IA générative : Meta et IBM lancent l'AI Alliance, une riposte économique et éthique à Microsoft et Google

Meta, IBM et une cinquantaine d'entreprises, organisations et startups (dont Intel, Oracle, Harvard, Berkeley ou la fondation Linux) lancent l'AI Alliance pour défendre une méthode plus ouverte et plus collaborative de développement de l'intelligence artificielle, dont les risques pour le travail et l'humanité sont pris au sérieux. Une riposte à la fois économique et éthique face aux deux leaders OpenAI (Microsoft) et Google, qui tentent d'imposer leur approche fermée.
Sylvain Rolland
L'objectif de cette nouvelle alliance est de promouvoir un développement plus ouvert et plus collaboratif, donc plus maîtrisable, de l'intelligence artificielle.
L'objectif de cette nouvelle alliance est de promouvoir un développement plus ouvert et plus collaboratif, donc plus maîtrisable, de l'intelligence artificielle. (Crédits : FRANCIS MASCARENHAS)

Alors que Microsoft - avec OpenAI, éditeur de ChatGPT - et Google ont pris la tête de la course à l'intelligence artificielle générative avec leurs grands modèles de langage propriétaires, les challengers se rebiffent. Ce mardi, Meta, partisan de l'open source, et IBM, ont annoncé la création d'une « alliance » réunissant plus de 50 membres, dont de nombreux centres de recherche (CERN, les universités de Cornell, Yale, Harvard, Berkeley ou encore Tokyo), startups et entreprises de la tech (Oracle, AMD, Dell Technology, Hugging Face, RedHat, Sony...) et des organisations comme la Nasa ou la fondation Linux.

L'objectif : promouvoir un développement plus ouvert et plus collaboratif, donc plus maîtrisable, de l'intelligence artificielle. « L'innovation ouverte et transparente est essentielle pour donner à un large éventail de chercheurs, de constructeurs et d'utilisateurs de l'IA, les informations et les outils nécessaires pour exploiter ces progrès de manière à donner la priorité à la sécurité, à la diversité, aux opportunités économiques et aux avantages pour tous », déclarent dans un communiqué commun les membres de l'AI Alliance.

Lire aussiCe que l'intelligence artificielle générative a déjà changé dans le monde du travail

Le duopole Microsoft / Google dans le viseur

Cette association massive d'entreprises, organisations et chercheurs du monde entier peut être considérée comme une réponse à la fois économique, mais aussi éthique, face à la constitution d'un duopole dans l'IA générative entre Microsoft et Google. Le premier est le principal investisseur d'OpenAI, la startup derrière ChatGPT, Midjourney ou encore DALL-E, dont la technologie est intégrée à la plupart de ses produits et services professionnels. Google a fait de même avec Bard puis Gemini, lancé ce 6 décembre, son large modèle de langage supérieur à GPT-4, la dernière itération de ChatGPT.

Tous deux s'inscrivent dans des écosystèmes fermés et ont pris de l'avance dans le déploiement de l'IA générative. Dans ce contexte, Meta et IBM tentent de rattraper leur retard en misant sur une autre approche, les larges modèles de langage développés en open source [accès libre au code de programmation, Ndlr]. Contrairement au modèle GPT-4 d'OpenAI, Meta a mis ses modèles LLaMA à la disposition des chercheurs et des startups pour qu'ils puissent les modifier et les perfectionner.

Attaquer le modèle propriétaire d'OpenAI, et par ricochet Microsoft, et de Google, relève donc de l'importance stratégique majeure pour Meta et IBM. C'est un moyen pour eux d'encourager le marché à ne pas se précipiter dans les bras des premiers arrivés, qui disposent également des modèles de langage les plus avancées pour l'instant.

Lire aussiOpenAI : les raisons du retour triomphal de Sam Altman à la tête de la star de l'IA

Un débat éthique majeur

Si on peut s'interroger sur les motivations éthiques de Meta - une entreprise dont les propres documents internes ont révélé qu'elle a toujours privilégié le profit à la santé mentale de ses utilisateurs et à la démocratie -, la domination de Microsoft et de Google sur l'IA générative inquiète beaucoup d'acteurs et d'observateurs du secteur, qui craignent que les deux entreprises ne deviennent les gardiens d'une technologie de plus en plus essentielle, mais dont on ne pourrait maîtriser les usages.

Cette crainte a même infusé au sein même d'OpenAI et s'est étalée sur la place publique lorsque le conseil d'administration a tenté - mais raté - un putsch contre son patron, Sam Altman, accusé en interne de développer la technologie à un rythme effréné à des fins mercantiles en s'éloignant de l'intérêt général.

En filigrane de la bataille économique pour maîtriser l'IA générative, se joue donc un véritable débat éthique, voire philosophique, sur l'acceptabilité et l'utilité de l'intelligence artificielle générative, qui, pour la première fois dans l'histoire des technologies, peut réaliser des tâches intellectuelles et créatives auparavant réservées aux cols blancs. « Il s'agit d'un moment crucial pour définir l'avenir de l'IA », a déclaré Arvind Krishna, le patron d'IBM, dans le communiqué annonçant la création de l'AI Alliance.

L'alliance menée par Meta et IBM soutient donc le développement des systèmes open source et promeut que le partage de la technologie permet de stimuler l'innovation et de garantir qu'aucune organisation ne prenne une avance dangereuse. « La poursuite de l'innovation ouverte uniformise les règles du jeu et permet à chacun de profiter des avantages de l'IA générative », a déclaré Jennifer Chayes, doyenne du département des sciences informatiques de l'université de Berkeley.

Lire aussi« Il faut se révolter contre l'IA générative car elle menace notre humanité » (Eric Sadin, philosophe)

Sylvain Rolland

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 07/12/2023 à 13:20
Signaler
J'ai comme un doute... Inclure META dans le projet... cette entreprise qui doit contester à Apple, le podium dans la compétition du: "Tu te soumets... ou tu t'exclus !"...

à écrit le 06/12/2023 à 18:31
Signaler
Une alliance impressionnante et particulièrement intéressante, pour contrer la puissance financière de microsoft et google il faut en effet en passer par là, bravo à eux j'espère qu'ils y parviendront car ils ont d'autres armes tout aussi redoutables...

à écrit le 06/12/2023 à 18:12
Signaler
J'ai comme l'impression que dans l'IA l'Europe va encore être larguée. Aux USA ils donnent l'impression de beaucoup se remuer sur le sujet

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.