engouement pour la technologie en chiffre d'affaires. Copilot 365 pourrait être un nouveau tremplin vers le retour sur investissement, car Microsoft a investi plus de 10 milliards d'euros dans OpenAI, éditeur de ChatGPT.

D'après une étude de Forrester, 41% des décisionnaires projettent que plus de la moitié de leurs employés utiliseront l'IA générative régulièrement dans leur travail dès la fin de 2024. Et Microsoft pourrait facilement convaincre : les analystes projettent que l'assistant permettra d'économiser a minima une heure de travail par semaine à ses utilisateurs. Grâce à ce gain de temps, le prix de l'abonnement à Copilot 365, bien qu'onéreux, serait donc rapidement rentabilisé, même pour les plus petits salaires.

Mais le cabinet met tout de même en garde : si les bénéfices de l'assistant sont évidents (performance, prise en main de l'IA générative, meilleur temps de réponse aux clients...), ses risques potentiels le sont aussi (gestion de la propriété intellectuelle, dépendance à la technologie, hallucinations de l'outil, part de mystère autour des limites de l'outil...).

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 01/11/2023 à 9:06
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Jeff Bezos interdit les power point dans les discussions entre dirigeants d'Amazon, et la première moitié d'une réunion est passée à lire des memos bien rédigés. Bref, ça travaille vraiment, au lieu de faire semblant d'écouter et de regarder les im...

à écrit le 31/10/2023 à 17:49
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Bref ! Vous ferez tous la même chose impersonnelle en croyant créer une œuvre ! ;-)

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