Automobile, métavers, virage BtoB... Ce qu'il faut retenir du CES 2023

La 53ème édition du CES, qui s'est achevée dimanche 8 janvier à Las Vegas, n'a pas révélé d'innovations majeures, mais a parachevé sa mutation en véritable salon professionnel plutôt que grand-public. Cette première édition post-Covid a en fait accéléré les tendances perçues en 2020 d'une montée en puissance de l'automobile, de la santé/bien-être et des innovations dans les domaines de la mobilité et de la transition écologique. Moins présente mais mieux structurée, la France, représentée par le ministre du Numérique Jean-Noël Barrot, a dévoilé environ 200 startups. Décryptage.
Sylvain Rolland
(Crédits : Sylvain Rolland)

Après cinq jours d'ébullition à Las Vegas, capitale mondiale du divertissement, le CES 2023, plus grand salon tech au monde, s'est achevé dimanche soir. A l'heure du bilan, cette première édition physique depuis la pandémie de Covid-19 a bel et bien renoué avec les foules, mais a surtout confirmé les tendances aperçues pré-crise, les forces mais aussi les faiblesses de ce grand raout qui a réuni plus de 2.500 exposants et accueilli plus de 100.000 visiteurs.

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L'automobile, vraie star du salon

Faurecia, Valeo, BMW, Mercedes, Peugeot... tous les constructeurs et les équipementiers du secteur automobile étaient là pour présenter leurs derniers modèles de véhicules, leurs nouveaux systèmes embarqués, évolutions logicielles et autres innovations dans la mobilité de demain, de préférence intelligente et électrique.

Mercedes-Benz, par exemple, a annoncé à la fois un nouveau véhicule mais aussi l'implantation d'un nouveau réseau de bornes de recharge en Amérique du Nord, ainsi que le franchissement d'un nouveau cap de sécurité et de fiabilité en matière de conduite autonome. D'autres, à l'image de l'américain Chrysler, ont présenté à Las Vegas non pas un véhicule, mais un habitacle doté d'écrans et de sièges confortables dédiés au travail et au divertissement, pour donner une idée de la voiture sans conducteur du futur. De son côté, Fiat a dévoilé sa boutique en ligne dans le métavers, où le consommateur pourra tester les véhicules en réalité virtuelle (prévu en France à l'hiver 2024 après une expérimentation en ce moment en Italie).

De nombreuses startups ont également profité de la présence des industriels du secteur pour exposer leurs innovations. Ainsi, Holoride, pépite soutenue par le constructeur Audi, a présenté son casque de réalité virtuelle destiné aux passagers du siège arrière de la voiture. L'idée est de leur permettre de regarder un film, une série ou jouer à un jeu vidéo sans avoir le mal des transports, qui est le principal frein à l'adoption du divertissement embarqué dans les véhicules de demain. L'astuce de Holoride : le contenu est synchronisé avec les mouvements de la voiture.

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Un virage BtoB de plus en plus marqué

Historiquement le salon de l'électronique grand public -d'où son nom, Consumer Electronics Show-, le CES devient au fil des ans de plus en plus un salon professionnel,  où les géants de la tech et les acteurs des secteurs qui vivent une profonde transformation numérique viennent présenter leurs dernières innovations. Ce n'est donc pas un hasard si le CES tend à supplanter le salon automobile de Detroit ces dernières années : la profonde transformation de l'industrie automobile -et des mobilités en général-, sous l'effet de l'électrification des flottes et de l'automatisation des véhicules, fait du CES l'endroit où il faut être pour les équipementiers et les constructeurs.

Ce virage BtoB se perçoit également chez les startups. Sur les quelque 200 startups de la délégation française, environ 90% sont BtoB d'après Eric Morand, directeur du département des événements BtoB de Business France. « Dans la lignée des dernières années, elles se répartissent essentiellement dans les secteurs des mobilités, de la transition énergétique, du logiciel professionnel et de la santé/bien être », indique-t-il.

Les pépites qui présentent des innovations dans les domaines traditionnels du CES comme la vidéo ou l'audio, sont extrêmement minoritaires, une quinzaine tout au plus. La faute, également, à la crise économique mondiale qui a fait chuter, en 2022, les valorisations et les levées de fonds des startups. Le CES étant utilisé principalement pour communiquer auprès du grand public par les startups BtoC, certaines ont choisi de couper ce budget perçu comme non-indispensable à l'heure où la tech découvre la rationalité.

Le métaverse partout malgré une adoption très faible

Sentir des roses imaginaires, apprendre des manœuvres d'avion de chasse en réalité augmenté, soigner Alzheimer par la réalité virtuelle... Au CES, les startups ont rivalisé d'idées pour construire le métavers et résoudre tout un tas de problèmes de manière virtuelle.

