OpenAI : les raisons du retour triomphal de Sam Altman à la tête de la star de l'IA

En cinq jours, le conseil d'administration d'OpenAI a licencié son CEO Sam Altman, refusé de le réembaucher malgré le soutien des investisseurs, pour finalement le réembaucher sous la menace d'un exode massif de ses employés vers Microsoft. Au bout de ce feuilleton extraordinaire, Sam Altman se retrouve plus que jamais conforté dans sa vision de l'intelligence artificielle, tourné vers le déploiement rapide de produits comme ChatGPT, pour mettre la technologie dans les mains du plus grand nombre.
François Manens
Retour sur cinq jours intenses à la tête d'OpenAI.
Retour sur cinq jours intenses à la tête d'OpenAI. (Crédits : DADO RUVIC)

Un scénario digne d'Hollywood. Ce mercredi au petit matin, Sam Altman a récupéré son poste de CEO d'OpenAI et ainsi mis fin à un imbroglio jamais vu dans l'Histoire de la Silicon Valley. Pendant cinq jours, l'entreprise créatrice de ChatGPT, nouvelle star de la tech américaine, a changé trois fois de CEO pour au final... revenir au statu quo.

Si la direction d'OpenAI n'a pas changé, le feuilleton rocambolesque va tout de même laisser des traces dans la gouvernance d'OpenAI. Le conseil d'administration à l'origine de la destitution d'Altman n'est plus, et le nouveau conseil mis en place ce mercredi n'a que pour objectif d'assurer la transition avant la nomination d'un conseil élargi. Avec une mission : qu'un tel fiasco ne se reproduise pas, alors que l'entreprise ambitionne de créer des intelligences toujours plus puissantes, et donc dangereuses.

17 novembre, coup d'Etat à la tête d'OpenAI

Vendredi soir, à la surprise générale, OpenAI publie un communiqué pour annoncer le licenciement de son dirigeant Sam Altman. Cofondateur de l'organisation, il occupait son poste depuis la création en 2015. La nouvelle choque : l'entrepreneur s'était imposé comme le visage de la révolution ChatGPT et même l'incarnation de la nouvelle vague de l'intelligence artificielle, qui attire tant les convoitises. Mieux, il avait mené l'entreprise vers une valorisation attendue à 90 milliards de dollars, multipliée par trois en moins d'un an.

A l'origine de ce coup d'Etat se trouvent quatre des cinq membres du conseil d'administration d'OpenAI. Ilya Sustkever, le scientifique le plus réputé de l'entreprise, considéré comme le principal artisan du succès de la recherche d'OpenAI, devient le porte-parole des frondeurs. C'est lui qui annonce à Sam Altman son licenciement, par visioconférence, quelques minutes avant la publication du communiqué. C'est aussi lui qui prévient Greg Brockman, autre cofondateur de l'entreprise, de sa destitution comme président du conseil d'administration dont il était le cinquième membre. Dans la foulée, ce dernier démissionne, malgré que OpenAI souhaitait garder son expertise dans son enceinte.

La brutalité de la décision déclenche le chaos chez OpenAI et même dans l'ensemble de l'écosystème de l'intelligence artificielle. La confusion règne d'autant plus que le conseil reste évasif sur les raisons de sa décision. Il reproche à Altman de « ne pas toujours être sincère dans ses communications avec le conseil », mais refuse de donner les détails, que ce soit aux employés ou aux investisseurs. D'ailleurs, ces derniers fulminent de ne pas avoir été avertis en amont, à l'instar de Microsoft, qui a investi plus de 13 milliards de dollars dans OpenAI. Mira Murati, la CTO de l'entreprise réputée pour sa gestion du projet ChatGPT, est nommée CEO par intérim.

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Une décision animée par une guerre d'idées ?

Une question émerge : comment un conseil d'administration a-t-il pu licencier un CEO dont les actions ont tant profité aux investisseurs ? La réponse se trouve dans la structure d'OpenAI : le conseil a la gouvernance de la structure d'origine, à but non lucratif. Sa mission n'est pas d'optimiser les gains des investisseurs, mais simplement de s'assurer que l'IA développée par OpenAI profite à l'humanité, et ne s'écarte pas sur des terrains dangereux. Le problème, c'est que ce conseil a par rebond la main sur la structure commerciale d'OpenAI, créé en 2019 dans le sillage de l'investissement de Microsoft.

