IA, santé, e-mail, paiement : Qwant change de dimension pour devenir le Google européen

Le moteur de recherche français étend considérablement son écosystème de services, de la santé (Qwant Med) au paiement (Qwant Pay), en passant par la messagerie électronique (Qwant Mail), la cartographie (Qwant Maps) et les sports (Qwant Sports). L'objectif : concurrencer sérieusement Google et devenir le moteur de recherche d'une Europe en quête de sa souveraineté numérique.
Sylvain Rolland
Dans ses nouveaux locaux parisiens flambants neufs, Eric Léandri a décliné d'un coup la stratégie de Qwant et voulu montrer que la startup est prête à changer de dimension, pour attaquer sérieusement Google en France et en Europe.
Dans ses nouveaux locaux parisiens flambants neufs, Eric Léandri a décliné d'un coup la stratégie de Qwant et voulu montrer que la startup est prête à changer de dimension, pour attaquer sérieusement Google en France et en Europe. (Crédits : DR)

Recherche en ligne, cartographie, messagerie électronique, solution de paiement, réalité virtuelle, santé connectée... Non, il ne s'agit pas d'un inventaire des services proposés par le géant américain Google, mais celui, en construction, de la startup française qui rêve de lui damer le pion en Europe : Qwant. Ce jeudi 14 juin, son président et fondateur Eric Léandri, a présenté, en présence du ministre de l'Économie Bruno Le Maire et du secrétaire d'État au Numérique Mounir Mahjoubi, toute une gamme de nouveaux services, complétant un écosystème de plus en plus large.

L'objectif : créer un "environnement sécurisé global" pour l'utilisateur, qui soit aussi divers, attractif et pratique que celui de Google, le respect de la vie privée et la protection des données en plus. Car Qwant ne récolte et ne traite aucune donnée personnelle sur ses utilisateurs. Il se finance grâce à la publicité, mais se refuse à ce que celle-ci soit ciblée.

Lire aussi : Pourquoi le moteur de recherche Qwant mise sur l'intelligence artificielle

Née à Nice en 2011, la pépite qui a levé 18,5 millions d'euros supplémentaires en 2017, voulait frapper un grand coup. Dans ses nouveaux locaux parisiens flambant neufs, Eric Léandri a décliné d'un coup la stratégie de Qwant et voulu montrer que la startup est prête à changer de dimension, pour attaquer sérieusement Google en France et en Europe. Présente à Nice (développement technique du moteur de recherche), Paris (direction commerciale et financière), Epinal (travail de recherche sur la sémantique), Rouen (sécurité), Ajaccio (musique), ainsi qu'à Milan et à Berlin (filiales locales) en attendant Suzhou en Chine (R&D sur la data), Qwant emploie actuellement 164 personnes et espère réaliser un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros en 2018, après 3,5 millions d'euros l'an passé.

Qwant Sports lancé à point nommé pour la Coupe du monde

Avec 70 millions de visiteurs uniques par mois, Qwant reste toujours très loin de Google, qui pèse à lui seul plus de 90% du marché européen de la recherche en ligne. Pour l'heure disponible en 28 langues, Qwant propose un moteur de recherche éthique décliné sur ordinateur et sur mobile, une déclinaison pour les enfants (Qwant Junior) soutenue par l'Éducation nationale, et plusieurs moteurs de recherche thématiques, l'un sur l'univers des jeux vidéo (Qwant Games), l'autre sur la musique (Qwant Music).

Alors que débute la Coupe du monde de football, l'entreprise va lancer en juillet sa nouvelle déclinaison verticale, Qwant Sports. Comme pour Games ou pour Music, il s'agit d'une plateforme dans la plateforme, qui permet aux amateurs de sports de disposer directement de l'ensemble de l'actualité sportive (résultats, vidéos, photos, profil des joueurs, matchs en direct...). Eric Léandri, qui souligne que les requêtes sportives représentent entre 20% et 30% du trafic sur son moteur de recherche tous les matins, espère ainsi surfer sur la Coupe du monde pour recruter de nouveaux utilisateurs et poursuivre son hyper-croissance : Qwant vient d'entrer dans le Top 1000 des sites les plus fréquentés au monde, à la 982e place, +900 places en un an.

Lire aussi : Qwant travaille ses futurs utilisateurs dès l'enfance

Qwant Mail, Qwant Maps et Qwant Pay arrivent en septembre

Comme Google le fait déjà, Qwant prépare aussi pour septembre une étendue de son écosystème à la messagerie en ligne et à la cartographie, avec Qwant Mail et Qwant Maps. Le premier sera une messagerie sécurisée, chiffrée et non-intrusive, le second un service de cartographie "sans tracking", qui géolocalisera l'utilisateur à la demande mais n'en gardera aucune trace et n'utilisera pas ses données.

