L'IA à travers l'écran : « film catastrophe » ou « happy end » ?

Hollywood a été ébranlée par la grèves des scénaristes pour faire valoir leurs droits face à la vague de l'intelligence artificielle. Quelles ont été les réformes obtenues par le secteur outre-Atlantique ?
L'IA fait autant de prouesses qu'elle menace le sens même de la création et met en péril des emplois.
L'IA fait autant de prouesses qu'elle menace le sens même de la création et met en péril des emplois. (Crédits : MIKE BLAKE)

« Le cinéma doit être créé par des êtres humains et nous amener à réfléchir », scandait Ruben Östlund, Président du jury du Festival de Cannes 2023, le 16 mai dernier. Quatorze jours auparavant à Hollywood, le syndicat des scénaristes (12.000 membres) annonçait se mettre à l'arrêt, suivi deux mois plus tard par celui des acteurs (160.000 membres), paralysant ainsi tournages et promotions pendant cinq mois. Du jamais vu depuis 1960 ! L'objet, ou plutôt les objets de leurs protestations : la baisse des rémunérations dopée par le boom des plateformes de streaming, mais aussi l'essor de l'intelligence artificielle et son manque d'encadrement.

De l'écriture de scénarios et des scripts aux doublages, en passant par le montage, les effets spéciaux et les cascades, l'IA fait autant de prouesses qu'elle menace le sens même de la création et met en péril des emplois - 300 millions dans le monde, selon une étude de Goldman Sachs de mars 2023 - causant une déqualification et un assujettissement de l'humain à ces nouvelles technologies. « Nous allons être systématiquement remplacés par l'intelligence artificielle ! », martelait l'actrice Fran Drescher (incontournable Nounou d'enfer dans la série culte, et présidente du syndicat des acteurs), au lancement de la grève. Si elle semble tout droit sortie d'une intrigue dystopique, cette crainte est pourtant bien réelle à l'heure où les technologies permettent de recréer des visages ou des voix à l'infini.

Prédire un succès audiovisuel

En 2016, les images de synthèse ont par exemple ressuscité Peter Cushing dans Rogue One : A Star Wars Story, plus de 60 ans après la mort du comédien. Soulevant rapidement des interrogations éthiques sur la réappropriation des images des acteurs sans leur consentement, cette pratique a aussi agité l'inquiétude quant à la possible naissance de figurants virtuels ou d'acteurs fictifs. Autre élément de méfiance émanant de ces technologies en constant perfectionnement : la possibilité de prédire un succès audiovisuel.

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Bien avant la mise en boîte d'un film ou d'une série, les algorithmes peuvent s'inviter dès la pré-production pour indiquer s'il est judicieux ou non d'investir dans un projet, recommander des solutions pour optimiser ses retombées auprès du public, et ce, après une simple analyse du scénario. Si la 20th Century Fox assume avoir déjà eu recours à ces techniques dans la création de ses bandes-annonces, leur utilisation à grande échelle mettrait en péril, en plus des métiers de la production, la variété et l'originalité des œuvres.

L'usage de l'IA enfin régulée

Mais depuis le 9 novembre, la fumée blanche s'est enfin répandue au-dessus du Hollywood Sign après 118 jours de cette crise que l'on peut qualifier d'historique. « Élément décisif dans les négociations », comme l'a affirmé Fran Drescher au lendemain de l'approbation de la nouvelle convention collective, l'usage de l'intelligence artificielle dans l'industrie est ainsi enfin régulée.

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Parmi les nombreuses mesures phare, le fait qu'un acteur doit désormais obligatoirement donner son consentement ou celui de ses ayants droits sur l'exploitation d'une réplique numérique, et gagner le même salaire qu'il aurait perçu s'il avait fourni lui-même cette quantité de travail. Côté figuration, aucun double fictif ne pourra être utilisé pour soustraire à l'embauche d'un comédien. Une vraie victoire pour la présidente du syndicat qui a souligné en conférence de presse qu'« une année correspond à trois mois dans le monde de l'IA (...) Si nous n'avions pas obtenu ces garde-fous, que serait-il arrivé dans trois ans ? » Le scénario en a heureusement décidé autrement.

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Commentaire 1
à écrit le 22/11/2023 à 8:38
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"« Le cinéma doit être créé par des êtres humains et nous amener à réfléchir »" Pas d'accord pour la première si la seconde y est. Si une machine arrive à plus nous faire réfléchir qu'un humain il faut foncer même ! Le problème des machines actuelles...

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