Le coup d'Etat aurait-il donc eu une origine idéologique ? Au sein d'OpenAI, Sutskever incarne la mission originelle de l'organisation : créer une intelligence artificielle capable de raisonnement similaires voire supérieure à celle des humains, mais de façon contrôlée. Il dirige d'ailleurs l'équipe de « superalignement », chargée de s'assurer que les systèmes d'IA ne soient pas dangereux pour les humains. Avec la course au produit et à la performance déclenchée par ChatGPT, le scientifique a plusieurs fois fait part de ses inquiétudes sur le manque de précautions dans le déploiement des IA. Et il se serait confronté à ce sujet à Sam Altman, grand artisan des nouveaux services présentés par OpenAI au début du mois, à l'occasion de sa première conférence annuelle. Rapporté par la presse américaine, ce conflit d'idée n'a cependant jamais été confirmé publiquement par le conseil d'administration, qui s'en est tenu à sa position d'origine.

19 novembre, seconde gifle pour Sam Altman

Dimanche, avec l'appui des investisseurs et le soutien des employés, Sam Altman se rend dans ses anciens locaux, pour postuler à sa propre succession, et régler le désaccord qui a mené à sa destitution. Mais le conseil des frondeurs décide de lui infliger une seconde gifle, et de nommer comme CEO Emmet Shear, ancien dirigeant de Twitch. Un anti-Sam Altman, partisan d'un développement très précautionneux de l'IA. Dès l'annonce de sa nomination, ce dernier explique qu'il faudrait diviser par au moins cinq la vitesse de développement des IA, pour des raisons de sécurité. Une fois de plus, le conseil prend sa décision sans consulter les investisseurs...

Après ce nouvel affront, Sam Altman, accompagné d'une poignée de cadres d'OpenAI dont Greg Brockman, annonce qu'il rejoint Microsoft. Le géant de la tech, qui jouit d'un partenariat privilégié avec OpenAI, se dit prêt à créer une division de recherche sur mesure pour accueillir le dirigeant exilé et tous les employés qui voudraient le suivre. Le feuilleton touche alors au sommet du dramatique.

22 novembre : Sam Altman plus puissant que jamais

Sur X, les employés coordonnent leur opération de communication, en soutien à leur ancien CEO. Ils entonnent en chœur « OpenAI is nothing without its people » [OpenAI n'est rien sans ses employés, ndlr], et réagissent avec l'emoji cœur aux messages de Sam Altman. Dès dimanche soir, plusieurs centaines d'employés, dont Mira Murati et Ilya Sutskever, signent une lettre pour avertir le conseil d'administration que sans retour de Sam Altman, ils démissionneraient et rejoindraient leur dirigeant bien-aimé chez Microsoft. Avec plus de 500 signatures sur 770 employés dès sa publication, la lettre met le couteau sous la gorge des membres du conseil. D'autant plus que lundi soir, elle dépasse les 700 signatures. Si le conseil ne plie pas, il risque de gouverner une coquille vide. C'est le moment que choisit Ilya Sutskever, considéré comme le leader de la fronde, pour s'excuser publiquement sur X (ex-Twitter). Il regrette sa participation au coup d'Etat, et explique qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour réunifier l'entreprise. Cerise sur le gâteau, le directeur général de Microsoft Satya Nadella déclare à la télévision lundi soir qu'il laisserait la porte ouverte à un retour de Sam Altman dans ses anciennes fonctions, mais que OpenAI aurait besoin d'une nouvelle gouvernance.

Il n'était alors qu'une question de temps avant que Sam Altman soit de retour dans ses fonctions, avec une confiance unanime de ses employés. L'entreprise a choisi un nouveau conseil d'administration qui a la charge d'assurer la transition vers un nouveau conseil d'administration permanent, OpenAI ouvre une nouvelle page. Et son emblématique dirigeant a désormais la confirmation qu'il est indéboulonnable, alors que ChatGPT fête ses un an la semaine prochaine.

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François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 23/11/2023 à 8:56
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Premier cas où les salariés ont fait valoir leur volonté contre celle de LEURS patrons. Une nouvelle ère s'ouvrirait-elle pour les salariés?

à écrit le 23/11/2023 à 7:37
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"pour mettre la technologie dans les mains du plus grand nombre" En effet ça ça n'a pas du leur plaire aux actionnaires milliardaires ! "Tout le monde" c'est eux pour eux et rien qu'eux.

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