Enfin, l'autre gros morceau est le lancement, lui aussi prévu pour septembre, de Qwant Pay, un service de paiement mobile qui viendra concurrencer Google Pay, Apple Pay et WeChat, avec l'espoir de leur ravir le marché européen encore à prendre. Le service est piloté par Laurent Renard, à la fois vice-président de Qwant Pay et Pdg de la joint-venture Toro basée à Barcelone.

Lire aussi : Qwant se verdit un peu plus avec Akuo Energy

Qwant Med et Qwant Sécurité Civile, l'innovation au service de la société

Eric Léandri a aussi annoncé l'ouverture de Qwant Med & Surgery, un service qui met la puissance de calcul de ses serveurs au service d'applications médicales de réalité augmentée ou d'imagerie. Piloté par un docteur en intelligence artificielle, Armand Aymar, le service conçu avec Nvidia se veut au service des médecins. Il permet par exemple à des chirurgiens de réaliser des opérations en réalité augmentée, en visualisant en 3D la zone de l'opération pour améliorer la précision et l'efficacité de l'acte.

Enfin, Qwant collabore aussi avec l'État pour l'information des populations en cas de crise. C'est le programme Qwant Sécurité Civile, qui permet par exemple d'afficher des alertes sur Qwant, d'envoyer des SMS de prévention.

Lire aussi : Comment Qwant a mis un tigre dans son moteur

Qwant, symbole politique d'une Europe qui tente de conquérir sa souveraineté numérique

Si le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, et le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi, se sont affichés aux côtés d'Éric Léandri lors des annonces, ce n'est pas seulement pour soutenir l'une des startups les plus emblématiques de la French Tech.

C'est aussi et surtout car Qwant - qu'Emmanuel Macron a invité à la dernière minute à participer au sommet Tech for Good de mai dernier - est désormais un symbole très politique : celui d'une startup française qui attaque frontalement Google en portant les valeurs européennes d'une innovation éthique et durable, et qui ambitionne de devenir lui aussi un géant. Qwant, qui n'a pourtant accompli qu'une infime fraction de ses ambitions et reste un nain de la recherche sur Internet, est le trophée que les politiques français brandissent pour incarner la nouvelle ligne résolument offensive de l'Europe face aux Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et aux géants du Net américains et chinois en général, qui cannibalisent l'innovation.

"Qwant est une réponse à tous les sceptiques qui pensent qu'on ne peut pas lutter face à Google. C'est une entreprise digitale française de premier plan, et demain il y en aura beaucoup d'autres en Europe", a fièrement affirmé Bruno Le Maire, érigeant la startup comme un modèle à suivre.

Pour le ministre de l'Économie, qui a rappelé son objectif d'aboutir à une taxation européenne des Gafa "juste" d'ici au début de l'année 2019, Qwant continue à "défendre nos intérêts au niveau national et européen, tout comme le RGPD". "Les données sont la nouvelle forme du pouvoir économique, financier et politique. Il faut protéger les données et imaginer un autre traitement [que celui des Gafam, NDLR]. Qwant incarne ces valeurs, c'est même un enjeu civilisationnel", a-t-il poursuivi.

Sylvain Rolland

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 15/06/2018 à 14:59
Signaler
Attention qui trop embrasse mal étreint, il ne faudrait pas que Qwant se piège par une communication trop ambitieuse, la société n'a pas d'évidence les moyens d'être sur tous ces marchés, ou alors il faut qu'elle lève plusieurs centaines de M€

à écrit le 15/06/2018 à 12:26
Signaler
il faut que Qwant soit installé sur tous les PC, tablettes, smartphones comme l'est Google. A l'utilisateur d'activer l'un ou l'autre. Marre de l'hégémonie US

à écrit le 14/06/2018 à 23:12
Signaler
Qwant grignote des parts de marché à Google en France et c'est tant mieux ! Copier sans vergogne les services de Google est une bonne stratégie pour que Qwant se développe ; bravo ! Face à Youtube et sa censure (par ex. la chaîne TVLibertés à 100 00...

à écrit le 14/06/2018 à 23:07
Signaler
Je l'ai découvert il y a peu de temps, il n'est pas plus mal qu'un autre. Depuis je l'ai mis en favori et je l'utilise.

à écrit le 14/06/2018 à 20:56
Signaler
Qwant, 164 employés, 3,5 millions d'euros de ventes. Qui paie la différence (plus que 5 millions d'euros)?

à écrit le 14/06/2018 à 20:32
Signaler
Civilisation rime avec colonisation. N'est-ce pas Monsieur le Ministre?

à écrit le 14/06/2018 à 17:06
Signaler
plus qu'à l'Europe a imposer que ce moteur de recherche soit obligatoire par default à l'installations des nagigateurs en Europe. Aujourd'hui impossible de l'avoir en premier outil de recherche sur Edge !

à écrit le 14/06/2018 à 16:14
Signaler
Concurrencer en copiant google donc, c'est exactement ce qui a perdu Yahoo, autrement plus puissant que qwant à l'époque, qui avait un moteur de recherche différent et plus pertinent mais les responsables n'ont rien trouvé de mieux que d'en créer un ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.