Les équipementiers automobile ont ainsi utilisé le terme à toutes les sauces pour inventer l'habitacle du futur dans les voitures autonomes. De nouveaux casques de réalité virtuelle et mixte (c'est-à-dire réalité virtuelle et augmentée) ont été présentés, à l'image de l'indien AjnaXR, qui se veut plus léger et fonctionnel que les modèles existants pour que les utilisateurs puissent le porter pendant des heures. De son côté, la pépite française SocialDream a aussi lancé son propre casque de réalité mixte, baptisé Dreamsense, spécialement conçu pour ses vidéos immersives destinées à stimuler la mémoire des patients souffrant d'Alzheimer.

Moins directement utile, de nombreuses technologies olfactives ont été présentées au CES. La startup américaine OVR a mis au point un accessoire qui s'attache sous le casque de réalité virtuelle pour diffuser des odeurs, afin de parfaire l'expérience du métavers. Ainsi, l'utilisateur peut humer l'odeur de son barbecue virtuel, et demain de parfums qu'il pourra sentir avant d'acheter en ligne...

Problème : pour l'heure, le métavers reste surtout spéculatif. Malgré l'arrivée à maturité des technologies de réalité augmentée et virtuelle, le grand public ne semble pas encore prêt à dépenser des centaines -voire milliers- d'euros pour s'équiper massivement en casques et applications pour le métavers, en plus d'une vie réelle déjà bien coûteuse. Malgré le buzz et sa place démesurée au CES 2023, le métavers reste, pour l'heure, une niche : le métavers de Meta (Facebook), Horizons, compte à peine 200.000 utilisateurs actifs par mois, et l'équipement en casques de réalité virtuelle reste faible par rapport aux smartphones et tablettes. Ainsi, la CTA, l'association qui organise le CES, table sur 3,1 millions de casques de VR vendus aux Etats-Unis en 2023 (soit tout de même une progression de 20% par rapport à 2022) et plus de 380.000 lunettes de réalité augmentée (+100%). Toujours loin de la vague promise.

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La « bullshit innovation » de l'année : le scanner d'avocats

Comme tous les ans, la gigantesque caverne d'Ali Baba qu'est le CES a présenté son lot d'innovations spectaculairement inutiles. Si la fameuse patate connectée française, star de l'édition 2020, était justement une satire de la course parfois stérile à l'innovation, rien de tel dans One Third, le scanner d'avocats très premier degré et qui a fait sensation cette année. Pour « lutter contre le gaspillage alimentaire », cette pépite américaine a mis au point un scanner infrarouge qui détecte si le fruit est « pas encore mûr », « mûr » ou « trop mûr ».

Bien évidemment, le résultat se lit sur une application mobile avec un code couleur qui varie selon la maturité de l'avocat. En plus d'éviter de choisir au supermarché un avocat trop mûr -ce qui pourrait en fait augmenter les invendus donc le gaspillage alimentaire ?- l'outil est censé éviter que les consommateurs tâtent les fruits, ce qui les abîme. Mais encore faudrait-il pour cela que tout le monde ait un smartphone et le sorte pour faire ses courses...

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Les régions françaises en démonstration

Comme tous les ans depuis 2016, la France est l'une des premières nations exposantes au CES. En grande partie grâce à son armée de startups qui fait le déplacement à l'Eureka Park, l'espace dédié aux jeunes pousses. Cette année encore, plus de 170 pépites ont exposé à l'Eureka Park, toutes réunies sous la même bannière du coq rouge de la French Tech, organisées par Business France.

Comme en 2020 -la dernière édition 100% physique du salon-, quasiment toutes les régions (10 sur 13) ont joué le jeu du collectif. De l'Ile-de-France de Valérie Pécresse (LR) à l'Occitanie de Carole Delga (PS), en passant par l'Aura de Laurent Wauquiez (LR) et la Bretagne de Loïg Chesnais-Girard (PS), toutes ont accepté de diluer un peu leur propre logo pour mettre en avant la force de l'innovation made in France. Depuis des années, le CES est considéré comme un puissant levier d'attractivité pour les régions françaises, qui font le déplacement pour exposer le dynamisme de le tissu économique régional, dans l'espoir d'attirer talents, entreprises et investisseurs français et internationaux.

Cette année, le ministre délégué au Numérique et aux Télécommunications, Jean-Noël Barrot, a fait le déplacement en personne pour soutenir l'équipe de France de l'innovation et rappeler que l'une de ses principales missions est de développer la tech partout dans les territoires. Mais pour l'heure, les résultats restent mitigés, car l'Ile-de-France continue de concentrer environ la moitié des créations de startups en France et 80% des investissements.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 10/01/2023 à 11:52
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Des innovations qui n'apporteront aucun réel progrès sauf pour "la politique de l'offre" qui nous permettra de continuer a "pédaler dans la semoule" en ayant l'air d'avancer ! ;-)

à écrit le 09/01/2023 à 18:29
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Des voitures de plus en plus connectés, pour quoi faire ? Créer un paradoxe anxiogène entre regarder, écouter tous ces objets connectés et respecter en même temps l'injonction de rester attentif à la route sous peine d'amende. De plus toute cette él...

à écrit le 09/01/2023 à 15:40
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Franchement, on n'en a rien à faire de la voiture "connectée" à part le GPS...et encore!

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